Le 9 novembre dernier se tenait le colloque annuel de l’Observatoire du crédit et de l’endettement1. Le thème de cette année portait sur la lutte contrele surendettement et le monde de travail. En effet, sur la base des dossiers de médiation de dettes traités en Région wallonne, on se rend compte que près d’un tiersdes personnes surendettées ont des revenus du travail. D’où l’importance d’une sensibilisation du monde des entreprises à cet égard et la mise en placede réponses adaptées. Lors de ce colloque, plusieurs études ont été présentées afin de mieux appréhender le surendettement des travailleurs etles réalités qu’il recouvre.
Une première analyse a été réalisée par Sarah Carpentier, chercheuse au Centrum voor Social Beleid (Université d’Anvers)2, etAnne-Catherine Guio, de l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique (Iweps)3, à partir des données contenues dansl’enquête EU – Silc (European Union – Statistics on income and living conditions)3. Cette enquête effectuée auprès de 5 275 ménagesprivés depuis 2004 a pour objectif de fournir des informations concernant les revenus des ménages et leurs conditions de vie et, sur cette base, de permettre l’élaborationd’une cartographie de la pauvreté et de l’exclusion sociale.
Comme le relève Sarah Carpentier, venue présenter cette étude, « l’analyse du risque de pauvreté dans le chef des personnes qui ont un emploi montre que laBelgique dispose d’une position assez favorable par rapport à cette donnée : en effet, seuls 4,3 % des travailleurs qui exercent une activité professionnelle présentent untel risque. Détenir un emploi est donc un garde-fou assez puissant contre la pauvreté dans notre pays. C’est très clair lorsque l’on compare les travailleurs àl’ensemble des adultes, pour qui le risque de pauvreté est de 14,7 %. » Autre donnée : moins il y a d’actifs dans le ménage, plus le risque de pauvretéest important. L’intensité du travail joue également, selon le nombre de mois travaillés sur l’ensemble des mois ouvrables (pouvant être travaillés).
Il est également à noter que si le travail est une protection contre la pauvreté, 14 % des pauvres sont néanmoins des personnes qui travaillent.
Les saisies sur salaire
Afin d’en savoir plus sur les actions à mener dans le monde du travail, une autre enquête a été menée en ligne entre août et octobre 2006, àl’initiative de l’Observatoire du crédit et a permis de recueillir les points de vue de 18 entreprises concernant près de 170 000 travailleurs, mais égalementd’institutions telles que Partena et le groupe S et de médiateurs de dettes (80 CPAS et avocats). Il ressort d’abord de cette enquête une réelle difficulté derecueillir des données sur cette question, faute de temps, de moyens matériels ou tout simplement de problème identifié comme tel. Néanmoins, selon lesdonnées émanant de son secrétariat social, Partena a relevé 0,83 % de saisies sur salaires sur un échantillon de 100 000 paies, avec une grande différenceentre les ouvriers (1,6 % de saisies) et les employés (0,3 %). Le Groupe S a de son côté relevé 0,65 % de saisies sur un panel de 233 858 travailleurs, avec une grandedifférence selon les sexes (0,9 % pour les hommes ; 0,3 % pour les femmes). Du côté des fonctionnaires, sur un échantillon de 80 000 personnes, on trouve 0,9 % de saisies,ce qui les place au-dessus de la moyenne. Matthieu Bruyndonckx a affiné l’analyse en précisant que « si les chiffres généralement avancés tournentautour des 5 % de travailleurs surendettés, les pourcentages sont plus élevés dans les entreprises à forte majorité ouvrière, dans les entreprises de travailadapté ou qui emploient un fort taux de travailleurs à temps partiel. La présence du problème est donc variable d’une entreprise à l’autre ».
Que le taux soit marginal ou significatif, il est important que l’entreprise s’adresse à l’ensemble du personnel pour l’informer des risques. Néanmoins, laprise en compte de ce phénomène est très diverse selon les entreprises, alors même que tous s’accordent sur l’impact négatif qu’ont sur le travail lesproblèmes financiers rencontrés par un travailleur (diminution de la concentration, absentéisme, alcoolisme). Côté travailleurs, un sur deux est réticentà se confier à son employeur quant à ses difficultés financières (par peur d’un licenciement, d’être jugé, que ça se sache, parfierté). Les médiateurs de dettes ne constatent pas de dégradation des relations entre employés et employeurs, une fois l’information donnée et ce, dans 95 %des cas. Les règles déontologiques de base sont appliquées.
Cela dit, comme dans les services de médiation, la consultation du service social est tardive et le travailleur vient avec des demandes précises (demande d’avances sur salaireou de prêts) qui ne sont pas toujours adéquates. D’où l’importance d’une prise de conscience et d’une formation des acteurs sociaux au sein même del’entreprise, afin de diffuser un message de prévention de qualité, d’orienter les travailleurs vers les services spécialisés et de ne pas jour à« l’apprenti médiateur ».
1. Observatoire du crédit et de l’endettement, Château de Cartier,
Place Albert 1er, 38 à 6030 Marchienne-au-Pont – tél. : 071 33 12 59 – courriel : info@observatoire-credit.be -Les textes des interventions lors du colloque se trouvent sur le site, sous la rubrique News.
2. Centrum voor Sociaal Beleid (CSB), Université d’Anvers, Facultés des sciences politiques et sociales,rue saint Jacob, 2 à 2000 Anvers – tél. 03 275 53 74.
3. Iweps, rue du Fort de Suarlée 1 à 5001 Belgrade, tél. : 081 46 84 11 – courriel : info@iweps.be.
4. Voir sur le site : http://www.statbel.fgov.be/silc/