Ce 10 mai, le Parlement bruxellois accueillait une table ronde de concertation faisant suite au rapport 2000 sur la pauvreté à Bruxelles, œuvre annuelle de l’Observatoirede la Santé1. Parlementaires bruxellois, représentants des CPAS, des communes, des associations sociales et de santé, ainsi que les usagers des services sociaux étaientinvités. Si on pouvait remarquer l’absence des ministres concernés (à l’exception de Guy Vanhengel) et le peu de parlementaires présents, les usagers euxétaient en nombre. La table-ronde préparée lors d’ateliers thématiques (travailleurs de CPAS, personnes concernées et organisations concernées), apermis de laisser s’exprimer tout le monde.
Les travailleurs sociaux
Première salve, les travailleurs sociaux : « Nous regrettons que la parole des travailleurs sociaux ne soit pas plus présente dans le rapport, remarque Véronique Odimba TandjaOnakoy, AS au CPAS de Molenbeek et représentante des travailleurs sociaux. Nous plaidons pour un recueil des données systématisé dans tous les CPAS car certains chiffresfont cruellement défaut. »
Une fois de plus, les travailleurs sociaux ont insisté pour que soit diminué le nombre de dossiers dont ils ont la charge et le poids des tâches administratives et decontrôle. « Le nombre de dossiers par AS devrait normalement varier entre 60 et 80, or, dans certains CPAS, la moyenne varie de 150 à 300 dossiers par AS, vous vous imaginez ? »,s’est indigné Véronique Odimba.
Les « personnes concernées »
Vient le tour des minimexés : manque de respect des personnes, accueil déplorable dans les administrations, inquisition des assistants sociaux, minimex insuffisant, etc. Lesdoléances sont nombreuses et se répètent d’années en années. Pourtant, selon les collectifs de minimexés, des solutions existent. Quelques propositionsen vrac : harmonisation des droits à l’aide sociale pour tous les CPAS bruxellois où la disparité reste très grande d’une commune à l’autre, miseà disposition de documents clairs, abandon de la carte médicale imposée par le CPAS et du réquisitoire médical « qui vous colle tel une étiquette », diminutionde la tâche des AS, etc.
Les locataires sociaux avaient également leur représentant à travers la personne de Philippe Minet, président des locataires sociaux de Koekelberg. Celui-ci apointé quelques défaillances de l’art. 30 d’une ordonnance de 1993 permettant aux locataires sociaux de porter plainte contre leur société de logements. Seloncette ordonnance, le délégué de la société chargé de traiter la plainte n’est en effet pas obligé de rencontrer le plaignant et peut trèsbien ne rencontrer que la société immobilière. Celle-ci n’est pas obligée de respecter l’avis remis par le délégué, ni de notifierl’avis au plaignant. « Même s’il existe une possibilité de recours pour le plaignant, on constate dans les faits que peu y font appel car on sait que lesdélégués osent en général peu s’interposer contre la société de logements qui les emploie, ils sont à la fois juge et partie, constatePhilippe Minet. La meilleure preuve en est que trois des délégués de sociétés de logements sont devenus à présent eux-mêmes gérants. »
D’autres intervenants ont tenu à témoigné de leur propre histoire. Ainsi Alex Vanden Broeck, ex-marchand ambulant, de retour fauché en Belgique, sans toit,qu’on renvoie d’une commune à une autre, à qui le CPAS n’indiquera jamais la possibilité d’une adresse de référence ni l’existenced’une prime d’installation. Il deviendra ce qu’on appelle un « transitoire », c’est-à-dire quelqu’un qui occupe un logement de transit. Son plaidoyer : plusd’humanité dans l’accueil et davantage de logements de transit.
L’histoire aussi de Jocelyne Talon, ancienne APS (agent de prévention et de sécurité), qui décrira par le menu le chantage à l’emploi, lesdémissions forcées, les locaux insalubres, les abus de pouvoir de la hiérarchie, le manque de respect vis-à-vis des contrats précaires. Enfin, c’est BenjaminLalieux qui clôturera les interventions des « personnes concernées ». Représentant du Forum bruxellois de lutte contre la pauvreté, il déposera en son nom un »préavis de colère » car « c’est se foutre de la gueule des gens que de prétendre que l’on peut être à la fois pauvre et digne ! », clamera-t-il. Dans lafoulée, il réclamera une hausse du minimex à 40.000 F.
Les « organisations concernées »
Pour les « organisations concernées », Werner Van Mieghem du Rassemblement bruxellois pour le droit à l’habitat (RBDH) a exprimé ses craintes quant aux possibilités deplus en plus réduites de trouver un logement : « Tout le monde renvoie sur Bruxelles-Ville mais les logements de transit y sont trop peu nombreux et les loyers prohibitifs, la moyenne pour lequartier Fontainas-Anneessens est de 17.500 F, impossible pour un minimexé de faire face à une telle dépense ! De plus aucun bourgmestre n’a fait usageÂde la loiOnkelinx sur la réquisition d’immeubles abandonnés. À quand son application ? » Werner van Mieghem pointera encore les deux ordonnances gaz et électricitéà ses yeux insatisfaisantes.
Marie-Rose Warichet, de la coordination sociale de Schaerbeek, elle aussi représentante des « organisations concernées » a clôturé les interventions sur lanécessité pour les CPAS de s’ouvrir à l’associatif et d’harmoniser leur politique d’octroi de l’aide sociale. Elle a, à son tour,plaidé pour un relèvement du minimex, qui tienne compte de l’enveloppe « loyer », pour l’individualisation des droits sociaux et a pointé quelques dysfonctionnements :pourquoi sont-ce toujours les personnes défavorisées à qui l’on attribue les emplois précaires ? ; les exclus du CPAS ne sont repris dans aucune statistique commes’ils n’existaient pas ; le placement des enfants est parfois privilégié au détriment d’une aide ponctuelle à apporter à certaines familles endifficulté.
L’harmonisation se fera-t-elle par le bas ?
Parmi les interventions du débat qui a suivi, relevons celle d’Anne-Sylvie Mouzon, parlementaire PS et présidente du CPAS de St-Josse, qui s’est inscrite en faux contrecertaines déclarations : « si on harmonise les conditions d’octroi, la politique sociale des CPAS sera régionalisée et il ne sera plus possible de faire une véritablepolitique sociale de gauche, ce sera le nivellement par le bas », « Faux, lui a rétorqué Denis Grimberghs, parlementaire PSC. C’est déjà le cas en Wallonie et celamarche très bien. Harmonisation ne signifie pas automatiquement perte d’autonomie. » Quant au relèvement du minimex, pour Anne Mouzon, OK si le Fédéral prend encharge et si on relèv
e aussi les salaires minimum. La lourdeur des tâches des AS ? « Elle permet de respecter les procédures, ce qui protège le bénéficiaire etpermet aux AS de mieux connaître la législation et d’être par là plus efficaces. » Un discours on s’en doute qui avait du mal à passer du côtédes bénéficiaires.
Relevons encore cette proposition de Jean-Louis Linchamps d’Espace social Télé-service : la création d’une cellule prospective en matière de logement àBruxelles pour les nouvelles constructions et les rénovations car « il y a à cet égard un véritable problème de vision politique. »
À noter enfin que les débats de la table-ronde seront intégrés dans le rapport final qui doit être remis pour le 30 mai au plus tard, sur le bureau del’Assemblée réunie conformément à l’ordonnance du 8 juin 20002. Les éventuelles décisions ne seront prises qu’après que le voyageparlementaire du rapport ait suivi son cours.
1 Rapport 2000 sur l’État de la pauvreté en Région de Bruxelles-Capitale, septembre 2000, disponible auprès de l’Observatoire de la Santé, av. Louise,183 à 1050 Bruxelles, contact : Annette Perdaens, directrice administrative, tél. : 02 552 01 50, e-mail : aperdaens@ccc.irisnet.be
2 Ordonnance relative à l’élaboration d’un rapport annuel sur l’état de la pauvreté dans la Région de Bruxelles-Capitale.
Archives
"Table ronde sur le Rapport pauvreté 2000 à Bruxelles : "On vient déposer un préavis de colère !""
catherinem
21-05-2001
Alter Échos n° 98
catherinem
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