On connaît depuis près de cinquante ans ce service d’écoute et de soutien par téléphone. Quelque 600.000 personnes en Communauté française,dont près de 230.000 rien que dans la capitale, composent chaque année son numéro de téléphone gratuit1. Depuis quelques mois, un nouveau moyen decommunication est disponible via le poste de Télé-Accueil de Bruxelles : le « chat-accueil »2.
« C’est une réflexion qui nous mobilise de longue date, explique Véronique Van Espen, directrice de Télé-Accueil Bruxelles, le promoteur du « chat-accueil ».Internet nous permet d’élargir notre accessibilité et de toucher des gens pour qui non seulement parler est problématique mais pour qui décrocher letéléphone représente une difficulté supplémentaire. » On pense d’emblée aux personnes muettes ou malentendantes mais aussi aux jeunes, familiersde la tchatche sur le Net. Des jeunes qui appellent par ailleurs de plus en plus Télé-Accueil par téléphone, particulièrement les étudiants quiétaient plus de 1.600 à le faire l’an dernier à Bruxelles. On constate à cet égard, comme le souligne une écoutante, une acuitéparticulière des appels de jeunes filles maghrébines coincées entre deux cultures. « Je ne me rappelle pas en avoir eu par le passé, dit-elle. Ce sont des jeunesfilles qui vivent depuis toujours en Belgique, et pour qui c’est difficile de vivre sous l’emprise des parents, du père. »
Les gens qui contactent Télé-Accueil ne sont pas forcement seuls mais plutôt en mal de confiance. Ils vivent dans l’isolement moral, psychologique et relationnel. «C’est plus marqué, du moins subjectivement, chez les jeunes, explique V. Van Espen. Ils sont à l’âge où se posent des tas de questions existentielles sur lavie, la mort, la sexualité… Ils traversent une phase aiguë qui a besoin d’être partagée. Or les jeunes sont souvent dans le même état d’esprit,à parler entre eux, à avoir peur de l’autre surtout s’il s’agit d’un adulte en position d’autorité. L’anonymat que nous leur offrons via unmoyen de communication qui leur est familier peut les aider. » En effet, le cadre particulier de cette écoute, tout comme la plus classique au téléphone, est absent dejugement, d’intervention et de conseil. « On prend la personne là où elle se trouve, avec ses attentes, poursuit V. Van Espen. Et les jeunes sont porteurs de beaucoupd’attentes : les parents et l’école mettent la pression, de même que les relations entre filles et garçons, le paraître branché… C’est unâge en mouvement. » L’imaginaire occupe aussi une place considérable chez ce public. Appeler Télé-Accueil, c’est peut-être se confronter à laréalité (moyennant quelques réserves, car on ne se rencontre pas).
Une expérience qui fonctionne en Flandre
Fort de l’expérience menée avec succès en Flandre où Tele-Onthaal3 pratique quotidiennement le chat, le projet bruxellois a démarré enoctobre dernier. Il vient de faire l’objet d’une première évaluation. « Nous recevons de deux à dix appels par permanence et le nombre de visites sur le sitecontinue à progresser de mois en mois, constate Véronique Van Espen. Nous pensons multiplier les plages horaires durant lesquelles nous sommes joignables. »
Le site est sécurisé pour que les contacts se passent dans l’anonymat et la confidentialité, comme lors des conversations téléphoniques et avec lamême spontanéité et immédiateté d’échange. « Nous faisons le pari que la personne peut cheminer par la parole, aussi bien partéléphone que par « chat », où l’échange est proche de l’oralité. Mais cela reste un outil qui ne se suffit pas à lui-même, précise ladirectrice de Télé-Accueil Bruxelles. L’objectif n’est pas de combler la solitude des gens mais qu’ils puissent appliquer cette écoute et cette parole autourd’eux. Et nous espérons qu’ils vivront cette expérience en dehors de Télé-Accueil. »
Une formation spécifique
Le Centre de formation à l’écoute (Cefec)4, un département de Télé-Accueil Bruxelles, forme bien entendu les candidats bénévolesà l’écoute par téléphone et par chat au sein même de ce service mais pas uniquement. Des modules sont ouverts tous les deux mois aux professionnelsd’autres institutions et aux bénévoles dont la démarche s’inscrit dans une pratique d’accueil et d’écoute. « Nous soutenons que l’on peuttrouver quelqu’un à qui parler dans son voisinage et dans d’autres institutions », explique Pascal Kayaert, le directeur du Cefec. Parler et écouter sont en lien intime. Pource formateur, une multiplication des lieux d’écoute possible n’a de sens que si l’on permet en parallèle un plus grand accès à la parole. «Pourquoi écouter ? interroge-t-il. Parce que cela soutient les gens à parler et que parler a du sens. » Ce qui motive les gens à être en positiond’écoute, c’est aussi un lieu pour parler des questions que cela leur pose. C’est cet espace que le Cefec leur propose également.
1. Télé-Accueil Bruxelles. Secrétariat, bld de Waterloo, 99 à 1000 Bruxelles –tél. : 02 538 49 21 – fax : 02 537 41 85 – secretariat@tele-accueil-bruxelles.be. Numéro vertaccessible 24 heures sur 24 : 107.
2. Le site https://chat-accueil.be est accessible chaque mardi soir de 20 à 24 heures.
3. Federatie van Tele Onthaaldiensten, BP 9 à 9000 Gent-12 – tél. : 09 220 82 92 – Numéro vertaccessible 24 heures/24 : 106.
4. Contact : voir Télé-Accueil Bruxelles