En moins de trois ans, l’organisation a pu aider plus de 900 jeunes entre 10 et 20 ans. Des jeunes en proie à la dépression ou ayant des tendances suicidaires. Et le projet pourraitfaire des émules.
Tejo est installé dans une belle maison bourgeoise en plein centre d’Anvers, près du Meir. Ce jour-là, Simon, 17 ans, parle longuement avec la thérapeute Ingrid DeJonghe, la fondatrice de Tejo : le divorce de ses parents qui ne passe décidément pas, les disputes à la maison, les problèmes à l’école, un grand sentimentde vide qui s’installe à l’occasion des vacances… Il vient régulièrement ici depuis trois mois et il est bien conscient d’être encore loin du bout du tunnel. « Mais jesens bien que les séances font vraiment de l’effet. J’arrive mieux à analyser ma vie. Je comprends ce qui ne fonctionne pas et je prends de plus en plus conscience de mesqualités. »
Tejo est ouvert de 16 à 20 heures, vacances comprises et ne désemplit pas. Les jeunes de 10 à 20 ans peuvent venir ici gratuitement et bénéficier de l’aide dethérapeutes bénévoles. Les seules données qu’on leur demande sont leur prénom et leur date de naissance. Suit alors un premier entretien avec l’un desthérapeutes. La suite dépend du jeune lui-même. « Certains sont satisfaits après quelques séances seulement. D’autres reviendront plus de dix fois. Il faut aussi quele jeune soit prêt à se faire aider parce que sans sa collaboration, cela ne peut pas fonctionner », souligne Ingrid De Jonghe.
Cela fera bientôt trois ans que Tejo (Therapeuten voor Jongeren) a été lancé et depuis, plus de 900 jeunes sont venus s’y faire aider par près de 80thérapeutes bénévoles. « Les besoins sont énormes. Les jeunes qui se présentent chez nous sont souvent confrontés à des problèmes trèslourds, dont ils n’arrivent à parler à personne et qui les entraînent dans une spirale infernale. Mais parfois, quelques conversations suffisent à faire ladifférence. Ils ont d’énormes ressources pour rebondir mais il faut naturellement leur donner les instruments adéquats pour le faire. »
Rassurer et être accessible
Les entretiens n’ont pas lieu dans des espaces froids ou cliniques mais dans de petites pièces chaleureuses réparties un peu partout dans le bâtiment. « Le mot « thérapie »est déjà assez effrayant comme cela. Il faut que les lieux où cela se passe soient rassurants. Tejo doit être une sorte de havre de paix pour les jeunes », estime Ingrid DeJonghe.
Les problèmes rencontrés par les jeunes sont multiples. « Mais le plus souvent, cela tourne autour de problèmes relationnels », dit Kristien Roland, l’une desthérapeutes. « La relation avec les parents, les frères et soeurs, les amis ou les professeurs… Des relations conflictuelles ou, au contraire, inexistantes. Il y a des jeunes qui sontsoumis à du harcèlement, qui ont de mauvais amis ou qui ont des problèmes avec l’autorité. Dans certains cas, c’est tellement destructeur qu’ils en viennent às’automutiler. »
Autre mal récurrent, la dépression. « Beaucoup parmi les jeunes que nous recevons nous parlent ouvertement de suicide. Leur vie n’a plus de perspective. Ils ne voient plus àquoi se raccrocher et comment remonter la pente. Parfois aussi, c’est une perte subite qui fait basculer tout leur monde. »
Les séances sont gratuites ici, une dimension importante aux yeux d’Ingrid De Jonghe. Cette ancienne avocate spécialiste des tribunaux de la jeunesse a pris l’initiative de créerTejo après avoir constaté à quel point les listes d’attente étaient longues dans le secteur de l’aide psychologique à la jeunesse. L’anonymat est un deuxièmemoyen de maintenir bas le seuil d’accessibilité. Et pour Lotte, 20 ans, l’une des premières à avoir été accueillie ici, ces éléments ontété déterminants. Les listes d’attente étaient énormes quand elle s’est présentée au Centre de Santé Mentale. « Et c’est énorme ce que leTejo a pu faire pour moi. Il y a des problèmes dont je ne soupçonnais même pas l’existence qui sont remontés à la surface. »
Le mot de la fin à Ingrid De Jonghe : « On demande tellement aux jeunes. De se comporter de façon responsable, d’avoir plein d’amis, d’être performants… Beaucoup n’arriventpas à supporter toute cette pression. On leur demande quasiment de faire des choix définitifs à un âge où ils n’ont aucune idée de ce qu’ils veulent faire nide qui ils veulent être. (…) Nous devons leur redonner du champ pour pouvoir faire des erreurs et du temps pour apprendre à se connaître. »
Tejo pourrait faire des petits : un projet est en train de prendre forme à Gand et Ashoka, une ONG qui soutient des projets de volontariat international, souhaite lancer une initiativesimilaire à Berlin.
D’après De Morgen et De Standaard