Attentats manqués, procès, mesures particulières de recherche ou écoutes téléphoniques : plus un jour ne passe sans que l’actualité nousramène, de près ou de loin, à la menace terroriste. Quid du rôle de la presse ?
Quel rôle doivent jouer les médias pour sensibiliser au terrorisme et à la lutte contre celui-ci ? L’équilibre entre la lutte contre le terrorisme et la libertéd’informer est-il toujours respecté ? Autant d’interrogations qui étaient au cœur des débats organisés le 27 avril 2010 à Bruxelles, àl’initiative du Bureau d’information régional des Nations unies, du Conseil de l’Europe, du Bureau du coordinateur européen de la lutte contre le terrorisme, del’Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme (ONU), de l’Association générale des journalistes professionnels de Belgique (AGJPB), de laFédération internationale des journalistes (FIJ) et de Reporters sans frontières (RSF).
Critiquant ouvertement, mais aussi tardivement, « l’approche de Bush » sur Guantanamo présentant dans les médias « des affreux criminels » comme des «valeureux combattants », Gilles de Kerkhove estime que la meilleure façon de faire du journalisme dans les matières terroristes consiste simplement à montrer ce qu’estvraiment le terrorisme, à savoir un crime abominable. « Il faut « déglamouriser » le terrorisme pour qu’il n’apparaisse plus comme un combat légitime et cela demande untravail actif d’une presse indépendante. » Évoquant uniquement le terrorisme à caractère jihadiste, le coordinateur européen a égalementregretté que la propagande terroriste sur Internet soit généralement stockée sur des serveurs américains et protégée par les principesdémocratiques comme la liberté d’expression et la liberté de presse. « On doit aussi s’interroger sur la meilleure manière pour l’Europe de communiquer avec le mondemusulman. L’Europe investit énormément dans ces pays et il n’est pas normal que sur 25 000 fonctionnaires européens, nous n’ayons pas un seul chargé de communicationsachant parler couramment l’arabe devant Al Jazeera pour expliquer les politiques européennes. Nous devons promouvoir l’éthique, l’expertise et le professionnalisme des journalistestout en combattant la propagande », a déclaré Gilles de Kerkhove.
Indépendance fragilisée
Janos Tisovsky, directeur adjoint du bureau régional de l’ONU, a expliqué que les Nations unies comptaient vingt-quatre agences spécialisées coordonnant les efforts dusecrétaire général en matière de contre-terrorisme. Selon ce fonctionnaire international, les médias doivent traiter différemment l’information enmatière de terrorisme parce que « les actes terroristes sont souvent commis dans le but d’attirer l’attention médiatique, les médias ne peuvent pas rester neutres faceà des victimes innocentes, la technologie permet un accès direct aux différentes communautés et les médias sont de plus en plus la cible des terroristes.»
Une approche que ne partage pas tout à fait Oliver Money Kyrle de la Fédération internationale des journalistes (FIJ) pour qui « le rôle des journalistesreste essentiellement le même, c’est-à-dire s’attacher à décrire la vérité quelles qu’en soit les conséquences ». Le journaliste critique latendance des autorités officielles à rendre l’accès aux informations de plus en plus difficile, les menaces et les procédures visant à contraindre les journalistesà révéler leurs sources, la mise sur écoutes de nombreux journalistes dans plusieurs pays européens (y compris en Allemagne, en Belgique et en France). « Enfragilisant l’indépendance des journalistes, les autorités mettent en réalité l’intégrité physique de ces journalistes en danger et entachent leprofessionnalisme du métier. Le journaliste a besoin de maintenir une relation de confiance avec ses sources. Les gouvernements usent et abusent des législations sécuritairespour limiter sans cesse le travail des journalistes, ils piétinent ainsi indirectement les principes qu’ils veulent officiellement défendre. »