«Est-ce que vous pourriez m’envoyer les questions par écrit?» «Je voudrais relire avant publication!» «Hum, c’est délicat…» Diantre, nous n’avions pas soupçonné en décrochant notre téléphone qu’un sujet sur le nouveau plan stratégique de la Cocof puisse provoquer une telle gêne (lire «La Cocof se la joue ‘stratégique’»).
À l’ère des autoroutes de l’info, de façon générale, autocensure et contrôle de la com sont des tendances à la hausse. Nous le ressentons à la rédaction, autant du côté des associations à qui nous tendons le micro que du côté des cabinets politiques que nous interpellons. Peur du mauvais buzz, volonté de faire passer une image positive ou un message à tout prix, manque de connaissance et de confiance vis-à-vis de la profession journalistique… Comme nous l’évoquions dans une longue analyse publiée à l’occasion des 20 ans de l’Agence Alter, «Médias et non-marchand, je t’aime moi non plus» (lire Alter Échos n°414-415 du 7 décembre 2015), les raisons du malentendu ne manquent pas.
A fortiori, nous y sommes confrontés quand on aborde un sujet aussi intime que les relations entre les associations et ceux qui les financent. Ce n’est pas une primeur, la raréfaction des deniers publics met les asbl dans une situation délicate. Obtenir un subside structurel pour mener sa mission devient du luxe.
Le baromètre de la vie associative publié par la Fondation Roi Baudouin le confirme, la part du financement sur la base d’appels à projets ne cesse de croître, rendant les associations dépendantes des politiques en place, de leurs priorités du jour et de l’agenda médiatique. «In fine, ce que le financement public par appels à projets remet en cause, c’est bel et bien le rôle de contre-pouvoir des associations, obligées de chausser les lunettes des décideurs. (…) Le processus est d’autant plus puissant que les associations, constamment mises en concurrence les unes avec les autres pour l’obtention de ces subsides, sont moins armées pour opposer une résistance collective.» (Lire «Financement privé et appels à projets: double contrainte pour l’associatif»).
Pendant ce temps, la Charte associative semble croupir dans les eaux du loch Ness, quelque part avec le monstre dont on parle beaucoup mais dont on n’a jamais vu la couleur. Si on peut se réjouir de quelques avancées en Wallonie, à Bruxelles le projet reste au point mort (lire «La Charte associative, un projet mort-né»). Ce texte ambitieux et idéaliste adopté en 2009 énonce sept principes servant de base à une saine relation entre pouvoirs publics et secteur associatif. En deuxième position: la liberté d’expression. «Les pouvoirs publics reconnaissent et encouragent la liberté d’expression des associations et notamment l’exercice de leur capacité critique», explicite la charte. Un texte qui, plus que jamais, mériterait d’être remis au goût du jour.