La Commission européenne le dit : le profil des sans-abri change. De plus en plus de migrants et de plus en plus de jeunes. Les associations tirent la sonnette d’alarme et pointent du doigtla crise économique. Le point en Europe et en Belgique.
Il y a de plus en plus de jeunes sans-abri. Le phénomène prend des proportions inquiétantes. Rien de très nouveau, pourrait-on objecter. Sauf que cette fois, c’est laCommission européenne qui le dit dans sa « revue trimestrielle pour l’emploi ». Il n’en fallait pas plus pour que la Feantsa1 sorte du bois. CetteFédération européenne d’associations travaillant avec les sans-abri fait le même constat : « Il y a bien une évolution du profil des personnes sansdomicile. De plus en plus de jeunes et de migrants. »
Pour l’association, le diagnostic est ancien. « La période de transition vers une vie indépendante est un moment où les personnes sont vulnérables et peuventêtre exclues du logement », peut-on lire dans un texte de l’organisation. Mais ce qui frappe dans les dernières données fournies par la Commission européenne,c’est l’impact évident de la crise économique sur cette hausse du sans-abrisme. Taux de chômage chez les jeunes au sein de l’Union européenne : 22,6 %. On peutrappeler les taux faramineux atteints en Grèce ou en Espagne, avec respectivement 51,2 et 51,1 %.
« Le taux élevé de chômage, les contrats de courte durée ou temporaires ainsi que les bas salaires sont les raisons qui empêchent les jeunes deconserver un logement ou d’en trouver un », affirme Gwendolyne Orchard de Feantsa. L’association constate un « lien direct entre l’augmentation du chômage etl’augmentation du sans-abrisme chez les jeunes de 18 à 25 ans ». Logique : sans emploi, comment obtenir un logement. Du coup, la proportion de jeunes qui connaissent desproblèmes « classiques » de sans-abri de leur âge – rupture familiale, violence domestique – est en baisse chez les plus de 18 ans.
Comment quantifier le phénomène ? Pas évident, avoue l’association. L’âge officiel d’un jeune en Belgique n’est pas l’âge officiel d’un jeune en Espagne. Lesdonnées du sans-abrisme des jeunes en Europe ne sont donc pas agrégées. Néanmoins, Feantsa attire notre attention sur certains pays. En Angleterre, il y a 4 310sans-abri âgés de 16 à 24 ans, soit 430 de plus qu’en 2010. Au Danemark, le nombre de sans-abri de moins de 25 ans a augmenté de 19 %. On sait qu’au Pays de Galles, 41% de la population sans-abri est composée de jeunes. Ce chiffre est de 16 % en Flandre. A Bruxelles, 19,6 % des sans-abri avaient moins de 18 ans. Des données quisous-estiment l’ampleur du phénomène, avec des jeunes sans logement qui « squattent » chez des amis, de la famille et qui ne rentrent pas forcément dans lesstatistiques.
La Feantsa souligne les effets néfastes des politiques d’austérité sur le sans-abrisme et appelle à des changements concrets en matière de stages, de budgetssociaux ou de logement.
La crise n’est qu’un facteur aggravant
La Belgique suit-elle ce mouvement européen ? « Il y a une tendance à voir de plus en plus de sans-abri jeunes, confirme Marilène De Mol, du Service de lutte contrela pauvreté du Centre pour l’égalité des chances2. C’est une tendance relayée très nettement par la plupart des opérateurs de terrain que nousrencontrons. » Cependant, elle relativise l’impact direct de la crise : « La crise économique a certainement pour effet d’accroître la pauvreté chez lesjeunes. Mais retenir un seul facteur est artificiel car depuis des décennies il y a des causes structurelles qui ont produit le sans-abrisme. Des politiques inadéquates enmatière de logement ou d’emploi. »
Bon an mal an, les filets de la sécurité sociale jouent aussi leur rôle. Contrairement à d’autres pays européens, il est possible, en Belgique, de recevoir uneaide sociale avant 25 ans. « C’est certain que des filets de sécurité existent en Belgique, admet Marilène De Mol. Mais des jeunes passent à travers. Quand lesjeunes arrivent à la rue, on constate un manque de structures adaptées pour leur accompagnement. »
Peu d’effet direct de la crise sur le sans-abrisme des jeunes en Belgique. Pour l’instant. Mais certains choix politiques pourraient rendre l’équation plus délicate àrésoudre, comme l’explique Marilène De Mol : « Le gouvernement envoie un message d’un plus grand soutien des sans-abri. Mais les mesures comme le renforcement desconditions d’accès au stage d’insertion et aux allocations d’insertion font craindre le contraire. »
1. Fédération européenne d’associations nationales travaillant avec les sans-abri :
– adresse : chaussée de Louvain, 134 à 1210 Bruxelles
– tél. : 02 538 65 69
-courriel : information@feantsa.org
2. Service de lutte contre la pauvreté :
– rue royale, 138 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 212 31 73
-courriel : luttepauvrete@cntr.be