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Regard critique · Justice sociale

Tracer le devenir de 76 femmes, des années après leur formation

Sofft, organisme d’insertion socioprofessionnelle liégeois est allé retrouver quelque 76 femmes qui ont suivi sa filière de préformation en informatique de 2001à 2006. Le point sur ce qu’elles sont devenues.

27-08-2009 Alter Échos n° 278

Pouvoir retrouver ses anciens étudiants et prendre le temps de savoir ce qu’ils sont devenus, le rêve de tout organisme de formation qui se respecte. Sauf que, voilà, lesbudgets manquent souvent pour organiser un suivi à long terme. Sofft1, organisme d’insertion socioprofessionnelle liégeois, a eu, lui, cette chance grâce àun budget FSE et est allé retrouver quelque 76 femmes qui ont suivi sa filière de préformation en informatique de 2001 à 2006.

Son diplôme secondaire d’aide-comptable en poche, Yanina avait envie de tenir un commerce : elle était attirée par l’idée d’ouvrir uncybercafé, mais estimait que l’expérience en informatique qu’elle avait acquise au cours de ses humanités n’était pas suffisante pour se lancer dansl’aventure. C’est alors qu’un employé au Forem de Liège lui signale que la filière de formation Explore chez Sofft (Service d’orientation et de formationpour femmes à la recherche d’un travail) pourrait lui permettre de perfectionner ses connaissances. Après avoir assisté à une séance d’information, elles’inscrit et suit la formation durant le premier semestre 2005.

Celle-ci lui permet de découvrir beaucoup d’aspects de l’informatique qu’elle ignorait. Certains la passionnent, comme l’atelier hardware qui permet de voirde quels éléments est constitué un ordinateur. D’autres lui paraissent un peu trop ardus. Cependant, la formation l’intéresse beaucoup : « Cen’était pas comme à l’école, confie-t-elle. On était entre adultes, les contacts étaient bons et on apprenait en s’amusant. Les modulesétaient courts et variés. C’était ludique, on ne s’ennuyait jamais. On pouvait progresser à son rythme et être aidée par les autres. »Après avoir terminé Explore, cependant, Yanina n’envisage pas de poursuivre sa formation en informatique : « La formation était très correcte etenrichissante, explique-t-elle, mais je n’avais pas assez de motivation pour en faire un métier. Rien ne m’a passionnée suffisamment. » Toujours attiréepar l’ouverture d’un commerce, elle abandonne rapidement son projet de cybercafé qui lui paraît trop aléatoire sur le plan de la rentabilité et s’orienteplutôt vers la reprise d’un magasin.

Depuis mai 2006, elle tient une petite librairie de quartier à Herstal et s’en trouve très bien. « J’utilise ce que j’ai appris à la formationdans mon travail de tous les jours, confie-t-elle : faire ma caisse, gérer les invendus, passer commande par Internet, consulter les stocks chez les fournisseurs. Mais j’ai aussibeaucoup appris sur le plan relationnel au cours de la formation : rencontrer d’autres femmes qui ont parfois eu des parcours très difficiles m’a permis de relativiser mesdifficultés et d’être plus cool, de me sentir moins vite sur la défensive… »

Une étude peu courante

L’itinéraire de Yanina fait partie de celui de quelque 126 femmes qui, en cinq ans, ont suivi la préformation Explore chez Sofft, organisme d’insertionsocioprofessionnelle (OISP) liégeois dont le public cible est féminin et constitué de demandeuses d’emploi.

Depuis 2001, le module Explore, qui s’étale sur une durée de cinq mois, emmène les participantes à la découverte des nouveaux métiers de« support informatique », tels que technicienne PC, spécialiste des réseaux, webmaster ou webdesigner, infographiste, etc. Essentiellementconcrète, la démarche associe l’apprentissage des principaux logiciels, la visite de services informatiques et la rencontre de professionnelles du secteur.

La formation poursuit avant tout un objectif de genre : les femmes sont très minoritaires dans les métiers de l’informatique, alors que ce secteur reste pourvoyeurd’emplois (en 2007, il manquait 13 000 informaticiens en Belgique). Cinq ans après le début de l’expérience, Sofft a voulu savoir si les femmes qui avaient suivi laformation avaient continué à se former et si elles avaient trouvé du travail. Les résultats de l’enquête auprès de 76 d’entre elles ont pris laforme d’un livre qui vient de paraître : Que sont-elles devenues, le parcours de 76 femmes ayant suivi une préformation en informatique technique chez Sofft, àLiège2.

Une démarche peu courante, même si nombre d’OISP souhaiteraient l’entreprendre. C’est que réaliser une telle étude demande un investissement en tempset en argent dont peu disposent.

« Chez Sofft, un suivi est organisé systématiquement trois mois après la fin de chaque session, mais au-delà de cette période, le service n’agénéralement pas les moyens de poursuivre, explique René Begon, auteur de l’étude Que sont-elles devenues ? En 2006, la programmation du Fonds socialeuropéen (FSE) fédéral dont dépendait le financement d’Explore arrivait à sa fin. C’est à ce moment que nous avons eu la chance, dans le cadre dela promotion des résultats obtenus par le projet, de pouvoir réaliser une étude et un document vidéo autour de cette question : « Que sont devenues les anciennesparticipantes d’Explore quelques années après leur passage ? » » L’occasion de faire le point sur une formation relativement peu courante dans l’offre deformations faite aux femmes.

Les constats

95 % des participantes ont trouvé la formation utile, pour se remettre le pied à l’étrier, pour suivre plus facilement une formation ultérieure, pour resteren contact avec les autres (courrier électronique, blogs) ou pour leur recherche d’emploi (envoi de c.v., consultation des offres d’emploi sur Internet). Une majorité desparticipantes a suivi une formation qualifiante après la formation Explore à Sofft (63 %) dont un tiers en informatique technique et la moitié en bureautique. Sur le plan del’emploi : environ un tiers des anciennes participantes (29 %) ont un travail, les deux autres tiers étant toujours au chômage. Presque 10 % des femmes qui travaillentexercent un métier technique contre un gros tiers (36 %) dans le secrétariat ou la comptabilité, alors que plus de la moitié (55 %) pratiquent un métierne faisant pas appel à l’informatique.

Pour René Begon, le relatif succès des formations techniques prouve bien que la démarche d’exploration des métiers qui est mise en œuvre chez Sofft porteses fruits et que la technique peut intéresser les femmes. « Sur le plan du genre, il est assez frappant de constater l’importance proportionnelle des participantes quichoisissent la filière secrétariat, une filière qui fait partie des secteurs d’em
ploi majoritairement féminins. Mais on peut considérer que c’est par cechemin-là que celles qui veulent retrouver un travail au plus vite et le plus sûrement espèrent atteindre leur objectif. »

« Cependant, au cours de l’enquête, poursuit René Begon, plusieurs femmes m’ont confié que la technique les intéressait beaucoup maisqu’elles avaient décidé de changer d’orientation parce qu’elles avaient beaucoup de mal à se faire une place dans un univers où les hommes ont tendanceà les prendre de haut et où les employeurs ne les prennent pas au sérieux. » Autre constat, qui n’est pas propre aux formations informatiques : le fait de seformer ne procure malheureusement pas un passeport direct pour l’emploi, notamment chez les femmes. D’une part, parce que les femmes continuent à subir des discriminations parrapport au travail et parce que l’offre d’emplois par les entreprises et les services est globalement insuffisante pour satisfaire la demande des personnes qui sont auchômage. »

1. Sofft:
– adresse : rue En Feronstrée, 23 à 4000 Liège
– tél. : 04 250 96 96
– courriel : sofft@cvfe.be
La prochaine session du module de formation Explore débutera en septembre 2009
– info sur http://cvfe.be
2. L’étude (159 pages avec des illustrations de Philippe Gibbon) est accompagnée d’un documentaire vidéo : Pourquoi pas elles ? (26 minutes). Il est constituédes portraits croisés de cinq des femmes qui ont suivi la formation Explore. L’ensemble constitué par l’étude et le DVD est disponible chez Sofft (EnFéronstrée, 23 à 4000 Liège) et à la librairie L’Entretemps (rue Pierreuse, 19 à 4000 Liège).

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