S’il est adopté par toute l’Union européenne, le traité de Lisbonne marquera quelques avancées sociales. Certes, peut-être plus sur le papier que dansles actions concrètes de l’UE. Mais c’est un fait : le social reste d’abord de la compétence des États membres. Aussi, dans ce traité, l’UE sefixe-t-elle au moins des « objectifs » sociaux.
Après le « oui » irlandais du 2 octobre, l’UE est finalement en passe d’adopter son nouveau traité. Les Vingt-sept attendent encore une ultime signatureprésidentielle, celle du très eurosceptique Tchèque Vaclav Klaus. Mais ils soufflent un peu.
« Tendre au plein emploi et au progrès social »
Globalement, « Lisbonne » doit adapter les institutions de l’Union à vingt-sept pays, voire plus. Mais le traité comporte aussi des innovations politiques. Si lesavancées sociales peuvent sembler mineures, elles existent. Elles sont censées répondre aux arguments des partisans du « non » aux référendumsfrançais et néerlandais sur la défunte constitution européenne, qui fustigeaient l’absence de toute Europe sociale. En tout, on peut retenir six dispositions.
1. Le Traité de Lisbonne crée une base juridique pour les services publics de type économique, les fameux « services d’intérêt économiquegénéral », dans le jargon européen (énergie, communications, mais aussi formation professionnelle, certains services de santé). Ceux-ci ont beaucoup faitparler d’eux lors du débat houleux sur la « directive services » visant à les libéraliser dans l’Union. Désormais, l’UE et ses Étatsmembres, chacun dans les limites de ses compétences, devront veiller à ce que les SIEG « fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions, notamment économiqueset financières, qui leur permettent d’accomplir leurs missions ».
2. Toujours sur les SIEG, le traité est doté d’un protocole recensant des « valeurs communes de l’UE ». À savoir : le rôle central desautorités nationales, régionales et locales pour fournir, faire exécuter et organiser ces services. Ainsi que le souci de répondre aux besoins des utilisateurs ou encored’insister sur leur diversité, qualité, sécurité et accessibilité. Ce qui ne va pas nécessairement jusqu’à assurer qu’ils sont tous soumisà des modes de régulation non marchands.
3. Plus généralement, l’UE a notamment pour « objectif » de promouvoir ce qu’elle appelle une « économie sociale de marché hautementcompétitive ». Bref, les Européens, via l’UE, créent un grand marché sans frontières, et ils entendent le faire en tendant « au plein emploi et auprogrès social ». Ils font aussi en sorte de combattre l’exclusion sociale et les discriminations, de promouvoir la justice et la protection sociales, l’égalité entre lesfemmes et les hommes, la solidarité entre les générations et la protection des droits de l’enfant. Ou encore la cohésion économique, sociale et territoriale, et lasolidarité entre États membres.
4. Plus concrètement, Lisbonne crée une « clause sociale » censée obliger l’UE à prendre en compte, « dans la définition et la mise enœuvre de ses politiques et actions », une série d’exigences : la promotion d’un niveau d’emploi élevé, une protection sociale adéquate, lalutte contre l’exclusion sociale, un niveau élevé d’éducation et de formation, et la protection de la santé humaine. L’UE cherche aussi àcombattre toute discrimination (sur le sexe, la race ou l’origine ethnique, la religion, les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle).
5. Autre nouveauté, la Charte des droits fondamentaux de 2000 est juridiquement contraignante. Le Royaume-Uni et la Pologne ont obtenu une dérogation. Outre les droits à ladignité, aux libertés, à l’égalité, à la citoyenneté, à la justice, son chapitre sur la solidarité affirme le droit àl’information et à la consultation des travailleurs au sein de l’entreprise, le droit de négocier des conventions collectives et de recourir à des actions collectives. Ainsi quele droit d’accéder à un service gratuit de placement, à être protégé contre un licenciement injustifié, d’accéder aux prestations desécurité sociale et aux services sociaux.
6. Enfin, l’UE adhère à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, mais sans moyens d’action particuliers,cette adhésion au texte du Conseil de l’Europe (organe non communautaire de 47 pays) « ne modifiant pas les compétences de l’Union telles qu’elles sontdéfinies dans les traités ».
Au final, « l’adoption du Traité de Lisbonne aide plus qu’elle n’entrave ce processus de solidarité », résume John Monks, secrétairegénéral de la Confédération européenne des syndicats (CES). Et de fait, ironise ce citoyen britannique, « c’est la raison pour laquelle lesconservateurs britanniques le détestent tant. »