De plus en plus de prostituées s’installent en province de Luxembourg. Une prostitution transfrontalière qui s’expliquerait par une législation belge plus permissive.
« Très chaude, sans tabou, pour tous fantasmes à Athus », peut-on lire dans Bazar-Lux, célèbre journal de petites annonces en province deLuxembourg. Un message parmi d’autres. Celui de maîtresse Sonia. Il est l’illustration d’une tendance de fond : l’augmentation du nombre de prostituées dans la province.
Frontière belgo-luxembourgeoise
cc Les Meloures, Wikimedia
Des prostituées, à Arlon bien sûr, mais aussi à Athus. Ce village de 7 000 habitants, intégré à la commune d’Aubange, jouxte le Luxembourg etla France. De la prostitution transfrontalière. On joue à bien des jeux dans les « bars à champagne » du sud-est du pays, mais le saute-frontière estle plus prisé. Qu’il s’agisse de prostitution privée, ou de prostitution dans des « lieux de débauche », le phénomène n’est pascontesté. Comment l’expliquer ? Pour Serge Lipszyc, ancien procureur du roi à Arlon, « les gens profitent des systèmes voisins ». Et donc, la relativetolérance belge à l’égard de la prostitution serait un facteur attractif.
Si l’on regarde en France, force est de constater que les lois se sont considérablement durcies à l’encontre des prostitués. Denise Ozdemir, coordinatrice d’Espace P àNamur, nous livre une explication : « En France, le racolage passif est pénalisé depuis 2003. C’est un pays répressif, avec beaucoup de rafles. Les travailleurset travailleuses du sexe sont soumis à rude épreuve et reçoivent de lourdes amendes. Les prostitués se déplacent. » Un facteur important, maispeut-être pas essentiel. « Les prostituées bougent beaucoup, de manière générale, ajoute la coordinatrice d’Espace P. Il s’agit souvent d’une populationde migrants et de migrantes. C’est peut-être plus facile pour elles de passer d’une frontière à l’autre en cas de problème. De plus, le prix des loyers, bieninférieur à Athus qu’à Luxembourg, est un élément à ne pas négliger. »
Un lupanar géant
Aux yeux de Serge Lipszic, le tropisme belge pour prostituées françaises est une hypothèse à relativiser : « En France, on a dégraissé lesservices de police dans les zones rurales au profit des villes. Le Nord-Est est en manque de capacité policière. Par conséquent, nous avons peu d’éléments pourdire que les interventions policières auraient déplacé le phénomène. » C’est plutôt vers le Luxembourg que se tourne le regard de l’ancienprocureur. « C’est un pays beaucoup plus rigoureux sur l’ouverture des bars ou la visibilité de la prostitution. » A l’écouter, on pourrait croire que la provincedu Luxembourg est devenue un lupanar géant : « Des bars à champagne ouvrent sur la Nationale 4, des salons de massage, il y a une série de maisons closes, il y ade la prostitution de transsexuels brésiliens, etc. » Le but que Serge Lipszyc poursuivait lorsqu’il occupait les fonctions de procureur était noble :« Protéger les hommes et les femmes qui sont exploités et punir ceux qui les exploitent. » Pour tenter d’y parvenir, il prône une harmonisation des pratiquesplutôt que le vote de nouveaux textes législatifs. Sur le terrain, il a développé un réseau judiciaire et policier entre les trois pays concernés.
Quant à l’équipe d’espace P, elle a considérablement renforcé sa présence dans la province qui « est une région socialementpauvre ». Il y a trois ans, l’association a commencé à faire des tournées médicales à Arlon, Athus et sur la route de Messancy, en collaboration avec laMaison médicale Portes Sud. Depuis le 1er mars, cette présence s’est accrue. Les visites médicales se poursuivent sur un rythme bi-hebdomadaire. Elles sontcomplétées par du travail social. « La demande est importante », lâche Paule Burette d’Espace P à Liège, qui tire une grande leçon deces migrations : « Réprimer la prostitution ne fait que déplacer le problème. Cela pousse à la clandestinité et augmente lesrisques. »
1. Espace P Namur :
– adresse : rue du docteur Haibe, 4 à 5002 Namur
– tél. : 081 77 68 21
– courriel : espacepnamur@gmail.com