La dernière décennie aura consacré l’avénement d’un nouveau mode de gestion du travail essentiellement marqué par la flexibilité. Lemodèle classique de l’emploi et de la carrière professionnelle standard, hérité de la période industrielle, n’a plus la cote auprès desemployeurs (et parfois des pouvoirs publics). Les principes de gestion et d’organisation à flux tendus ou juste à temps ne concernent plus seulement la gestion des biens, desproduits tangibles et intangibles ; ils sont aussi appliqués à la gestion des ressources humaines. Dès lors le bon vieux contrat de papa a un air suranné. Le travailà temps plein, à durée indéterminée, à des heures fixes chez un même employeur, dans un endroit stable et bien défini appartient de plus en plusau passé. Ce type d’engagement répond mal aux besoins d’entreprises à la recherche de flexibilité et « incapables » aujourd’hui des’engager à long terme vis-à-vis de ses salariés.
Une enquête autour du travail atypique
Le travail atypique se répand donc comme une tâche d’huile, dans la plupart des branches d’activité, et surtout dans les branches d’activitémajoritairement féminines et parmi les nouveaux entrants sur le marché du travail. On comprendra donc que le sujet a particulièrement intéressé le service syndicaldes Femmes de la CSC qui a demandé à Patricia Vendramin, chef de projet dans le centre de recherche « Travail et technologies » de la Fondation-Travail-Université(FTU), de réaliser une enquête sur le sujet. Le dossier vient aujourd’hui de sortir, il présente les résultats de l’enquête qui vient compléterd’autres travaux déjà entrepris sur le même thème (journées de formation, réalisation de support vidéo, contacts internationaux).L’enquête comprend trois sous-populations : les travailleurs typiques ; les travailleurs atypiques sur une base volontaire ; les travailleurs atypiques contraints.
La formation est peu déterminante
« Au hit-parade des rapports salariaux, explique Patricia Vendramin, on trouve les engagements à durée déterminée, les contrats d’intérim, le travailindépendant, le travail à temps partiel (de plus en plus souvent non choisi), les contrats subventionnés. Toutefois, ce ne sont pas seulement les contrats qui changent,c’est aussi la référence à un temps de travail standard qui a rythmé des décennies, la semaine, le mois, l’année de travail. Dans le travailatypique, la distinction entre situations choisies ou subies est très importante. Dans la première catégorie qui comprend essentiellement des travailleurs occupés àtemps partiel sur une base volontaire, on a une population en moyenne plus âgée de 35 à 44 ans. Le poids des situations familiales est ici déterminant dans la mesureoù le temps partiel volontaire est, et reste, une option liée à l’histoire familiale et à la charge d’enfants. Par contre, parmi les travailleursoccupés dans des situations de travail atypique non choisies, on trouve une proportion de jeunes très importante, plus de la moitié ont moins de 35 ans (53,2 %). Il n’estplus question ici de choix motivés par des situations familiales mais bien d’un nouveau mode d’entrée dans la vie professionnelle marqué parl’instabilité et la discontinuité. »
Autre enseignement de l’enquête : la formation a peu d’effets déterminants. « On pourrait en effet croire que le travail atypique est le lot des travailleurs peuformés, contraints d’accepter les emplois précaires, complète Patricia Vendramin. Or, il n’en est rien, l’enquête infirme plutôt cettehypothèse. On ne constate pas de nette tendance à la moindre qualification des travailleurs en situation de travail atypique, hormis les catégories “promotionsociale” et “autres” qui sont plus importantes dans le travail atypique subi, indicateur d’un nombre sans doute plus élevé de parcours de formation atypiques.»
Outre le profil des travailleurs « atypiques », l’enquête résumée en cinq chapitres s’intéresse également à leurs milieuxprofessionnels, elle examine la spécificité de leur parcours professionnel, elle se centre sur leurs conditions de travail et d’emploi et leur donne la parole. Au-delà desopinions directement relatives aux conditions concrètes de travail, Patricia Vendramin propose un indice de bien-être au travail ainsi qu’un état des aspirationsprofessionnelles et des attentes par rapport aux organisations syndicales. Bref, une enquête intéressante qui donne une lecture transversale des défis soulevés parl’expansion de l’emploi atypique.
1. FTU, rue de l’Arsenal, 5 à 5000 Namur, tél. : 081 72 51 22, fax : 081 72 51 28, courriel : pvendramin@compuserve.com, courriel : www.ftu-namur.org
2. Service syndical des femmes CSC, chaussée de Haecht, 579 à 1031 Bruxelles, tél. : 02 246 32 24, fax : 02 246 30 10, courriel : femmes@acv-csc.be, contact : Erica Bolzonello,responsable du service Femmes de la CSC.