En Communauté française, il est souvent difficile de conserver ou de trouver un emploi lorsqu’on est mère et que l’on a un ou plusieurs enfants à charge. Lemanque de places d’accueil pour les enfants de 0 à 3 ans serait responsable de cette situation malgré l’activation du plan cigogne II en 2005…
Le 21 septembre 2007. Lors de l’inauguration de la deuxième maison des enfants destinée à accueillir les enfants de chômeurs lorsque leurs parents effectuent desdémarches pour retrouver du travail (cf. article à ce sujet dans ce n°, Actiris ouvre sadeuxième Maison d’enfants à Molenbeek), Benoît Cerexhe, ministre de l’Emploi de la Région de Bruxelles-Capitale1, déclare : «Avoir un enfant ne doit aucunement être un handicap pour qu’une femme puisse trouver un job. Cette deuxième maison d’enfants doit permettre à encore plus d’entreelles de mettre un pied durable dans le marché du travail. ». Anodine au premier abord, cette phrase est en fait révélatrice d’une situation : crééeà l’attention de tous les parents (hommes et femmes), la nouvelle structure d’accueil d’Actiris semble en fait s’adresser aux mères bien plus qu’auxpères… Et effectivement, lorsqu’on jette un œil aux chiffres relatifs à l’emploi des femmes, le constat est clair. Ainsi, concernant le travail à tempspartiel, une étude réalisée en 2004 par l’Institut national de statistiques montre que 82% des travailleurs employés sous ce régime sont des femmes et que lorsquel’on interroge ces travailleurs sur leurs motivations on constate que les femmes constituent 98,1% des personnes travaillant à temps partiel afin de s’occuper des enfants.
« Le fait est établi depuis de nombreuses années : lors de l’arrivée d’un enfant, c’est la mère qui bien souvent arrête de travaillerlorsqu’il n’y a pas de possibilité de le placer dans une crèche ou une autre structure d’accueil » affirme ainsi Hafida Bachir, présidente del’association « Vie Féminine2 ». « Il y a plusieurs raisons à cela : la tradition qui veut que ce soit l’homme qui travaille et le fait que lesfemmes aient un salaire plus bas, ce qui constitue une autre injustice. Mais le manque de structures d’accueil pour les enfants de 0 à 3 ans est bien sûr la raison principale». Une pénurie importante puisque rien qu’en Région bruxelloise on dénombre 13 500 places disponibles pour un total de 42 000 enfants en bas âge. Plusglobalement, au niveau de la Communauté française, ce sont un peu plus de 33 191 places qui sont mis à la disposition des enfants, soit une couverture de 24,1 % (pour 34% enFlandre) bien inférieure aux 33 % que l’Union européenne souhaiterait voir atteints par tous les pays membres…
Une activation de recherche à l’emploi douloureuse…
Contraintes d’arrêter de travailler, les femmes ayant un ou plusieurs enfants à charge sont aussi pénalisées lorsqu’elles cherchent un emploi. « Il estbien sûr compliqué pour elles de chercher du travail alors qu’elles doivent s’occuper d’un nouveau né et qu’elles n’ont pas d’endroitsoù les placer ajoute Hafida Bachir. Lors des contrôles effectués dans le cadre de l’activation du comportement de recherche à l’emploi mené parl’Onem, ces femmes sont donc doublement pénalisées puisque n’ayant pas de possibilité de chercher un travail à cause du manque de place d’accueil pourleurs enfants, elles ne sont pas en mesure de produire les preuves démontrant qu’elles sont en recherche d’emploi et sont ensuite sanctionnées pour manque «d’effort » ». Une demande de preuve à laquelle viendrait s’ajouter l’exigence de présenter des éléments indiquant qu’elles cherchentégalement une crèche pour leur enfant.
Yves Martens, membre de la Plate-forme contre le plan de chasse aux chômeurs3 affirme ainsi que « l’Onem part du principe que les allocations de chômage ne sontpas faites pour aider les femmes à garder leur enfant à la maison et que le fait d’avoir un enfant en bas-âge n’est pas un argument pour être indisponible sur lemarché. En plus des preuves de recherche d’emploi, il est donc demandé aux femmes ayant un enfant de produire des éléments indiquant qu’elles cherchent unecrèche pour leur enfant. Une demande qui n’est bien évidemment pas faite aux hommes… ». Dans ce cadre complexe, les maisons d’enfants mises en place par Actirisà Bruxelles et le Forem en Wallonie sont bien sûr une solution mais leur capacité (environ 85 places pour les deux maisons à Bruxelles et 28 pour les deux crèches duForem situées à Charleroi et Liège) sont réduites. Et des deux côtés on admet que les listes d’attente sont longues…
Cigogne II: la solution?
Faisant suite au controversé cigogne I, le plan cigogne II, mis en place en 2005, pourrait être une solution à cette pénurie. Ayant pour but de créer 8 000 placesd’accueil pour les enfants de 0 à 3 ans entre 2005 et 2009, le plan initié par Catherine Fonck, la ministre de l’Enfance, de l’Aide à la Jeunesse et de laSanté de la Communauté française4, semble en effet tenir une partie de ses promesses puisque les tout derniers chiffres font état de 3 960 places d’accueilcréées à ce jour. Si la partie « Sema » (Synergies employeurs milieux d’accueil, destinée à offrir l’opportunité aux employeurs et aux milieux dela petite enfance de s’associer pour créer des places d’accueil) du plan semble avoir définitivement du plomb dans l’aile (137 places crées pour l’ensemble de laCommunauté française), l’accent mis sur la création de places subsidiées par l’ONE ainsi que sur le volet « coaccueillant(e)s » (offrant la possibilitépour deux accueillants autonomes ou conventionnés de travailler ensemble dans un lieu d’accueil commun afin d’accueillir huit enfants à temps plein) a donc permis une augmentationsubstantielle des places d’accueil. Une augmentation qui devrait d’ailleurs être confirmée par la ministre Fonck dans les semaines qui viennent comme le confirme son porte-parole,Thierry Vanderhaege.
Cependant, au vu de la situation, il semble clair que le monde politique ne s’épargnera pas le luxe d’une réflexion plus en profondeur concernant le statut de la femme sur lemarché de l’emploi. « C’est un problème global qui ne se limite pas qu’aux places d’accueil pour les plus petits, conclut Hafida Bachir. De par les habitudes, le manque de placesd’accueil et de plans d’aide
aux femmes, nombre d’entre-elles abandonnent leur travail au profit de celui de leur mari et se retrouvent donc, en cas de séparation, dans une situation de grandeprécarité. C’est à une réflexion générale que le politique devrait s’atteler alors que là, bien souvent, on s’attaque aux problèmes demanière partielle ou en nous demandant ce qu’on veut… »
1. Cabinet de Benoît Cerexhe, :
– adresse : rue Capitaine Crespel 35 à 1050 Bruxelles
– tel : 02 508 79 11
– courriel : info@cerexhe.irisnet.be.
2. Vie féminine, secrétariat national :
-adresse : rue de la poste, 111 à 1030 Bruxelles
– tél. : 02 227 13 00.
3. Plate-forme contre le projet de chasse aux chômeurs – C/O. Collectif solidarité contre l’exclusion :
– adresse : rue Philomène 43 à 1030 Bruxelles
– tél. : 02 218 09 90
– courriel: contact@stopchasseauxchomeurs.be.
4. Cabinet de Catherine Fonck, ministre de la Santé, de l’Enfance et de l’Aide à la jeunesse :
– adresse : bd du Régent, 37-40 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 788 83 11.