Les enfants en bas âge peuvent être hébergés en prison avec leur mère afin d’éviter une séparation trop brutale. Mais les conditions pourélever un enfant dans les prisons belges sont loin d’être adaptées.
On ne devrait sans doute jamais voir un bébé apprendre à faire ses premiers pas à l’ombre d’une prison. Mais c’est parfois la seule solution quand une mère n’aaucune famille à qui confier son enfant, que le père est lui aussi derrière les barreaux, ou que la femme est enceinte lors de sa mise en détention. Le cas ne seprésente certes pas tous les jours, mais il se présente. A l’heure actuelle, on dénombre quatre bébés dans nos prisons. Et « on peut estimer qu’une dizaine debébés se retrouvent dans cette situation chaque année », note Geneviève Moumal, coordinatrice du Relais enfants-parents1.
Pour éviter une séparation douloureuse, la loi de 2005 sur l’administration pénitentiaire autorise l’enfant à accompagner sa mère jusqu’à l’âge de 3ans. Dans les faits, ce sont surtout des bébés de moins de 2 ans qui vivent cette situation.
La prison de Bruges a prévu un espace réservé aux mères. Celle de Lantin a installé une nurserie. A Berkendael et à Namur, les mères peuventdisposer d’une cellule plus grande. C’est un peu près les seuls aménagements prévus dans les pénitenciers belges.
En Espagne, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Finlande et au Danemark, des maisons mères-enfants ont été spécifiquement créées pour accueillir lesdétenues. Ces bâtiments sont séparés de la prison et les conditions de détention sont assouplies. Dans certains cas, elles pourront même sortir pour emmenerleurs enfants à la crèche ou se rendre au travail. « En Belgique, les prisons de Bruges et de Lantin sont les mieux aménagées. Mais on est loin du modèlede prisons ouvertes comme aux Pays-Bas », déplore Bernard De Vos, délégué général aux droits de l’enfant.
Bénévoles navetteurs
La prison d’attache d’un parent n’est pas prioritairement choisie en fonction du domicile de la famille. La longueur et le coût du trajet, l’absence de véhicule, ladifficulté de concilier horaires de travail et des visites peuvent devenir autant d’obstacles au maintien de la relation entre l’enfant et son parent détenu. Le projet «Itinérances », soutenu par le Fonds Houtman2, a mis en place un réseau de volontaires pour accompagner les enfants de leur maison à la prison. Un volet de ceprojet, coordonné par la Croix-Rouge et le Relais enfants-parents, concerne aussi les bébés qui vivent avec leur maman en prison. Ici, le trajet se fait en sens inverse puisqu’ils’agit de chercher le bébé en prison pour l’amener dans une crèche à l’extérieur durant la journée. « C’est important pour le bébé qui vapouvoir nouer des contacts avec d’autres. Le trajet dans les transports en commun est aussi l’occasion de lui montrer le monde extérieur, de le stimuler », souligne GenevièveMoural, coordinatrice de Relais enfants-parents.
Choisir les peines alternatives
L’accueil des nourrissons dans les prisons ne fait pas l’unanimité. La psychologie a démontré qu’une séparation précoce de la mère et son enfantpouvait avoir des répercussions catastrophiques pour la construction de son identité. D’un autre côté, l’environnement carcéral n’est pas exactement l’endroitrêvé pour élever un nourrisson ! Les murs qui occultent l’horizon, les bruits des serrures et des lourdes portes qui se ferment, le confinement, le manque de stimulations, sontautant de facteurs qui pèsent sur le développement de l’enfant. A quoi s’ajoute la difficulté psychologique dans laquelle peut se trouver la maman. Dans les Cahiers duFonds Houtman n° 10, Marylène Delhaxhe, médecin pédiatre à la consultation ONE de Lantin, fait part de ses observations. « Le développementpsychomoteur est globalement normal. En revanche, pour ce qui est du développement affectif et relationnel, j’ai pu constater un certain retard de communication visuelle ou d’apparitiondu sourire chez les bébés nés pendant la détention », confie-t-elle.
« Séparer la mère et l’enfant est source de traumatismes. Les réunir au sein de la prison aussi. Dans les deux cas, ce sont de mauvaises solutions »,souligne Bernard De Vos. Pour le délégué général aux droits de l’enfant, il faut bien sûr aménager les conditions de détention quand aucunealternative à la prison n’est envisageable. Mais le véritable enjeu, c’est d’éviter que ces mères ne se retrouvent derrière les barreaux. « Les juges nerecourent pas assez aux peines alternatives », déplore-t-il.
1. Relais enfants-parents :
– adresse : rue de Bordeaux, 62A à 1060 Bruxelles
– tél. : 02 534 88 13
– courriel : info@relaisenfantsparents.be
– site : www.relaisenfantsparents.be
2. Fonds Houtman :
– adresse : chaussée de Charleroi, 95 à 1060 Bruxelles
– tél. : 02 543 11 71
– courriel : houtman@skynet.be
– site : www.fonds-houtman.be