Dans sa dernière livraison de la revue Les Politiques sociales1, le Centre bruxellois d’action interculturelle (CBAI)2 publie un dossier intitulé “Immigrations etmédiations”. Il traite des pratiques, de la philosophie et des dimensions épistémologiques ayant cours dans les médiations attachées à des contextesdivers (première subdivision de l’ouvrage). Lesquels présentent tous la confrontation de valeurs et programmations culturelles portées, d’un côté par despersonnes issues de l’immigration, de l’autre par des représentants d’institutions d’un pays d’accueil.
Plus encore, parce que les pratiques sociales se font elles aussi « globales », une série d’articles se consacrent aux expériences de médiation interculturelle dansl’Union européenne. Un regard large conclut à l’émergence européenne d’un « profil professionnel de ‘l’interprète dans le champ social' » relevant de la médiation. Plusieurs articles abordent les situations de l’Espagne, de l’Italie, des Pays-Bas et de la Communauté française de Belgique (secondesubdivision de l’ouvrage). Une réflexion sur les rapports entre traduction et médiation boucle la revue.
But du numéro : « Diffuser des pistes de ré-flexion sur la manière de vivre en paix dans ce monde, trop souvent tenté par la guerre et la violence », annonce MassimoBortolini, le coordinateur du numéro. Parcours parmi trois interventions.
Dans l’introduction, il brosse l’évolution du concept de médiation. Il relève les facteurs sociaux amenant une baisse de « la conscience de soi comme acteur social ».Il analyse « l’affaiblissement de toutes les formes traditionnelles de médiation, paradoxalement compensé par une multiplication incontrôlée de nouvellesmédiations » comme « pratiques spontanées ou codifiées ». Or il reste que « la médiation apparaît comme un mode de régulation sociale plus efficace quel’imposition autoritaire, plus respectueux de l’identité de chacun, plus ouvert à la création d’une manière originale de vivre ensemble ».
À travers une voie philosophique, Jean-François Six subdivise la médiation en deux pôles incompatibles, la « médiation maison » d’abord, attachée àet produite par une institution en amenant un « meilleur fonctionnement d’ordre intérieur », son but étant de résoudre les conflits ; la « médiation jardin » ensuite, »strictement indépendante de tout pouvoir et sans pouvoir », précise le praticien (médiateur au Centre national de la médiation à Paris), a une autre finalité: la rencontre. Rôle du médiateur ? « S’effacer devant la médiation (…), susciter l’espace vide qui permettra, par son absence-présence, de faire serencontrer et s’épanouir l’un et l’autre. » Par une fiction teintée d’ironie anticipative (« Des médiateurs en 2025 »), il met finalement en garde contre lapossible instrumentalisation aveugle de la profession à la suite de sa prolifération.
Inventer les identités
Altay Manço analyse les situations sociopsychologiques de violences vécues dans les familles musulmanes marocaines et turques. Chaque acteur y est placé sous la lumière deses rapports avec l’extérieur (la société d’accueil) et les liens identitaires fragilisés au sein de la famille et du groupe (situation des mères, despères, des jeunes femmes face au mariage). La violence institutionnelle touche particulièrement ces populations, en plus de violences psychologiques ou physiques intrafamiliales, dufait de tensions entre la transmission d’une culture traditionnelle et l’ouverture. D’où le recours au concept de « paradoxalité des conduites identitaires. Aussi,ajoute Altay Manço, les projets personnels (…) sont les ‘lieux’ où s’inventent des conduites identitaires ‘paradoxales’. L’accèsà la paradoxalité correspond au niveau tant individuel que groupal, à la résolution positive des conflits normatifs en contexte de confrontation culturelle”.
1 « Immigrations et médiations » n°3 & 4, 2001, in Les Politiques sociales, sous la direction de Massimo Bortolini, 127 p., 12 euros. Service social dans le monde asbl, rue M. Bervoetsn°10, 7000 Mons, fax : 065/35 11 77, e-mail : c.renard.issha@mail.herb.be
2 CBAI, av. de Stalingrad 24 à 1000 Bruxelles, tél. : 02 513 96 02, fax : 02 512 17 96, e-mail : cbai@skynet.be, site web : http://www.cbai.be
Olivier Bailly
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