S’installer à Bruxelles ou en Wallonie. Inscrire son enfant à l’école. Et commencer à se prendre sérieusement la tête.
Il faut avoir vécu de très nombreuses années en Belgique, être doté de solides compétences intellectuelles et avoir de bons amis pour bien comprendre dans quoi on met les pieds. Entre les réseaux, les pouvoirs organisateurs, les communautés, les projets pédagogiques, les projets pilotes et, pire que tout, la réputation des établissements; il y a de quoi être saisi de sueurs froides. Le système est ultracomplexe. Seuls ceux qui en maîtrisent les codes peuvent tirer leur épingle du jeu.
On pourrait écrire des pages à critiquer l’école francophone de Belgique. D’abord parce que ça fait du bien. Mais surtout parce qu’il est grand temps que quelque chose se passe. Même un petit frémissement.
C’est un drôle de pays, celui où des parents se battent pour leur belle «liberté de choisir» bien plus que pour augmenter le niveau moyen de l’enseignement et la réduction des inégalités. Il faut dire que leurs enfants évoluent dans des îlots protégés de la morosité ambiante, jouissant de beaux projets pédagogiques taillés pour bobos.
À la base, pourtant, il se dit qu’elle devait servir à ça, l’école. Un vecteur d’égalité des chances. Alors qu’en Belgique, et ce coup-ci la Flandre n’y échappe pas, elle ne se contente pas de reproduire les inégalités, elle les démultiplie.
La Fédération Wallonie-Bruxelles a eu des résultats un tout petit peu meilleurs dans les études Pisa, y compris en termes d’écarts de niveau entre catégories socio-économiques. Et tout le monde se congratulait. Pourtant, elle reste bien dans les tréfonds du panier. C’est en Belgique francophone, par exemple, que l’on possède le record du monde du taux de redoublement. Bonnet d’âne.
Dans ce contexte, on a créé moult structures autour de l’école, comme autant de béquilles, pour éviter une chute trop spectaculaire de la grosse machine à enseigner. Des dispositifs d’accrochage scolaire, des médiateurs, des équipes mobiles, des écoles de devoirs. Des dispositifs qui ne parviennent pas à enrayer la spirale négative de l’enseignement. Car en Belgique, les enseignants, eux aussi, fuient l’école.
Les lecteurs d’Alter Échos connaissent bien ces problématiques. Finalement, tout le monde les connaît. Et on en parle, bien sûr. Mais bien peu.
Malgré une campagne électorale très atone à ce sujet, le gouvernement, dans sa récente déclaration de politique communautaire, a proposé de lancer un «pacte pour un enseignement de l’excellence». Pourquoi pas? Il est grand temps de tout remettre à plat. De repenser la formation, le temps passé à l’école, l’organisation des réseaux, la concurrence entre écoles, etc. Mais rappelons-nous, les plans, les responsables politiques en vendent comme des pékets aux Fêtes de Wallonie. Repensons à cet ambitieux Plan jeunesse, lors de la précédente législature. Il avait au moins permis aux acteurs du secteur d’occuper leurs journées lors de tables rondes. C’est toujours ça de pris. Mais le plan lui, fut enterré avant même d’être né.
Alors oui, un pacte pour l’excellence, un plan ambitieux pour lutter contre l’échec et la reproduction des inégalités. Quelque chose de long terme. C’est urgent. Pas facile d’y croire quand on sait que l’horizon budgétaire est bouché. Pourtant, il n’y a pas d’autre choix: autant espérer et croiser les doigts pour que cette énième grand-messe aboutisse à quelque chose.
En attendant, Alter Échos vous propose un grand plongeon dans l’école d’aujourd’hui, à travers sa série «les chantiers de l’enseignement» qui commence par un article dans ce numéro et trouvera sa suite dans les prochaines éditions. À suivre.