Le Centre culturel de Sambreville, en partenariat avec le CPAS, vient de réaliser un documentaire sur la vie dans les cités de Sambreville vue à travers les yeux et les motsd’une trentaine de femmes qui y élèvent seules leurs enfants1. Découpé en cinq parties à l’image de ses cités – celle deKeumiée, Seuris à Auvelais, les Bachères à Tamines, le Poncia à Moignelée, les Minrias à Falisolle, – le film Cités-mères alterneles paroles des mères et les images grises de ses quartiers abandonnés.
Le projet d’Anne-Marie Lateur, animatrice au Centre culturel, est fondé sur un constat : « Après plusieurs années de travail de proximité avec lespopulations des cités, nous ne pouvons que constater que les valeurs éducatives se perdent. Les mamans essaient vainement de faire passer des valeurs chez leurs enfants, ce quisème chez elles la détresse. Malgré leurs efforts pour faire de leur mieux, parfois cela dérape. » En l’absence des pères, la réalisatriceaimerait « que ces mères deviennent des maires ».
Qu’elles s’appellent Nadia, Cindy, Nancy, Paola, Christine, Laetitia ou Perilan, aucune de ces femmes n’a véritablement choisi de vivre là. « Je viensd’un petit village. Je n’ai pas choisi d’être dans la cité », avoue Laetitia qui voit au fil des années ses enfants « devenir de plus en plusrebelles. Il n’y a pas de politesse, pas de respect. Les jeunes traînent dans les rues ». Laetitia qui dit que pour s’intégrer, pour ne pas être rejetée,« elle a dû se fondre dans les gens qui habitaient ici. J’ai perdu mon identité. Je me sens faible. Je n’ai plus mon mot à dire sur l’éducation demes enfants… »
Il y a aussi Christine « qui a sa fierté », et ce n’est pas parce qu’elle dépend du CPAS qu’elle va baisser les bras. « Je veux que mes enfantsaillent à l’école le plus longtemps possible. » À la question de savoir quel est son plus grand rêve, Christine répond : « Je rêved’avoir une maison plus grande, un travail, et que mes enfants aient tout ce qu’ils veulent ».
Quant à connaître leur avis sur les dégradations que subissent les quartiers, il est unanime : « Beaucoup d’enfants sont livrés à eux-mêmes.» L’absence de lieu convivial dans les quartiers fait partie des doléances. « Excepté le café, le seul endroit où les adultes se retrouvent. Mais cen’est pas un endroit où se rencontrer. » Elles se plaignent aussi de ce que la majorité des hommes boivent et du fait qu’elles retrouvent régulièrement desseringues dans le bac à sable destiné aux enfants.
Cités-mères représente une sorte d’expertise de la vie des quartiers. « Cela nous permet de voir si ce qu’on met en place répond ou non auxattentes et par la suite d’adapter nos outils au terrain », affirme Véronique Marciat, assistante sociale du CPAS qui, pendant le tournage, mettait les femmes en confiance pour lesdépartir de leur stress.
1. Le film réalisé avec la collaboration technique et artistique de Michael Crepin a vu le jour grâce à l’intervention de Sambre-Alpha, du centre de Planningfamilial de Tamines et de l’aide du Fonds d’impulsion à la politique des immigrés, du Centre pour l’égalité des chances, du ministère de laCulture et des Affaires sociales et du Service de l’Éducation permanente de la Communauté française. Cités-mères servira d’outild’animation dans les écoles.