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Un fonds mazout si peu social

À quoi sert le fonds social mazout ? Sa gestion coûte cher aux CPAS et il n’aide pas vraiment les utilisateurs les plus précarisés. Aucune réforme pourtant ne pointe à l’horizon.

Sa gestion coûte cher aux CPAS et il n’aide pas vraiment les utilisateurs les plus précarisés. Aucune réforme pourtant ne pointe à l’horizon.

Tous les ans ou presque, les fédérations des CPAS des trois Régions tapent sur le clou : il faut d’urgence revoir le fonctionnement du fonds social mazout. Leur dernière lettre à la secrétaire d’État Maggie De Block, en février dernier, a suivi le même sort que les précédentes. Aucune réaction. Cette revendication fera sans doute l’objet d’un copier-coller dans le prochain mémorandum adressé aux partis pour les élections de 2014.

Le fonds social mazout n’aide pas véritablement les personnes en situation de précarité, dénonce Christophe Ernotte, directeur général de la Fédération des CPAS wallons. Ce fonds mazout, appelé aussi fonds social chauffage (FSC) a été créé fin 2004 suite à des accords entre le Fédéral et le secteur pétrolier. Ce fonds est accessible aux ménages dont les revenus bruts ne dépassent pas 16 965 euros (plus 3 140 euros par personne à charge) ainsi qu’aux personnes endettées qui bénéficient d’une médiation. Mais contrairement au fonds énergie gaz-électricité, l’octroi des allocations mazout ne donne lieu à aucune aide sociale spécifique, aucun accompagnement à la gestion de la consommation.

« La loi sur le fonds énergie gaz-électricité est très bien faite, explique Christophe Ernotte. Elle permet de dégager des moyens importants en personnel pour assurer un suivi social des bénéficiaires. Ce n’est pas le cas avec le fonds social mazout qui est au contraire très contraignant. » Les personnes qui se chauffent au mazout n’ont pas un tuteur énergie pour les conseiller, elles n’ont même pas le choix de pouvoir régler leur facture de mazout en plusieurs mensualités. Et comme les personnes en difficulté financière commandent en petites quantités, elles paient le prix au litre le plus élevé.

Une charge pour le CPAS

Les CPAS reçoivent de l’État fédéral 10 euros par dossier accepté. Si un ménage sollicite le CPAS pour payer sa facture mais n’entre finalement pas dans les conditions requises, le centre public ne reçoit rien. Pourtant la constitution de chaque dossier requiert une charge de travail importante : rencontre du demandeur, enquête sociale, constitution du dossier. De plus, le nombre de demandes d’intervention pour le fonds mazout ne cesse d’augmenter. Il y a eu 112 000 demandes en 2011, mais d’un CPAS à l’autre, la charge est très différente. Elle dépend moins du nombre de bénéficiaires du revenu d’intégration que du mode de chauffage dominant dans la ville ou la région. Ainsi à Charleroi ou dans la région namuroise, le chauffage au mazout est bien plus répandu qu’à Liège où l’on se chauffe davantage au gaz. À Charleroi, 4 000 dossiers ont été traités en 2011. Dans les communes avoisinantes, les CPAS ont vu le nombre de demandes d’allocations mazout augmenter de 30 % et même de 40 % entre 2010 et 2012. À Liège, la progression est aussi constante. « Nous avons eu 1 614 dossiers en 2010, 1 784 en 2011, 1 881 en 2012, explique Christelle Breyer, pour la cellule énergie du CPAS. Pour certains travailleurs sociaux, ces chiffres ne disent pourtant rien sur la réelle précarité énergétique des ménages. Combien d’entre eux ne vivent-ils pas avec un thermostat bloqué à dix ou douze degrés ? Sans compter les citernes qu’on ne remplit qu’en cas de gel sévère. »

Autre difficulté : le très faible montant de l’allocation accordée. Le prix de référence, qui détermine l’allocation octroyée, est fixé sur le prix moyen des cinq dernières années et non sur le prix du combustible en vigueur. Le prix du mazout s’est envolé mais l’allocation, elle, reste bloquée à 210 euros par période de chauffe (de septembre à mars).

Il y a pourtant plus mal lotis encore que les personnes se chauffant au mazout. Aucune aide financière n’est prévue pour ceux qui utilisent le charbon ou le bois. Or c’est le charbon qui reste proportionnellement le combustible le plus utilisé par les ménages à faibles revenus, en Wallonie.

Martine Vandemeulebroucke

Martine Vandemeulebroucke

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