Début juin, le Conseil supérieur de l’éducation permanente (CSEP)1 transmettait un mémorandum à la ministre de tutelle, Fadila Laanan(PS), à propos de l’application du décret de 2003. Ce document comporte deux messages à destination de la ministre, mais également des parlementaires.
En quelques pages, il réaffirme le bien-fondé du décret tout en pointant certaines des difficultés rencontrées par les associations dans son application. LeConseil y développe des revendications et propose des clarifications concernant l’arrêté du gouvernement et le vade-mecum chargé d’en assurerl’opérationnalisation auprès des associations. Présentation et commentaires de Serge Hustache et Thierry Jacques, respectivement président et vice-président duConseil supérieur.
Le document fait suite à une série de rencontres, qui se sont déroulées durant plusieurs mois, entre l’administration, l’inspection, le Conseil et lecabinet de la ministre Laanan, pour améliorer les conditions d’application du nouveau décret. « Une série de questions sont restées ouvertes, explique ThierryJacques. Mais, pour le Conseil, une série de demandes, non rencontrées, nécessitent des changements dans l’arrêté d’exécution, d’oùce mémorandum ». « Et ensuite, il faut que le cabinet tranche, poursuit Serge Hustache. Pour ce dernier, « le document cherche aussi à toucher les parlementaires quiont parfois des échos négatifs de la manière dont se met en place la nouvelle législation. On veut attirer leur attention sur l’importance de ne pas casserl’outil. » D’ailleurs, en introduction, le Conseil réaffirme tout le bien qu’il pense du décret de 2003. Il réinsiste, par exemple, surl’avancée que constitue le contrat programme qui « sécurise et consolide les organisations tout en suscitant une dynamique plus prospective (…) contraire de lalogique comptable du décret de 1976 (…) ».
Cinq revendications
Premier message : « rappeler au politique ses engagements, explique Thierry Jacques. En particulier que c’est un ministre PS qui a programmé l’engagement de nouveauxmoyens pour le secteur. Et que cet engagement était partie intégrante de la refonte de l’éducation permanente. Il était clair pour tous, gouvernement et acteurs dusecteur, que ce nouveau texte n’était applicable qu’avec un refinancement. Or, pour le moment, la ministre s’est engagée pour 2006 et peut-être 2007 ».
Les cinq revendications du mémorandum portent d’ailleurs sur le financement du secteur. Là semble, en effet, se situer le goulet d’étranglement de l’application dudécret. Il aborde notamment les garanties pour les sommes réservées à l’application du décret dans le cadre du Plan d’action de la Charte d’avenir(PACA) qui répartit le refinancement de la Communauté française obtenu en 2001.
Autre enjeu corollaire, le phasage du financement pour le secteur. Le refinancement sera progressif. C’est pourquoi les associations reconnues sous le nouveau décret touchent 74 % dela subvention actuellement prévue par les arrêtés d’application. Qu’en est-il de l’application de l’évolution programmée par le PACA d’ici2010, s’interroge le Conseil. La revendication porte sur le couplage de l’évolution des subventions des associations avec l’évolution de l’enveloppe destinée ausecteur.
Toujours sur le volet financement, afin d’assurer l’indexation des subsides, le Conseil rappelle la nécessité que les contrats programmes (et les conventions pour les nouvellesassociations) comportent l’index et le mois de référence au moment de la signature pour le calcul de l’indexation.
Ensuite, « la sécurisation financière des associations dès qu’elles sont reconnues ». C’est l’expression: « dans les limites des créditsbudgétaires », issue du décret de 2003, que le Conseil veut voir préciser. Cette dernière ne « paraît être applicable qu’aux décisionsde reconnaissance ». Mais pour les organisations reconnues, si « un contrat programme (ou convention) est fixé, il serait inacceptable que, en cours d’exécution de cecontrat programme (ou convention), une association puisse voir ses moyens se réduire sous couvert de cette notion de limitation des crédits budgétaires ». Enfin, le Conseilrappelle le respect des délais administratifs de liquidation des subventions.
Les propositions de changement
Autre enjeu, la réforme des arrêtés d’exécution. Pour Thierry Jacques, il n’est cependant pas nécessaire de revoir le décret. «C’est un bon décret, il correspond bien à la réalité. Par contre, il faut modifier les arrêtés d’exécution parce que certains pointsrestent trop flous et font l’objet d’interprétations trop larges ». Serge Hustache se dit plus ouvert même si le Conseil a activement participé à larédaction du décret. « Il n’y a aucun tabou à ce sujet. Mais il n’est pas question de toucher aux grands principes qui fondent le décret. En particulierl’équité entre les associations sur une base normative ».
Parmi les éléments en débat, Thierry Jacques pointe la question de « comment mettre les limites à l’entrée dans le décret ? » Faceà l’afflux des demandes, les reconnaissances sont finalement fonction des moyens disponibles, d’où aussi les interpellations du Conseil sur le financement du secteur.Thierry Jacques se défend pourtant de jouer le rôle d’arbitre. « Jusqu’ici, je suis garant de ça, nous n’avons pas remis des avis qui tenaient compte deslimites budgétaires. Ce n’est pas la mission du Conseil et ça ne l’était déjà pas sous la précédente législation. C’està la ministre d’assumer ce rôle. » Pour Serge Hustache, il importe de bien marquer la spécificité de l’éducation permanente. « Lesactivités doivent se baser sur les animations socioculturelles collectives. Les associations reconnues reçoivent des moyens supplémentaires, c’est pour s’inscriredans la logique d’éducation populaire, non formelle. Et c’est vrai qu’il y a eu une ambiguïté sur l’éducation permanente. On a fait la confusion avecl’associatif en général. Il faut travailler à l’action collective, au développement de critiques collectives. Il y a un problème de financement adhoc pour toute une série de secteurs, mais l’éducation permanente ne peut y répondre, sinon, le risque c’est que l’on casse l’outil ».
Le Conseil planche depuis plusieurs mois sur les aménagements à apporter aux textes de références pour les associations qui souhaitent être reconnues dans lecadre du décret de 2003. Le mémorandum compte huit propositions.
• Les thématiques d’action. Le Conseil revendique un droit de non ingérence dans le choix des thématiques. Il « ressort de la seuleresponsabilité des associations et est établi en toute autonomie ». Ce choix ne peut pas être « un facteur pénalisant ». En outre, le Conseil demande quele calcul des forfaits de financement ne se fonde plus sur le nombre de thématiques mais principalement sur le volume d’activités.
• Des balises pour certains axes. Le décret comporte 4 axes d’activités. Le Conseil propose que les activités réalisées dans les axes 3.1(production de services), 3.2 (production d’analyse et d’études) et 4 (sensibilisation et information) soient accompagnées d’un certain nombre d’heuresconsacrées à des activités « grand public » et des activités « de proximité » (entre 30 et 60 h pour chacune d’entre elles selon lescatégories de forfait). D’après Serge Hustache, « on ajoute des balises supplémentaires pour assurer le lien entre l’axe 1 (animation) qui estl’élément central du décret, pour que les associations se mettent dans cette dynamique socioculturelle ».
• L’autonomie des axes. Beaucoup d’associations proposent des activités multidimensionnelles où se mêlent plusieurs axes. Le Conseil propose que cesactivités soient valorisables sous les différents axes pour peu que leur ancrage dans chacun des axes soit bien identifiable.
• La notion de large public. Le Conseil insiste sur la visibilité publique et la publicité des activités permettant d’assurer l’accessibilité et laparticipation effective des publics visés. Il propose que la publicité sur le site web du programme soit considérée comme suffisante surtout quand ce sont des rencontressous forme d’atelier par exemple.
• La question des avis du gouvernement. Le Conseil pointe la divergence de point de vue qui a pu être constatée entre le service de l’éducation permanente et leservice de l’inspection. Pour le Conseil, « il faut repréciser le rôle du service de l’éducation permanente (recevabilité du dossier) et celui de l’inspection (avissur la conformité avec les critères décrétaux). La notion d’avis commun devrait donc être reprécisée dans ce sens ». Un peu plus loin, le Conseilmonte d’un cran, souhaitant que l’administration se borne à « assurer l’administration du dossier et l’exécution des décisions qui en découleront ». SergeHustache comme Thierry Jacques insistent sur la nécessaire clarification des rôles. Le sujet semble très sensible. « L’imprécision del’arrêté a conduit à une situation où le service de l’éducation permanente joue un rôle qui n’est pas le sien mais bien celui del’inspection. On en arrive à ce que deux acteurs qui représentent l’administration remettent des points de vue contradictoires. »
• Question de l’impact territorial des activités. L’arrêté d’application parle « d’impact territorial » et de « concrétisationd’activités sur un territoire donné ». Le Conseil souhaite donc une clarification de ces notions.
• Rapports annuels d’activités et rapport général d’exécution. Concernant l’évaluation des activités réalisées dans le cadre dudécret, le Conseil revendique une clarification du rôle du rapport général d’exécution. Il doit permettre de « retracer l’historique de l’exécution ducontrat et donc son évaluation globale (principalement en vue d’un renouvellement de la reconnaissance) ».
• La simplification administrative des documents d’introduction des dossiers. Les dossiers de reconnaissance restent très complexes et ne tiennent pas compte desspécificités des associations (petites vs grosses associations p.e.).
1. CSEP, bd Léopold II, 44 à 1080 Bruxelles – tél. : 02 413 35 23 – courriel : bernadette.schmitz@cfwb.be – contact : Bernadette Schmitz.