De plus en plus de migrants atteints de pathologiques graves se voient refuser une autorisation de séjour en Belgique pour des raisons médicales, dénoncent des associations et services de terrain du secteur juridique, médical ou encore de l’accompagnement des réfugiés et étrangers (1). Dans leur Livre blanc sur l’autorisation de séjour pour raisons médicales (9ter) publié aujourd’hui, ces derniers revendiquent une meilleure application de la loi et un meilleur respect des droits humains des étrangers gravement malades.
En 2013, sur 9.010 demandes clôturées par l’Office des étrangers (OE), seules 148 autorisations de séjour (1,6%) ont été délivrées. La situation ne semble pas meilleure pour l’année 2014. «Le législateur n’a eu de cesse ces dernières années de réformer cette procédure dans un sens toujours plus restrictif sous prétexte de lutter contre ce qui était présenté par l’administration comme de nombreux abus de procédure causant un engorgement au sein de ses services», dénoncent les auteurs du Livre Blanc, dressant la liste d’une kyrielle de défaillances de l’administration belge en la matière. Parmi elles:
- une appréciation trop stricte de la «gravité» de la maladie. En gros, les autorisations de séjour ne sont accordées aujourd’hui que lorsque le pronostic vital est engagé ici et maintenant. Une maladie peut parfois être considérée comme «moins grave» parce qu’elle est prise en charge et stabilisée en Belgique et devenir extrêmement grave à défaut de soins ou de soins adaptés dans le pays d’origine, explique le Livre Blanc. C’est le cas des personnes séropositives (Lire «Plan VIH, la fin des retours forcés?», Alter Échos n°369 du 15.11.2013);
- de nombreuses décisions négatives prises par l’OE sont peu ou mal motivées. Les sources quant à la disponibilité des traitements dans le pays d’origine sont, par exemple, parfois insuffisamment documentées. Dans le même sens, les soins, s’ils peuvent être «disponibles» dans le pays d’origine, ne sont pas forcément accessibles à l’ensemble de la population;
- le Livre Blanc relève aussi l’absence de débat contradictoire devant l’OE: le demandeur ignore tout de la manière dont les preuves sont recueillies par le médecin de l’OE, il n’a pas l’occasion d’exposer son point de vue, son médecin traitant n’a pas la possibilité de «répondre» à l’avis médical de l’OE;
- le possibilité de recours devant le Conseil du contentieux des étrangers n’est pas effective dans la pratique;
- les problèmes de santé mentale sont mal pris en compte par l’administration, en ce compris les traumatismes de guerre ou les syndrome de stress post-traumatique;
- épinglons enfin les difficultés d’accès aux droits sociaux pendant la procédure 9ter, au cours de laquelle l’étranger est en séjour illégal et ne peut recourir qu’à l’aide médicale urgente (AMU). L’accès de cette dernière se faisant de plus en plus complexe.
Entre autres recommandations, les auteurs du Livre Blanc réclament a minima une meilleure application de la loi et de son «esprit», la prise en compte de l’intérêt du patient et le respect de la déontologie médicale. Au-delà, ils recommandent de modifier cette loi afin que la procédure «soit rapide, contradictoire et garante des droits des patients». Ainsi que la mise en place d’une procédure de recours réellement effective.
Association pour le droit des étrangers (ADDE), Caritas International, Centre de référence SIDA du CHU de Charleroi, Centre de santé mentale EXIL, Centre de santé mentale Ulysse, Coordination et Initiative pour Réfugiés et Etrangers (CIRE), Institut des droits de l’Homme du barreau de Bruxelles, Ligue des droits de l’Homme (LDH), Médecins du Monde, Medimmigrant, Service des Maladies Infectieuses du CHU Saint-Pierre, Service de pédiatrie du CHU Saint-Pierre, Ordre des barreaux francophone et germanophone, Syndicat des avocats pour la démocratie.