Alors que le secret professionnel des CPAS est mis à mal, un collectif de travailleurs sociaux rappelle les fondements de leur travail. Un cadre de moins en moins évident souligné dans un ‘Manifeste du travail social’.
À l’instant où l’on écrit ces lignes (le 6 février 2017), nous pouvons lire ces mots: «CPAS: le secret professionnel tire sa révérence[1]».
Si nous ne sommes malheureusement pas surpris de cette décision, elle ne fait que confirmer la nécessité et l’obligation de nous mobiliser.
Le Comité de vigilance en travail social (CVTS) est né dans la tourmente, à la suite de travailleurs sociaux emprisonnés et poursuivis dans le cadre de leur engagement professionnel. Cette nouvelle nous rappelle donc des jours particulièrement sombres…
Toucher au secret professionnel, de quelque manière que ce soit, nous confirme notre méfiance quant à la transposition d’une telle disposition vers d’autres secteurs, mais aussi d’autres professions, quant à ses dérives, quant aux risques encourus par ces mêmes travailleurs dans l’exercice de leurs fonctions mais surtout quant à la manière dont nous serons capables d’accueillir et d’accompagner nos concitoyens à l’avenir.
C’est donc bien une mise en danger de notre démocratie dont il s’agit ici, une atteinte directe à un devoir fondamental de nos professions d’accompagnement, d’aide, de soins,…
Depuis plus de dix ans maintenant, dans le cadre du CVTS, des professionnels du travail social accueillent des témoignages individuels et d’équipes vigilants au sens de leur pratique de plus en plus mise à mal, de façon insidieuse ou non, jusque dans ses dimensions éthiques.
«Une société qui a fait le choix d’avoir des travailleurs sociaux en son sein se doit de leur garantir les conditions nécessaires à l’exercice de leurs professions[2].» Le travail social ne peut avoir comme finalités le contrôle, la garantie de l’ordre public et moral ou encore la désignation des personnes méritantes ou non méritantes.
«La garantie du secret professionnel […] résulte d’un choix de société fort. Il permet à tous la possibilité d’être entendus sans être jugés, d’être aidés en continuant à décider pour soi et permet aux professionnels de poser des actes en en mesurant toutes les conséquences. En cela, il concourt à rendre possible une vie en société[3].» Il vise donc à protéger la confiance de chaque citoyen face à certains confidents.
C’est donc bien une mise en danger de notre démocratie dont il s’agit ici, une atteinte directe à un devoir fondamental de nos professions d’accompagnement, d’aide, de soins,…
Un outil d’interpellation
La mise en lumière de ces extraits du Manifeste du travail social nous montre combien notre vigilance et notre mobilisation sont essentielles mais aussi combien les valeurs fondamentales de notre travail sont aujourd’hui balayées par des politiques motivées par la peur et le repli sur soi.
Le Manifeste, c’est une réaffirmation des valeurs qui fondent l’action des travailleurs sociaux. Notre métier, c’est de veiller à garantir l’équité, la justice sociale, l’accompagnement dans le respect inconditionnel de la personne. Ce Manifeste réaffirme des piliers sur lesquels les travailleurs sociaux peuvent s’appuyer pour alimenter et soutenir leur travail quotidien, défendre leur engagement et leur éthique et persévérer dans leur mobilisation contre les inégalités et la déshumanisation de leur travail.
Au-delà de la question du secret professionnel, nous refusons d’être des agents d’exécution ou de contrôle de politiques régressives et faussement sociales.
Au-delà de la question du secret professionnel, nous refusons d’être des agents d’exécution ou de contrôle de politiques régressives et faussement sociales. Nous affirmons que «les situations de précarité et de vulnérabilité doivent être considérées comme la conséquence du choix d’un certain modèle de société et non pas comme celle d’échecs personnels[4]».
C’est donc l’ensemble des principes incontournables de notre travail social que nous avons publié, car c’est à ces conditions nécessaires et fondamentales que nos métiers sont rendus possibles.
Nous invitons donc chacun à penser sa pratique et son ancrage institutionnel au regard de ceux-ci:
- «La personne comme sujet de l’intervention sociale»
- «Des missions de travail social centrées sur la dignité humaine et la justice sociale»
- «Un travail en réseau au service des personnes»
- «Un cadre de travail au service du travail social»
Des évidences, certains diront? Malheureusement non… Le CVTS peut en témoigner et c’est face à ces constats qu’il nous a semblé évident et nécessaire de nous mobiliser.
Nous croyons fermement que notre engagement, notre éthique et notre rassemblement sont, dans le contexte actuel, des boucliers indispensables aux dérives que connaît le travail social.
Ces principes visant le respect inconditionnel des droits des personnes, leurs capacités d’autodétermination et la lutte contre les inégalités sont le fruit d’un travail collectif ayant rassemblé des représentants de quinze secteurs du travail social.
Ce manifeste est à la disposition de chaque citoyen, professionnel ou non qui souhaite se saisir de ces questions. Il a également pour ambition de servir d’outil d’interpellation des acteurs politiques pour appuyer et revendiquer les positions du terrain.
Nous croyons fermement que notre engagement, notre éthique et notre rassemblement sont, dans le contexte actuel, des boucliers indispensables aux dérives que connaît le travail social.
Il s’agit donc aussi d’un appel citoyen!
Réhumaniser le travail social, le fondement de notre action est un devoir. Plus de 590 adhésions individuelles et plus de 60 associations sont signataires à ce jour. C’est désormais la diffusion et l’appropriation par le plus grand nombre qui lui donneront vie et force de changement!
Allez-y, quelle que soit la manière: signer, diffuser, débattre, agir, résister…
[1] Issu du site du guide social, 6/2/2017 http://pro.guidesocial.be/actualites/cpas-le-secret-professionnel-tire-sa-reverence.html.
[2] Extrait du Manifeste du travail social, p. 5.
[3] Idem.
[4] Extrait du Manifeste du travail social, p. 14
En savoir plus
Levée du secret professionnel: «Le combat continue!» Manon Legrand, 17 février 2017
«Levée du secret professionnel: vers un « flicage généralisé »?», Alter Échos, 30 novembre 2016, Martine Vandemeulebroucke.