Depuis le 1er avril, les assistants sociaux peuvent échanger des données sur les usagers des CPAS via le rapport social électronique. Un nouvel outil informatique qui va faciliter leur travail, comme l’assure le ministre MR Willy Borsus? Les CPAS n’étaient pas demandeurs. Certains y voient même un dangereux moyen de pister les pauvres et de détricoter le secret professionnel.
«Le but du rapport social électronique est de mettre en place un cadre d’échanges électroniques de données pertinentes directement entre les CPAS via la Banque Carrefour de la Sécurité sociale afin de mettre en œuvre une politique sociale correcte et efficace.» Voilà, en résumé, l’objectif du rapport social électronique (RSE) «offert» aux CPAS par le ministre de l’Intégration sociale. Les trois fédérations avaient dit: «Non merci, ça ne nous intéresse pas.» Elles l’ont reçu tout de même.
Les CPAS n’en voulaient pas parce qu’ils y voyaient un instrument coûteux, en formation du personnel, en temps d’encodage, sans y trouver la moindre plus-value. «Cela ne sert à rien, dit d’emblée Stéphane Roberti, président du CPAS de Forest. Cela ne facilitera pas le travail des CPAS, comme on tente de nous le faire croire.» Le RSE doit encoder toutes les données d’un usager du CPAS. Si ce dernier déménage et réintroduit une demande d’aide dans un autre CPAS, les assistants sociaux n’auront qu’à consulter le RSE pour déjà tout savoir de lui. Et c’est bien cela qui dérange la plupart des travailleurs sociaux, surtout francophones.
Stéphane Roberti a été assistant social avant de prendre les rênes du CPAS de Forest. Il est particulièrement sensible aux dangers que fait courir le RSE sur le secret professionnel et la relation de confiance entre le travailleur social et l’usager. «Le travailleur social a besoin d’établir un contact direct avec l’usager pour connaître sa situation, qui peut avoir évolué depuis les premiers encodages. Est-il nécessaire de savoir que l’usager a eu, dans le passé, des problèmes de dettes ou un casier judiciaire? Ma crainte est qu’on se serve de ce dispositif pour glisser des commentaires négatifs sur l’usager. Pointer par exemple son manque d’enthousiasme pour un projet d’insertion professionnelle. Pour des personnes qui ont connu pas mal d’échecs dans leur vie, faire figurer ceux-ci dans un dossier qui les suivra toute leur vie, ce n’est pas leur rendre service.»
Respect de la vie privée?
Est-ce une atteinte au secret professionnel des assistants sociaux? Pour Bernard Taymans, président de la Fédération wallonne des assistants sociaux des CPAS (Féwasc), cela ne fait aucun doute. Willy Borsus rétorque que la Commission pour le respect de la vie privée a donné son feu vert au projet. «On confond respect de la vie privée et respect du secret professionnel, estime Stéphane Roberti. La Commission peut être d’accord que l’on communique les données personnelles des gens mais elle n’a rien à dire sur le secret professionnel. Il n’existe d’ailleurs aucune instance qui mette les balises dans ce domaine.»
Pour Bernard Taymans, le CPAS est le secteur le plus informatisé qui soit. Il reçoit d’emblée toutes les données de la Banque Carrefour. Le RSE ne sert à rien mais c’est le «joujou informatique que voulait absolument le SPP Intégration sociale». Bernard Taymans dénonce le rôle trouble joué dans ce domaine par les hauts fonctionnaires de la Smals, autrefois appelée «Société de mécanographie pour l’application des lois sociales». «Ce lobby informatique tout-puissant», selon Bernard Taymans, né au sein du ministère des Affaires sociales, a pour clientèle la sécurité sociale au grand complet. La Banque Carrefour, Handiweb, toutes les applications informatiques de l’Onem, de l’Inami, de l’ONP, l’e-box des citoyens… c’est elle. Le RSE, c’est encore elle. «Entre le projet du SPP et la circulaire ministérielle, pas une virgule n’a changé. La concertation avec les CPAS a été de pure forme.»
En savoir plus
«SPP Intégration sociale: petite chronique d’une mort annoncée», Alter Échos n°398, mars 2015, Marinette Mormont
«Les CPAS s’opposent au rapport social électronique», Fil d’info d’Alter Échos, 29 septembre 2014, Sandrine Warsztacki