L’ANLH, l’Association nationale pour le logement des personnes handicapées, a mis en œuvre en juin 2001 un service d’ombudsman anti-discrimination1 destiné auxpersonnes handicapées des Régions wallonne et bruxelloise. Ce service s’adresse aux personnes handicapées physiques, sensorielles ou mentales afin qu’elles puissentfaire connaître les situations de discrimination dont elles sont victimes. Que ce soit à la suite de problèmes au travail, en famille, dans les services publics, àl’école, etc., l’ombudsman se charge d’informer les personnes sur leurs droits, de les orienter et de les soutenir dans leurs démarches. Le service a étécofinancé jusqu’ici à titre de projet pilote par la Commission européenne dans le cadre de la politique d’égalité des chances et del’intégration sociale de tous les citoyens et est en recherche de subsides à l’heure actuelle. Bilan après un an de fonctionnement.
Au départ du projet, une seule personne, Virginie De Potter, y travaillait à mi-temps. Dès que le service a été effectif, deux autres employés del’ANLH ont travaillé en fonction des besoins. Les spécialistes de l’Association ont collaboré pour de nombreux dossiers. L’architecte a visité plusieurssites afin de donner des solutions architecturales aux problèmes que rencontraient les usagers. Il a ainsi pu proposer certains types de rampes pour des habitations privées, avisité une prison, des églises. Une juriste de l’ANLH a également été consultée sur différents dossiers et une ergothérapeute aégalement conseillé sur l’aménagement des domiciles privés.
Aujourd’hui Stéphanie Herman a pris la relève comme « ombudswoman », elle explique les difficultés auxquelles le service est confronté.
Difficultés rencontrées
« En Belgique, il n’y a pas de loi anti-discrimination pour les personnes handicapées comme il y en a une, par exemple concernant la discrimination raciale. Nous sommes cependantoptimistes quant à la possibilité d’obtenir prochainement un arsenal juridique plus adéquat. Cependant de nombreuses demandes qui nous étaient adresséesn’étaient pas de véritables cas de discrimination mais se trouvaient dans des situations de retards administratifs, d’incompréhension des lois, de difficultéde trouver un logement. Nous avons pris en compte ces cas mais pensons qu’il est nécessaire dans un second temps de clarifier les attributions du service. Il nous semble que ladiscrimination basée sur le handicap est très différente des autres formes de discrimination. Elle est rarement basée sur une idée de rejet de la différencemais souvent sur une culpabilité collective et une identification. Les personnes valides peuvent avoir peur de la différence mais gardent toujours en tête que cela peut leurarriver – à eux ou à un de leurs proches – un jour. Cela n’est évidemment pas le cas d’une discrimination raciale (un Blanc ne sera jamais Noir), unediscrimination fondée sur le sexe ou l’ethnie. En plus, cette situation, contrairement à l’âge, peut se produire à n’importe quel moment, elle estpotentiellement imminente. Il y a donc en même temps identification à l’autre en tant qu’il représente une potentialité morbide mais également rejetpuisqu’il y a refus de voir cette possibilité et de la prendre en compte. Ainsi, la discrimination prend une tournure particulière. »
Le public qui s’adresse à l’ombudsman
« La personne handicapée physique a une certaine habitude en Belgique d’être prise en charge et reste toujours insatisfaite, poursuit Stéphanie Herman.L’État providence y bat son plein et de nombreuses personnes nous appellent parce qu’elles pensent qu’elles devraient avoir les mêmes droits que leurs voisins. Nousnous rendons compte que le public qui s’adresse à nous est souvent un public de personnes qui ne se sont pas intégrées dans la société plus en raison deproblèmes de caractère, d’une personnalité (peut-être induite par leur handicap) qu’en raison du handicap lui-même. Il n’est pas toujours facile depercevoir la véritable demande sous-jacente: il nous est arrivé plusieurs fois de prendre en main des cas qui se plaignaient de discrimination (par exemple) mais cherchaient enréalité à se faire licencier afin de recevoir des indemnités. Ces personnes étaient rejetées par leur entourage en raison d’un comportement agressif,violent… Nous avons dû dans ces cas nous désolidariser de ces personnes qui refusaient systématiquement toutes les solutions proposées car leur demande en cachait uneautre.
Les personnes handicapées ont des avantages financiers qui ne les encouragent pas toujours à travailler ou à se marier, à acquérir une autonomie et se trouvent doncsouvent pacifiées, infantilisées, en attente d’aide extérieure même lorsque le besoin n’est pas réel. Le handicap est parfois devenu ouverture àun droit, revendicable, exigible (voir l’arrêt Péruche et les controverses que cela engendre). Il y a à réfléchir de manière générale surla politique à adapter. L’association Handicap international, avec qui nous avons eu des contacts, travaille sur ce point en proposant essentiellement des activités sportives,mettant à l’avant la personne handicapée comme personne active. En même temps, des droits fondamentaux, comme celui de se déplacer, de travailler dans des locauxaccessibles, adaptés, de se loger… sont très souvent bafoués sans que la société ne s’en émeuve. La personne handicapée estelle-même souvent habituée à ces obstacles, presque défaitiste devant l’ampleur de ceux-ci et hésite donc à faire appel pour des trottoirs trop haut,des magasins ou des écoles inaccessibles, des bus ou des métros qu’elles ne peuvent pas emprunter… Le problème de l’équilibre entre la compensationcollective du handicap et l’autonomie de la personne, à respecter comme un être capable, indépendant est difficile à trouver et mène souvent à dessituations paradoxales.
Le métier d’ombudsman pour personnes handicapées est donc relativement frustrant car il ne semble pas toujours atteindre les personnes qui en auraient réellement besoin. Ilparaît indispensable de bien définir les attributions du service et de se mettre en rapport avec les autres services existants. »
Quant à l’avenir du service aujourd’hui privé des subsides européens? « üous avons fait la demande de subsides auprès des instances publiques afinde perpétuer le service d’Ombudsman antidiscrimination. Nous sommes actuellement en attente de réponses mais sommes optmistes, l’année 2003 étantl’année de la personne handicapüe… Tout d’abord,
il nous semble difficile d’arrêter un service qui, après plus d’un an de fonctionnement,engendre encore régulièrement des demandes. D’autre part, à l’heure où les politiques européennes visent à l’introduction d’unelégislation anti-discrimination nationale, il nous semble intéressant, de rester, par le biais de ce service, à l’écoute des problèmes concrets qui se posentdans la vie de la cité. »
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Cas représentatifs
Sur les 130 cas recensés fin juin 2002 (contacts essentiellement par courrier et téléphone), on peut établir la représentation suivante:
> Problèmes administratifs: 40 %
– problèmes d’allocations: 20 %
– Problèmes d’obtention ou de renouvellement de carte de parking: 10 %
– Problèmes d’obtention d’emplacement de parking: 5 %
– avantages fiscaux: 5 %
> Problèmes de remboursements avec la mutuelle: 5 %
Remboursement chaise, tricycle, kinésithérapeute, matériel informatique.
> Accessibilité des bâtiments publics: 20 %
Ascenseurs, cinémas, grandes surfaces, lieux touristiques (Atomium, église…), écoles.
> Accessibilité des logements: 18 %
> Discrimination au travail: 5 %
> Accessibilité des transports: 10 %
Bus, tram, trains, métro.
> Divers: 2 %
Quelque 80 % des cas ont obtenu des résultats positifs, souvent à la faveur de compromis.
À noter que le volet des interventions concernant les demandes d’allocations a été abandonné pour se concentrer sur le volet discrimination en tant que tel.
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1 Service Ombudsman antidiscrimination, rue de la Fleur d’Oranger, 2/113 à 1150 Bruxelles, tél.: 02 762 34 05, fax: 02 779 26 77, courriel: ombudsman.anlh@autonomia.org
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