La précarité serait-elle moins visible à la campagne ? C’est ce qu’on peut penser à la lecture de l’étude du professeur Etienne Van Ecke de la KUL. À lademande de la Fondation Roi Baudouin, ce professeur a analysé le phénomène d’appauvrissement des agriculteurs en Wallonie1. Étude qu’il avait déjàréalisée l’année passée pour les agriculteurs flamands et où il était arrivé à des résultats plus ou moins similaires aux chiffreswallons .
Si la pauvreté est moins concentrée et donc moins visible à la campagne, elle n’en est pas moins réelle pour autant. Celle-ci est toutefois méconnue des CPAS et desservices sociaux privés pour différentes raisons dont les plus importantes sont les suivantes :
n les agriculteurs sont souvent des propriétaires importants de biens mobiliers et immobiliers. En outre, leur pauvreté se caractérise par un travail harassant et despossibilités d’auto-production alimentaires. Ces situations ne correspondent pas à l’image traditionnelle du demandeur d’aide et le droit à l’aide sociale et au minimex sera doncplus difficile à établir.
> Les agriculteurs ont généralement le statut d’indépendants et ils ont souvent des types différents de financement liés à leurs activités. En casde surendettement, la gestion des problèmes par les centres de médiation de dettes wallon n’est pas aisée vu la complexité des situations et l’importance des montants enjeu.
Pour approcher la pauvreté des agriculteurs wallons, le chercheur s’est attaché moyennant un certain nombre de croisements statistiques et extrapolations, à connaître lenombre de ménages agricoles dont le revenu familial ou comptable serait égal ou inférieur à 400.000 FB/an, soit plus ou moins l’équivalent du minimex. Il fallaitdonc une autre source que celle des services sociaux2. Il disposait ainsi d’un certain nombre de données économiques et fiscales du Centre d’économie agricole et notamment del’évaluation de ce qu’on appelle la « marge brute standard » (la MBS) qui correspond à la valeur de la production animale ou végétale moins les coûtsoccasionnés pour l’obtenir. Sachant qu’une MBS correspond +/- à 400.000 FB de revenus comptables, le chercheur a pu conclure qu’environ 25% des ménages liés à uneexploitation professionnelle ont un revenu familial inférieur ou égal à cette somme. Le recours aux statistiques fiscales de l’Institut national de statistiques a permisd’établir qu’il y avait une corrélation entre les 400.000 FB de revenus comptables et 250.000 FB de revenus fiscaux.
L’enquête a également permis de démontrer que c’était dans les fermes viandeuses ou mixtes que le phénomène était le plus perceptible et dèslors dans le Sud-Est belge où ces types d’exploitations sont les plus répandus. Autre constat : les isolés (veufs, célibataires, divorcés) qui représententun quart des titulaires sont également dans le peloton de tête de la précarité.
On peut donc aujourd’hui réellement parler de pauvreté dans le monde agricole.
Il n’empêche que les chiffres doivent être interprétés avec prudence, notamment parce qu’ils ne permettent pas de se prononcer sur l’ampleur exacte duphénomène. La conclusion selon laquelle « 25% des exploitations agricoles produisent un revenu inférieur à 400.000 FB ne signifie pas forcément que 25% desagriculteurs sont pauvres. » Le pourcentage de ceux-ci peut être plus ou moins élevé pour deux raisons :
> On ne sait rien des revenus totaux du ménage des familles d’agriculteurs. Les prestations sociales, comme les allocations familiales ou les bourses d’étude, ainsi que les revenusdu patrimoine n’y figurent pas.
> Ces chiffres ne fournissent aucune information sur la composition des ménages. Or, c’est un critère essentiel pour évaluer la pauvreté.
Forte de ces premiers constats, la FRB souhaite qu’un observatoire de la pauvreté en agriculture se mette en place. De son côté, comme elle l’avait fait en 2000, la Fondationlance un appel à projets pour 2001 en région wallonne. 5 millions sont réservés pour cette opération. Une aide financière maximum de 500.00 FB pourrasoutenir des initiatives qui peuvent apporter une réponse concrète aux problèmes vécus par les agriculteurs3.
1 Étude du professeur E. Van Ecke, pauvreté et revenus des agriculteurs wallons. Disponible gratuitement sur simple appel téléphonique au 070 23 30 65.
2 L’enquête du professeur Van Ecke porte sur les exercices comptables 1997 et 1998. Les résultats n’ont donc pas été influencés par les crises de la dioxine et de lavache folle. On peut imaginer qu’ils seraient pires encore sur les exercices comptables 1999 et 2000.
3 Les candidatures doivent être introduites au moyen d’un formulaire à demander à la Fondation (070 23 30 65) ou à télécharger sur le site : http://www.kbs-frb.be
Archives
"Un quart des ménages agricoles wallons frôlent la précarité"
catherinem
12-03-2001
Alter Échos n° 93
catherinem
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