Bruno Gilain, directeur de Convivial, nous livre sa vision de l’après-colloque. Pour lui, il faut partir des communautés pour apporter des réponses concrètes.
Alter Echos : Du colloque, il ressort surtout qu’il n’existe presque rien – mis à part quelques initiatives locales – concernant la prise en charge des migrantsâgés pour bien vieillir et mourir en Belgique. Que retirez-vous du colloque et qu’allez-vous faire ensuite ?
Bruno Gilain : Ce qui m’est resté, c’est qu’il n’y a pas grand-chose de concret, de structuré sur le terrain, en lien avec notre préoccupation. Notrepréoccupation est de créer quelque chose de concret. Et nous avons identifié deux pistes intéressantes. La première, qui nous paraît la plus pertinente, aété développée en atelier lors du colloque : c’est développer un réseau de la même communauté. Ses membres pourraient servir de passeurs,des personnes-relais bénévoles avec les personnes qui seront hébergées en maisons de repos, en sachant qu’il y a des enjeux en matière de langue, dereprésentations culturelles (âge, corps, relation), de nourriture, de rites funéraires… Les maisons des repos sont un exemple, car ces personnes-relais pourraientdéjà les visiter ici à Convivial. Cela reviendrait en quelque sorte à récréer un réseau d’aidants proches, vu que ces personnes n’ont pas de familleici. Et cela conviendrait aussi dans le cadre d’un maintien à domicile. La personne-relais serait médiatrice dans une institution et dans la vie. On s’est dit qu’on devrait travailleravec une communauté culturelle donnée pour faire émerger ce genre de projet, en se basant sur le principe de la communauté d’intérêts. Convivial serait lecadre.
La deuxième piste, c’est l’idée que l’on avait au départ, à savoir mettre en place une formule d’habitat solidaire. On pourrait par exemple trouver deux ou trois placesdans un même logement social pour éviter que ces personnes soient isolées, qu’elles trouvent un logement accessible… Nous mettrions alors en place un partenariat. Il faudraitaussi trouver des personnes-relais. La bonne nouvelle, c’est qu’on a obtenu un poste ACS habitat solidaire pour soutenir ce type de projet.
AE : Vieillir et mourir ici se vit différemment que l’on ait choisi l’exil ou qu’on y ait été contraint…
BG : Nous, on travaille surtout dans l’exil contraint, vu que notre public est constitué de réfugiés. Il y a toute une série de différences àprendre en compte : la distance avec la famille, le traumatisme lié à l’exil… Si les migrants peuvent retourner vieillir et mourir chez eux, ce n’est pas le cas avec lesréfugiés. A un moment donné, Convivial pourrait être amené à établir un partenariat privilégié avec une, deux ou trois résidencesparticulières et faire ce que l’on envisage avec les personnes-relais pour travailler sur les rites funéraires. C’est quelque chose à envisager. Par rapport aux migrants, il ydes paramètres en plus à prendre en compte. Ceci dit, pour toute personne âgée, se retrouver loin de chez elle, c’est une forme d’exil. Il y a une perte des repères,des meubles… Dans le cas qui nous concerne, il aussi le rapport à la langue à prendre en compte.
AE : Quelles sont les initiatives intéressantes à faire connaître, à tenter de répliquer?
BG : Pour n’en citer que quelques-unes, je dirais qu’il y a le projet du CPAS de Mons, qui a fait tout un travail de mobilisation d’une communauté [italienne] pour faireémerger des aidants-proches. Il y a aussi Versailles Senior [une cité sociale située à Neder-Over-Hembeek (Bruxelles)], qui croise l’accessibilité financièred’un logement social et une dynamique de vie communautaire. Un autre projet qui a émergé lors du colloque, c’est la volonté de l’Union chrétienne des pensionnés(UCP) – qui reconnaît travailler essentiellement avec des Belges – de s’ouvrir au public des migrants. Or, nous, à Convivial, nous avons un parcours pédagogique desensibilisation et d’information à la réalité des réfugiés. Nous avons proposé à l’UCP une immersion et ils sont preneurs. Enfin, dans notredémarche, et de par notre ancrage local, nous avons aussi commencé à réfléchir à des rencontres avec un groupe de mamies – présentes chezConvivial – à propos d’un projet d’un centre de jour pour personnes âgées qui devrait voir le jour à deux pas d’ici dans le cadre du contrat de quartier« Primeurs-Pont de Luttre » à Forest.
AE : Certaines personnes ont évoqué un problème de sous-information… Comment pallier au problème d’accès à l’information en général età la langue en particulier ? Comment toucher efficacement les migrants âgés ?
BG : Je n’ai pas de réponse toute faite. Mais j’espère qu’au plus les migrants vont devenir âgés, au plus la question va se poser et les migrants vont sestructurer. C’est d’ailleurs pour cela que l’on a été chercher l’information avec eux. Nous souhaitons tirer une fiche pédagogique à destination de nos travailleurs :les réfugiés âgés sont rares, mais nous avons décidé de capitaliser l’information les concernant. Par ailleurs, il est prévu qu’il y ait des bureauxd’intégration où le primo-arrivant aura accès à toutes les informations nécessaires. J’aimerais qu’il y ait une information claire pour les personnesâgées dans ces bureaux.
AE : Vous ne demandez pas aux politiques de mettre des choses en place.
BG : Nous avons plutôt envie de nous tourner vers le terrain pour faire avancer des projets, car il faut structurer les choses à partir du terrain. Il y a aussi le projetde structuration de communautés sur lesquelles nous misons. Nous n’en sommes pas au stade de positions politiques très claires. Nous nous sentons engagés et nous avons enviecréer des choses concrètes pour apporter des réponses.