En Flandre, au moins deux sociétés d’Europe de l’Est sont actives depuis peu dans les soins à domicile. Le secteur crie au dumping et le ministre Jo Vandeurzen a mis sesservices d’inspection sociale sur l’affaire.
La société Personal Service Ost-West emploie essentiellement des aides-soignantes polonaises. SeniorCare 24 emploie du personnel bulgare. Chacune de ces sociétés auraitenviron vingt-cinq clients sur le sol belge. Pour respectivement 1 390 et 1 870 euros par mois, le client est pris en charge à domicile vingt-quatre heures sur vingt-quatre comme il le seraitdans une maison de repos : son linge est repassé, ses courses sont faites, on lui prépare à manger et on l’aide même à s’habiller. Le prix est donc nettementinférieur à celui payé pour des prestations équivalentes dans la plupart des maisons de retraite, avec l’avantage indéniable pour le senior de continuer àvivre chez lui. En revanche, selon un représentant de Personal Service Ost-West, la rémunération offerte aux aides-soignantes est très attirante par rapport à cequ’elles pourraient gagner dans leur pays d’origine. Une troisième société, Stichting Home Care, opère également sur le territoire belge – avec du personnelpolonais et slovaque – depuis les Pays-Bas.
Pour le ministre flamand de l’Aide sociale, Jo Vandeurzen (CD&V), cette nouvelle forme d’aide sociale pose question. Il a demandé à l’inspection des soins flamande devérifier si les entreprises concernées respectaient bien toutes les règles en vigueur dans le secteur. « Tous ceux qui prodiguent des soins à domicile sur une baseprofessionnelle doivent disposer de qualifications bien précises », a-t-il déclaré au « Standaard ». « Les aides-soignants étrangers doiventdisposer des mêmes diplômes que leurs collègues flamands travaillant dans des services d’aide aux familles et de soins à domicile. » Jo Vandeurzen a encoreprécisé qu’ils devaient également être inscrits à l’organisme de tutelle du secteur, la Vlaams Agentschap Zorg en Gezondheid. En cas de non-respect de cesrègles, les sociétés incriminées risquent une amende de 5 000 euros.
De plus, si la société SeniorCare 24 possède des bureaux à Herentals, son concurrent Personal Service Ost-West n’opère que depuis l’étranger. Or,juridiquement, pour pouvoir employer du personnel sur le marché belge en conformité avec la règlementation européenne, une société doit disposer d’unefiliale en Belgique.
Dérive ?
Pour Jo Vandeurzen, « ce flou artistique n’est pas tolérable dans le secteur des soins. Ces prix irréalistes créent une distorsion de concurrence. » Il estime enoutre que cette évolution n’est pas sans poser des problèmes éthiques. « En Roumanie, par exemple, le gouvernement a beaucoup investi dans la formation des infirmiers. Ceserait cynique de commencer à les enlever à un pays où les besoins en personnel médical sont bien plus criants qu’en Flandre. Je comprends que beaucoup de gens soienttentés par une aide à temps plein par des aides-soignants venus d’Europe de l’Est, mais ce genre de réflexe individualiste n’est pas bon pour notre société.»
Dans le même esprit, Luc Van Gorp, président de la Croix Jaune et Blanche, souligne que les sommes demandées par ces sociétés qui poursuivent « desobjectifs purement commerciaux » ne sont pas négligeables alors que « notre politique reste de maintenir gratuits les soins de base ». Pour lui, « il ne s’agit pasd’avoir peur que des Polonais ou des Bulgares nous prennent notre travail. Mais un pays doit être en état de prendre soin lui-même de ses citoyens. »
Silvia Muller, la directrice de SeniorCare 24, réfute quant à elle tous ces arguments éthiques : « Nous faisons le travail sale et difficile que vous ne voulez plusfaire », estime-t-elle. « Et il s’agit d’une fonction critique, nous ne prenons de toute façon le travail de personne. »
Reste encore la question de la barrière de la langue, un autre argument soulevé par le ministre. La plupart de ces nouveaux aides-soignants étrangers ne parlent pratiquementpas le néerlandais. Pour Silvia Muller, ce n’est pas un réel problème : « c’est avant tout la chaleur et l’amour qui comptent ». Par contre, elle reconnaît queles habitudes culinaires différentes posent parfois problème et estime que dans l’avenir « elle devra apprendre à son personnel à « cuisiner belge » ».
D’après De Morgen et De Standaard