«Les gouvernements se sont mis en ordre de marche avec les acteurs de la société civile et ce qui semblait une utopie ces dernières années s’est produit: les rues se sont vidées des sans-abri, avec des nuances selon les pays.» La Feantsa (Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abri) et la Fondation Abbé Pierre, lors de la présentation le 23 juillet dernier de leur «5e regard sur le mal-logement en Europe», constataient qu’un peu partout en Europe, en quelques semaines à peine, la plupart des personnes à la rue ont été mises à l’abri alors que la pandémie du Covid-19 battait son plein et que la majorité d’entre nous nous calfeutrions dans nos maisons et appartements.
Étonnant? Peut-être pas tant que cela. Car la problématique du sans-abrisme est de longue date principalement gérée sous le prisme de l’urgence. Aux chutes annuelles des températures, on répond par des plans hiver ou autres plans grand froid. Les «crises» migratoires sont «solutionnées» par l’ouverture passagère de nouvelles places en centres d’accueil et par les bonnes volontés citoyennes. Avec la crise sanitaire, nombre de dispositifs humanitaires et temporaires ont vu le jour. L’action d’urgence, tant publique que privée, a pour habitude de combler les trous que l’on a laissés se former dans nos filets de sécurité, de panser les maux sociaux voire de se révéler un outil de communication efficace pour montrer que l’on agit – et qu’importe, finalement, les résultats de cette action sur le long terme.
Aujourd’hui, alors que des dispositifs temporaires mis en place pendant la période de confinement touchent à leur fin et que d’autres sont prolongés provisoirement, l’enjeu, pour les pouvoirs publics, consiste à (re)prendre à bras le corps leurs intentions de mettre fin au sans-abrisme grâce à des politiques structurelles dans le champ de l’action sociale, mais aussi du logement – car sans prévention des expulsions locatives d’un côté, sans accessibilité à des logements dignes et abordables de l’autre, rien ne sert de courir. Des politiques structurelles souvent annoncées, moins souvent mises en oeuvre.
Le sans-abrisme recouvre une réalité multiple. Sa gestion et sa prise en charge par le monde politique et le secteur associatif en Belgique francophone le sont tout autant. Ce numéro hors-série d’Alter Échos, constitué à partir de plusieurs années d’archives de notre revue, fait le point sur ces questions, sur les débats qu’elles soulèvent et sur les innovations qui surgissent dans le travail social.
Et si la Feantsa et la Fondation Abbé Pierre se sont félicitées des solutions – souvent inédites, c’est vrai – mises en place par les États et les acteurs de la société civile au printemps dernier afin de mettre à l’abri les personnes qui en étaient dépourvues, ces associations ont aussi regretté la criminalisation dont nombre d’entre elles ont été l’objet dans l’espace public en période de «lock-down». À Bruxelles notamment, migrants en transit et autres sans-abri ont parfois été poussés à «marcher 20 à 30 km par jour, chassés d’un endroit à l’autre vu les interdictions d’ ‘être’ dans l’espace public», explique ainsi François Bertrand, directeur de Bruss’Help, dans l’interview d’entrée de ce numéro, réalisée cette fin du mois d’août. Une «chasse aux SDF» tout aussi ancienne que la pitié fondant la politique d’urgence sociale et qui est dénoncée par le collectif Design For Everyone dont vous trouverez, attachée dans ce numéro, la «Brussel’s Prout Map», une carte répertoriant une quarantaine de dispositifs de mobilier urbain «anti-SDF» à Bruxelles.
Découvrez et téléchargez, en accès gratuit, notre hors-série «Un toit pour tous. Et pour toujours».
L’Agence Alter, Articule asbl, Bruxelles-Laïque, le Colectivo Garcia Lorca & Zin TV s’associent pour vous proposer une conférence-débat en ligne:
«LA VILLE VOUS APPARTIENT. COMBATTRE L’ARCHITECTURE DU MÉPRIS»
Dans un contexte de précarité croissante, renforcée par la crise sanitaire que nous traversons actuellement, l’espace public demeure l’ultime refuge pour les exclu.e.s de la société. Rejetées de toutes part, ces personnes à la marge n’ont d’autre choix que de « faire vie » dans un espace a priori ouvert à tou.te.s: l’espace public. Mais la ville, parfois lieu de rencontres et de cohésion, est aussi un espace de contrôle, agissant avec violence à l’égard de ses habitant.e.s. Du mobilier urbain tout sauf convivial aux dispositifs anti-sdf, des législations contraignantes et parfois absurdes accentuent davantage les inégalités: notre manière de penser l’espace commun est en constante mutation, pour le meilleur comme pour le pire.
Cette conférence-débat se veut réflexion multi-facettes sur la thématique, avec, au centre des échanges, Mickaël Labbé, philosophe et auteur de Reprendre place – Contre l’architecture du mépris.
Elle sera diffusée en streaming-live par l’équipe de ZIN TV sur Facebook le vendredi 16 octobre à partir de 18h30 & se clôturera vers 20h30.
L’occasion pour nous de vous présenter :
-> la Brussel’s Prout Map de Design for Everyone, une carte de Bruxelles pas comme les autres, qui répertorie toutes les installations de mobilier urbain aberrantes dans l’espace public.
-> le hors-série que consacre le magazine Alter Échos au sans-abrisme.
Suivez-nous sur la page de l’événement. «Venez» nombreux.ses, parlez-en autour de vous, faites tourner l’invitation!