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Regard critique · Justice sociale

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"Une analyse de la formation en alternance au Québec et en Communauté française"

10-09-2001 Alter Échos n° 104

Pierre Doray et Christian Maroy ont récemment publié un ouvrage intitulé La construction sociale des relations entre éducation et économie. Les cas desformations en alternance en Wallonie et au Québec1. Depuis quelques années, ils constatent un rapprochement entre les mondes de la formation et de la production. Les auteurs cherchentà comprendre cette tendance, en analysant la formation en alternance – une de ses composantes – dans deux contextes socioculturels différents, le Québec et laCommunauté française. Ils partent du point de vue que ce mouvement est dû non seulement à la résultante d’évolutions structurelles, mais aussi à untravail entre acteurs s’inscrivant dans des formes spécifiques selon le contexte sociétal, les formes institutionnelles et les acteurs spécifiques.
L’ouvrage décrit d’abord les recherches portant sur les « relations formation/emploi ». Il s’attache ensuite aux cadres institutionnels et analyse enfin quatre projets sur le terrain pourdéterminer des constats transversaux et des spécificités.
Tant au Québec qu’en CF, l’alternance est présentée comme un moyen de soutenir l’insertion professionnelle des jeunes (spécialement des jeunes en difficulté) enleur assurant une expérience concrète de travail et comme une façon d’améliorer la qualité deýformation et sa pertinence par rapport au marché dutravail. Les deux systèmes scolaires voient leur clientèle évoluer différemment. Au niveau secondaire, la formation professionnelle chute fortement au Québec etaugmente en Communauté française (en raison de la prolongation de la scolarité obligatoire). Le Québec utilise les institutions locales avec un système d’aides etde contraintes. La CF a mis en place de nouvelles institutions, les CEFA, et de nouvelles conventions comme la “Charte de formation en alternance”. Salarié au Québec, lestagiaire reste étudiant en CF.
Dans les deux sociétés, les entreprises ne sont pas sollicitées directement par les pouvoirs publics. Le mouvement dépend donc largement du volontariat des enseignants.L’absence de contrainte sur les entreprises, ajoutée à la dépendance des établissements scolaires face aux entreprises, explique en partie la faiblesse del’emprise des institutions scolaires sur les entreprises qui sont, dans la pratique, relativement libres d’organiser le contenu des stages.
En outre, l’alternance influence peu l’organisation de l’enseignement. Idem pour l’entreprise qui conçoit davantage le stage dans une optique d’intégration de l’élèveà l’entreprise que dans celle de sa formation. Le risque est réel de voir confiner les stagiaires dans des tâches routinières et moins qualifiées. En revanche, lesétudiants évoluent, dans leur identité et dans leur relation avec les enseignants, et deviennent eux-mêmes un facteur de changement.
Bref, les écoles et les entreprises « se rapprochent mais sans se rapprocher ». Peu d’ajustements organisationnels sont mis en place pour effectivement réaliser ce rapprochement. Lesaccords avec les entreprises, soumises aux conditions économiques et à leurs fluctuations, sont continuellement à (re)construire avec un risque de démotivation desenseignants. Des règles institutionnelles n’enrayeraient cette tendance que partiellement. Il faudrait investir davantage de ressources auprès des entités scolaires locales pourleur permettre de faire face à cette remise en cause continuelle.
Avec des écoles en logique de concurrence, reste un enjeu de taille : l’arbitrage entre ce qui doit être commun aux programmes – qui garantit la valeur du diplôme – etce qui doit répondre aux caractéristiques locales ou régionales du marché du travail. Le développement de l’alternance conduira vraisemblablement à reposerce problème d’arbitrage.
1 Pierre Doray et Christian Maroy, La construction sociale des relations entre éducation et économie. Les cas des formations en alternance en Wallonie et au Québec, Bruxelles, DeBoeck, 2001.

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