Alter Echos a évoqué dans son précédent numéro le volet pénal de la justice des mineurs en France1. Celui-ci peut, si la situation le demande,être doublé d’une assistance éducative qui permet de mieux comprendre la situation du mineur délinquant et de favoriser ainsi son insertion.
Invité il y a peu dans l’émission Ce soir ou jamais sur France 3, présentée par Frédéric Taddei et consacrée àl’abaissement de la majorité pénale à seize ans, Christian Estrosi – député-maire UMP de Nice – reprenait un exemple déjàdonné par Nicolas Sarkozy il y a plusieurs années : n’est-il pas ridicule de présenter à un juge pour enfants un gaillard d’1 mètre 90 quifrappe une vieille dame à terre ? C’est là, selon le principe de la bouteille à moitié pleine ou à moitié vide, avoir de la suite dans lesidées ou manquer singulièrement d’imagination. Cela élude surtout le vrai débat : la justice des mineurs n’est pas affaire de sensationnalisme, maiss’inscrit dans la durée et la prévention. C’est la raison pour laquelle la justice française permet au mineur délinquant de bénéficier, lorsquesa situation personnelle le nécessite, d’une procédure d’assistance éducative.
Les articles 375 et suivants du Code civil déterminent la nature de l’assistance éducative, décrite ainsi dans sa définition générale :« Si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur sont en danger, ou si les conditions de son éducation, de son développement affectif,intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être prises. » Cette procédure, d’une durée maximale dedeux ans (renouvelable toutefois sur décision motivée) peut concerner n’importe quel mineur, qu’il soit délinquant ou pas. Elle est toujours prononcée par unjuge des enfants, qui en fixe toutes les modalités pratiques. Le plus souvent, il s’agit de mettre en place un suivi du mineur par une personne qualifiée (un éducateurspécialisé), chargée de l’aider au quotidien, de recréer des liens souvent distendus entre lui et sa famille, ou de le guider dans une recherche de stage oud’insertion professionnelle s’il se trouve en situation de déscolarisation. Le but est donc ici de (re)créer du lien familial ou social, afin que l’adolescent retrouvedes repères stables. Un objectif qui ne peut s’accomplir dans la rigidité : « Le juge s’efforce au maximum d’obtenir l’adhésion de lafamille, explique Maître Caroline Meunier, avocate au barreau de Strasbourg. Il n’est pas souhaitable d’imposer les choses au forceps. Idéalement, il faut un consensus,même s’il n’est évidemment pas toujours possible. » Si la situation de danger l’impose, le mineur peut en effet à l’extrême fairel’objet d’une mesure de placement, soit chez des tiers (membres de la famille, par exemple), soit dans un établissement habilité. Dans une volonté permanente desouplesse et d’adaptation, le juge peut décider à tout moment de modifier ou d’adapter la mesure d’assistance.
Deux mesures distinctes
Dans le cas spécifique de mineurs délinquants, la mesure d’assistance peut être une étape décisive pour l’avenir de l’adolescent :« Cela représente une courroie de transmission entre la famille et la justice, explique Me Meunier. Cela permet aussi d’avoir une vision globale de la personnalité del’enfant. Tous les mineurs délinquants ne nécessitent pas un tel suivi, mais quand c’est le cas, celui-ci permet de mieux appréhender une solution ou d’adapterune peine. La délinquance chez un jeune est le plus souvent un signal d’alarme. » Adapter une peine ? L’assistance éducative ne vient donc pas remplacer levolet strictement pénal ? « Bien sûr que non. L’assistance éducative est décidée en parallèle à la procédurepénale. Elles font d’ailleurs l’objet de deux audiences distinctes. Il est important de comprendre qu’une telle mesure ne constitue en aucun cas un parapluie quiprotégerait d’une peine ou qui encouragerait le sentiment d’impunité. » L’assistance éducative représente avant tout un travail de fond dontles résultats se mesurent souvent à long terme et ne sont, de l’aveu même des professionnels, pas toujours spectaculaires : « On ne dénoue pasfacilement certains nœuds, estime Me Meunier… Mais les juges, les éducateurs et les avocats y travaillent en cohérence. C’est un travail parfois ingrat, mais qui aplus que jamais tout son sens. »
1. Voir Alter Echos n° 308 du 23 janvier 2011 : « Justice des mineurs en France : l’éducatif avant tout »