Petit rappel. Depuis 2015, la distribution de journaux (presse quotidienne) et des magazines (presse périodique) est réalisée par Bpost dans le cadre d’une concession de services attribuée par l’État belge. Pour cette mission, Bpost recevait un subside de 175 millions d’euros garantissant un tarif de distribution abordable. En 2022, cette subvention a été rabotée de 50 millions. À la suite du nouvel appel d’offres, ce sont deux autres acteurs (PPP pour la presse quotidienne et Proximy pour la presse périodique) qui sont pressentis pour remporter le marché.
Si une préférence a été donnée par l’administration, le choix définitif, politique, lui, se fait attendre avec son lot d’incertitudes. Aujourd’hui, il nous apparaît que la situation d’urgence pourrait entraîner des décisions prises à l’emporte-pièce, sans consultation de l’ensemble du secteur, sans prendre en compte les spécificités des différents médias. Les informations les plus contradictoires circulent, allant d’un scénario où le financement serait réattribué à la presse (mais aucune des pistes bricolées dans l’urgence ne rencontre les besoins des acteurs) jusqu’à, encore une fois, l’option d’un abandon pur et simple de la concession. Cette option n’est pas acceptable pour l’ensemble de nos magazines. La presse indépendante et/ou associative réclame un maintien de la concession pour plusieurs raisons.
- La concession, signée pour une période de 5 ans, permet aux périodiques d’évoluer dans un cadre plus ou moins sécurisé, avec une politique tarifaire partagée. Même si celle-ci peut être indexée en cours de route, elle permet d’établir des budgets prospectifs. C’est vital pour établir des perspectives budgétaires solides face à une situation économique tendue dans notre secteur en crise.
- Cette concession désigne un opérateur de référence qui est tenu de rendre un service formaté à nos différents médias. C’est la seule option pour des petites structures qui n’ont pas le poids ou les moyens de se lancer dans des négociations économiques fastidieuses. Toujours d’un point de vue logistique, la concession permet de s’appuyer et de travailler avec un partenaire sûr qui est redevable de la bonne distribution dans un périmètre clairement défini. Ce maillon est essentiel dans la diffusion du travail fourni par les rédactions.
- Cette concession garantit un service et un prix identique pour tous les citoyens, toutes les citoyennes, qu’ils ou elles habitent dans des zones rurales ou urbaines.
- Sans cette concession, au-delà de la bonne marche de nos magazines, c’est aussi l’information diffusée auprès des citoyennes et des citoyens qui pourrait être mise à mal. Et, à travers elle, c’est la vitalité démocratique de notre pays qui se retrouverait en danger. La diversité des titres permet en effet d’augmenter le nombre de points de vue, l’éventail des approches journalistiques, les propositions de sujets et d’analyses. Bref, de nourrir l’esprit critique, d’entretenir l’éveil à la citoyenneté.
- Ne pas soutenir la diffusion des magazines papier, c’est alimenter les conséquences de la fracture numérique et se passer d’un média qui favorise une lecture qualitative. Tout le monde n’a pas accès aux supports digitaux. Proposer des magazines, c’est permettre aux victimes de cette fracture de s’informer sans tablette, smartphone ou ordinateur portable. C’est pour cette raison, qu’une éventuelle transformation de cette aide à la distribution en aide à la numérisation est, dans l’état actuel, non souhaitée. Nous refusons de diminuer notre accessibilité, de faire le deuil d’une exigence démocratique et d’un projet de société où on ne laisse pas de côté les plus vulnérables.
Les magazines refusent d’être une victime collatérale
En conclusion, alors qu’une décision doit être prise par le gouvernement fédéral, il est impératif de réfléchir sur le principe d’une concession qui permet d’avoir un cadre fixe et sécurisant. Il serait catastrophique d’évacuer cette réflexion au seul bénéfice d’une sortie de crise, décision qui ferait des magazines les victimes d’un imbroglio auxquels ils sont étrangers. Pour certains titres, cela signerait la fin des activités. Dans cette perspective, il nous semble impératif d’entendre les médias alternatifs qui contrairement à de gros groupes de presse ne disposent pas de grands moyens logistiques ou de négociation, mais informent néanmoins, au fil des mois, des dizaines de milliers de lecteurs et de lectrices qui méritent d’être pris en considération. La presse doit être défendue dans toute sa diversité (tirage, publics…) pour préserver sa dynamique démocratique et son équilibre économique.
La nouvelle concession devait être opérationnelle en janvier 2024. L’absence de décision en ce début décembre est tout bonnement insécurisante et nous empêche de nous projeter dans la réalisation des prochains numéros de nos périodiques. Plus le temps passe, plus les magazines risquent de se retrouver au pied du mur sans solution, les plaçant dans une situation intenable. Nous demandons que le gouvernement nous reçoive afin que nous puissions lui présenter nos réalités avant qu’il ne décide de prendre une mesure qui pourrait mener à la disparition de certains titres de presse.
Les signataires :
Alter Échos
Axelle
CNCD – 11.11.11
Démocratie
Dimanche
En Marche
Fédération des Services Sociaux
Gresea Échos
Imagine
La Ligue des familles
Le Ligueur
Les Grignoux
L’Esperluette
Médor
Présence et Actions Culturelles
Réseau wallon de lutte contre la pauvreté
Revue Nouvelle
Santé Conjuguée
Solidaris Magazine
Symbioses
Tchak
Vie féminine
Wilfried