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Regard critique · Justice sociale

Aide à la jeunesse

Une journée en IPPJ

L’IPPJ de Wauthier-Braine accueille 52 jeunes «délinquants». Tous ont commis des «faits qualifiés infractions», selon l’appellation officielle. L’institution nous a ouvert ses portes. Reportage.

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L’IPPJ de Wauthier-Braine accueille 52 jeunes «délinquants». Tous ont commis des «faits qualifiés infractions», selon l’appellation officielle. L’institution nous a ouvert ses portes. Reportage.

Sept jeunes en sueur bêchent sans enthousiasme. Ils préparent le potager de l’institution publique de protection de la jeunesse (IPPJ) de Wauthier-Braine, ce lieu où 52 mineurs ayant commis des «faits qualifiés infractions» sont placés pour des durées variant de 15 jours à parfois plus d’un an. Ils sont envoyés dans ces structures après des vols, des agressions, des braquages et autres forfaits.

À quelques pas du potager, des serres abritent des centaines de fleurs. L’horticulture et la menuiserie sont les deux activités qui mobilisent les jeunes pendant leur placement. «Notre but est de remettre ces jeunes dans une dynamique de travail, explique Didier Delbart, le directeur de l’IPPJ. Ils réapprennent la régularité, la ponctualité et gagnent un petit surplus d’argent de poche grâce aux tâches qu’ils doivent prester.»

«Le but de ces placements est que le jeune puisse réfléchir à ses actes et adapter ses comportements.» Didier Delbert.

L’IPPJ de Wauthier-Braine est composée d’une section ouverte de 42 places et d’une section fermée d’une capacité de dix places. Cette dernière répond au doux nom de Soder, pour Service d’observation et de développement émotionnel et relationnel.

Légalement, le placement en IPPJ n’est pas considéré comme une sanction. Il s’agit en théorie d’une mesure éducative. Une réaction de la société face à la délinquance juvénile. La Belgique francophone compte six IPPJ d’une capacité de 363 places. «Le but de ces placements est que le jeune puisse réfléchir à ses actes et adapter ses comportements», explique Didier Delbart.

Le directeur pense que l’on devrait davantage miser sur la prévention ou sur des offres restauratrices pour éviter les placements. «Mais il y a des jeunes pour lesquels ce temps d’arrêt, hors du milieu de vie, hors de la bande, est indispensable, ajoute-t-il. Ils peuvent ainsi montrer leur capacité à évoluer, à se poser des questions.»

Lors de leur passage en IPPJ, les jeunes sont en contact avec l’équipe éducative, qui tente de comprendre leur parcours de vie, si souvent chaotique, aux souffrances multiples. Ils évoquent les faits qui les ont conduits entre ces murs. Olivier Caucheteur est responsable pédagogique en Soder. Il insiste sur le «respect» qui est dû à ces jeunes. «On n’excuse pas leur comportement, mais il peut nous arriver de le comprendre lorsqu’on voit l’état de certaines familles, dit-il. Des enfants sont rejetés, abandonnés par leurs parents.»

L’enfermement crée des étincelles

Chaque lundi, des représentants des services de l’IPPJ se réunissent à 10 heures. On parle des arrivées et des départs de jeunes. De l’organisation interne de l’institution et des difficultés collectives. On évoque le cas d’un fugueur, retrouvé à l’hôpital Brugmann. «Les fugues sont assez courantes», explique le directeur.

Lorsqu’un jeune fuit, le personnel tente de le rattraper jusqu’à la grille, mais pas plus loin. «La fugue n’est pas un délit et c’est un milieu ouvert après tout», détaille Georges Renard, chef éducateur dans la section fermée.

Pour certains jeunes au bord de l’explosion, la fugue devient une sorte de sas de décompression. Une carte impossible à jouer pour les jeunes placés en Soder, car la section est fermée, entourée d’une barrière réputée infranchissable, de six mètres de haut… «Ici, en Soder, les jeunes ne peuvent pas du tout partir. Il faut gérer le problème. Cela fait parfois des étincelles», ajoute le chef éducateur. Les étincelles, ce sont les violences entre jeunes ou à l’égard des éducateurs.

«C’est un métier difficile, enchaîne Georges Renard, car la situation peut exploser, il faut savoir répondre quand un jeune entre en crise.» À parler de «réponses», il s’agit notamment du régime de sanctions, parfois caractérisé par l’isolement.

Le jeune est alors confiné dans une section appelée «relance». Un lieu «où l’on entame un travail avec le jeune, que l’on écarte du groupe», déclare Didier Delbart. Ce lieu contient cinq chambres, dont deux «sécurisées».

En Soder, la sanction ultime, c’est la cellule d’isolement. Une pièce spartiate de quelques mètres carrés munie de toilettes et d’un lavabo rouillés, ainsi que d’un lit en fer (un matelas est fourni lorsque le jeune s’est calmé, nous dit-on). «Mais le recours à l’isolement ne cesse de diminuer», affirme Didier Delbart. La pratique est de plus en plus cadrée. Lorsque le nouveau décret de l’Aide à la jeunesse sera d’application, le placement en cellule d’isolement sera limité à trois jours au lieu de huit actuellement.

«La situation peut exploser, il faut savoir répondre quand un jeune entre en crise.» Georges Renard.

Après l’IPPJ, des jeunes livrés à eux-mêmes

Il est midi dans la section Soder de l’IPPJ. Les jeunes sont contraints de goûter à un étrange plat: des coquillettes aux ananas. «Les repas, c’est pas le fort de l’IPPJ!», lâche un jeune homme rigolard. Les discussions vont bon train. L’un des jeunes confie sa vision des IPPJ, qu’il fréquente régulièrement. Autant dire qu’il est sceptique concernant les vertus du système: «Ici, cela peut aider quand on a fait une réflexion sur soi-même. Sinon vous en profitez pour vous reposer et pour réfléchir à la façon de mieux réussir certains faits. Les éducateurs ne se rendent pas compte de ça. Et puis on rencontre des gens bien pires. Je suis rentré pour bagarre et je suis revenu pour braquage.»

Didier Delbart reconnaît que les effets de «contagion» existent pour des jeunes qui côtoient en IPPJ de plus durs qu’eux. Mais le principal problème que soulèvent le directeur et son personnel, c’est le retour dans la vie «normale». «Ils ont un cadre ici, explique Olivier Caucheteur. Quand ils sortent, ils sont livrés à eux-mêmes, à leurs anciennes fréquentations. La récidive est possible.» L’importance du suivi, après l’IPPJ, est d’ailleurs soulignée par le directeur de Wauthier-Braine: «Le prolongement de notre travail, le suivi est à développer. Il semblerait qu’il y ait une volonté politique en ce sens.»

«Je suis rentré pour bagarre et je suis revenu pour braquage.» Un jeune de l’IPPJ.

Après le repas de midi, les jeunes vont en classe. Des cours de français, de maths et d’éveil sont prodigués dans l’institution. Certains enfants sont raccrochés au système scolaire à l’extérieur, avec le soutien de l’équipe enseignante de l’IPPJ. Un sujet compliqué. La direction estime que 50% des jeunes placés n’ont pas eu leur certificat d’études de base (CEB). Beaucoup avaient décroché avant de commettre des actes de délinquance.

Aujourd’hui, la classe de Simon Christophe, enseignant à l’IPPJ, accueille deux élèves volontaires qui souhaitent passer leur CEB. Ils retravaillent les opérations de base que leur soumet leur prof. «Nous leur proposons un vrai travail individuel, dit-il. Car l’école, c’est l’une des clefs de la réinsertion.» Après l’école, les jeunes pourront faire du sport ou suivre une activité. Le soir, ils regarderont un film avant l’extinction des feux. Puis le lendemain, ils recommenceront.

Cédric Vallet

Cédric Vallet

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