Un mobile-home, une caravane. Des services sociaux partent à la rencontre des plus précarisés dans la région de Visé. Entre des habitants qui se méfientdes services sociaux et des services qui ne vont plus à leur rencontre, l’AMO et ses deux partenaires, recréent du lien.
Prendre un mobile-home pour aller à la rencontre des habitants des quartiers défavorisés de la commune de Visé, c’est l’idée originale qu’a eue leservice d’aide en milieu ouvert (AMO) Reliance1. Face à la relative désaffection des services sociaux par un public très précarisé, l’AMO aimaginé ce moyen pour renverser la donne : créer des partenariats avec des services sociaux pour qu’ils aillent à la rencontre de la population. Car pour ChristopheParthoens, directeur de l’AMO, « Les acteurs sociaux sont devenus des acteurs de bureau, sans savoir ce qu’il se passe dans les milieux de vie de leursbénéficiaires. »
En Basse-Meuse, aux alentours de Visé, il y a de bien nombreuses cités sociales. La population de ces quartiers, en zone semi-rurale, ne se déplace plus pour consulter lesservices sociaux, au contraire, elle s’en méfie comme d’une mauvaise toux. La grande précarité y est incrustée et la distance entre les différentes communes est unobstacle supplémentaire pour accéder à ces services.
L’idée d’aller à la rencontre des populations n’est pas neuve pour l’AMO Reliance qui pratique le travail de rue depuis plusieurs années déjà. Cinq communes ettreize quartiers de Basse-Meuse sont couverts par les travailleurs de l’AMO. En faisant le tour des quartiers et en prenant le temps de les comprendre, ils développent une connaissance pointuede la population.
« Ils n’ont pas un euro pour prendre le bus »
Le travail de rue porte ses fruits, Christophe Parthoens le sait d’expérience : « Grâce à ça, on touche des familles trèsprécarisées qui n’ont plus confiance dans le système, et il faut que ce public ait droit aux services. C’est grâce au lien de confiance qu’on touche les gens. »Le sentiment de rejet de ces populations est tangible, comme en témoigne Alexandre Carlier, coordinateur de l’asbl Racynes2, une organisation d’insertion sociale qui participe auprojet : « Les freins à la mobilité, dans ces villages, sont nombreux. Il y a la distance, mais il y a surtout l’impression de ne pas faire partie de lasociété. Et puis aussi, ils n’ont pas un euro pour prendre le bus. »
Lorsque la rencontre entre l’AMO et les habitants d’un quartier a abouti à un suivi individuel, l’assistant social constate vite que les problématiques de certaines familles sontmultiples et qu’il est nécessaire de relayer des situations vers d’autres services. L’enjeu est alors de mobiliser ces familles pour qu’elles se décident à franchir le seuil deservices sociaux spécialisés, malgré leurs réticences initiales. C’est pour relever ce défi qu’est né le projet d’équipe mobile.
Faire une permanence dans un bureau mobile
L’AMO met son mobile-home à disposition des services sociaux. « L’idée, c’est que chacun fasse la moitié du trajet, nous détaille Christophe Parthoens, on aun mobile-home, on propose aux travailleurs sociaux de venir dans le bureau mobile faire une permanence ou un atelier. » La population, dans son environnement, fait l’autre partie duchemin en acceptant d’entrer dans le mobile-home puis de discuter. Deux partenaires se sont manifestés. Le planning familial Erre-et-aime3 et Racynes, le service d’insertion sociale(SIS), qui s’est d’ailleurs doté de sa propre caravane. Un des objectifs, malgré tout, est qu’à la fin, le suivi individuel se fasse en bureau. Le mobile-home est donc un outilpour réintégrer les populations précarisées dans les circuits traditionnels.
Des bus pour se rapprocher des publics
L’idée de recourir au bus pour se rapprocher des publics n’est pas neuve. Dans un précédent numéro (Alter Echos n° 254 du 20 juin 2008 : Le buspour rapprocher l’action sociale de ses publics), nous avions inventorié divers projets wallons où professionnels du logement, de l’action sociale, de l’aide à la jeunesse, de lapetite enfance et de l’insertion recourent à ce moyen pour toucher leurs publics.
Plusieurs constats se dégagent de ces projets. Tout d’abord, ils se développent principalement dans des zones mal desservies par les transports en commun, autant en milieu rural quedans des quartiers urbains. Ensuite, ils ont parfois du mal à perdurer, car il faut entretenir le véhicule – qui est souvent acheté d’occasion – et le remplacerà terme. Et trouver l’argent nécessaire n’est pas toujours aisé. Car si les pouvoirs subsidiants trouvent l’idée originale, il n’est pas toujours acquis qu’ils soientprêts à soutenir le projet dans la durée. Il n’est pas rare que les associations s’adressent alors aux fondations privées.
Signalons toutefois que, dans la DPR wallonne, le gouvernement s’engage à « mettre en œuvre des services mobiles et des services publics décentralisés :bus santé, bus multiservices, bibliothèques, maisons de l’emploi, services d’aide juridique, guichets d’information, commissariats de proximité… »Peut-être, dans la foulée, la Région pourrait-elle prévoir un poste budgétaire spécifique pour le soutien aux investissements des services mobiles associatifsexistants ?
Baudouin Massart
« Ils ouvrent facilement leur porte »
Olivia Bodart, assistante sociale et psychologue du planning familial Erre-et-aime, estime que la plus-value d’un tel projet est « d’apporter de l’aide aux jeunes dans leur milieu devie ». Plusieurs permanences ont eu lieu à Lixhe depuis l’été. Cette présence en rue permet, selon elle, « de connaître les jeunes, de faireconnaître le planning et, éventuellement, de ramener certains jeunes chez nous pour un suivi multi-disciplinaire ». Si le public n’a pas encore répondu massivement,Olivia Bodart ne parle pas d’échec, bien au contraire, « on est content de ce travail car on s’est fait connaître. C’est sur le long terme que les effets se ferontsentir ».
Du côté de Racynes, on ne tarit pas d’éloges sur cette idée de mobilité des services sociaux. L’essence d’une association comme Racynes est de développerdes activités pour les personnes les plus exclues de la société. Alexandre Carlier estime qu’il était difficile de toucher ce public, « car ilsn’écoutent pas les médias traditionnels, ceux qu’on utilise. Il faut donc aller à leur rencontre ». C’est à Oupeye et à Lixhe que l’asbl adéboulé en caravane. L’équipe de Racynes a procédé par petites touches pour créer le contact avec la po
pulation. Une table et quelques chaises poséesen un lieu bien visible, des tasses de café et de la patience. Cette attitude a éveillé la curiosité de bien des habitants et les premiers contacts se sont noués.Le coordinateur de l’asbl ne cesse d’être surpris par les habitants, « quand on vient vers eux, la méfiance tombe, ils ouvrent facilement leur porte et on peut vite entamer untravail ». C’est souvent par de petits coups de main que tout commence, des gestes simples, comme l’affirme Alexandre Carlier : « Hier, on a aidé une familleà transporter une lessiveuse, ça démarre par du très concret, en mettant les mains dans la terre, les gens se confient. »
S’ancrer dans le quartier et aller à la rencontre des gens est une attitude qui inspire la confiance. Pour Christophe Parthoens, il faudrait aller plus loin, « par exemple, encherchant d’autres partenaires ». Avant de conclure, sûr de son fait : « Trop de services sociaux fonctionnent sur le mode « contrôle-aide ». Si des servicescomme le Forem étaient plus proches des gens, ça marcherait beaucoup mieux. »
1. Service d’aide en milieu ouvert Reliance :
– adresse : rue de la Prihielle, 4-6 à 4600 Visé
– tél. : 04 374 18 18
– site : www.amoreliance.ce
– courriel : info@amoreliance.be
2. Racynes :
– adresse : rue du Moulin, 65 à 4684 Harcourt
– site : www.cynorhodon.be/racynes/
3. Planning familial Erre et aime :
– adresse : rue Porte de Lorette, 1 à 4600 Visé
– tél. : 04 267 74 85
– courriel : erre.et.aime@gmail.com