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Economie

Un futur « converti » au sein de Finance Watch?

Créée pour contrecarrer les lobbies des institutions financières, Finance Watch s’est forgée une belle réputation à Bruxelles. Mais l’ONG, qui a vu son principal dirigeant démissionner, entretient le doute sur les nouveaux candidats au poste. Et sur son processus de recrutement.

09-10-2014
© Finance Watch

Depuis sa création, en 2011, le think tank Finance Watch s’est taillé une sacrée réputation à Bruxelles. Celle d’un « antidote » important au lobbying financier. En moins de trois ans, cette ONG financée en partie avec des subventions publiques, a réussi à démontrer son expertise technique et à faire entendre sa voix sur les questions de réglementation financière. Des « dossiers » particulièrement techniques, sur lesquels l’engagement de la société civile fait traditionnellement défaut.

Mais depuis la démission en mai, pour divergence d’opinions, de Thierry Philipponnat qui incarnait l’ONG depuis ses débuts au poste de secrétaire général, Finance Watch traverse une zone de… flou. En cause : l’opacité qui plane sur le recrutement de son nouveau dirigeant, les critères de sélection et, surtout, le nom des candidats au poste. Du coup, les rumeurs fusent, faisant planer un doute sur l’indépendance réelle de l’ONG.

En septembre, plusieurs sources indiquaient que Finance Watch pourrait voir débarquer à sa tête Guillaume Prache, actuel directeur général d’Eurofinuse et fils d’un ancien haut cadre de la BNP. Problème: Eurofinuse, la Fédération européenne des associations de défense d’actionnaires individuels et d’usagers de services financiers, « affiche clairement ses missions de lobbying et de défense des intérêts catégoriels des petits actionnaires à Bruxelles », relève la Lettre A, une lettre confidentielle sur la politique, l’économie et la finance. Si elle était fondée, cette désignation pourrait donner une orientation susceptible de museler l’ONG et mettre à mal son rôle de contre-pouvoir et de défense des consommateurs, s’inquiètent les syndicats et les associations de consommateurs, qui siègent au conseil d’administration de Finance Watch.

Le lobby bancaire va-t-il parvenir à infiltrer l’un de ses plus efficaces contradicteurs? « Ce risque est exclu! », assure à  Alter Échos  Benoît Lallemand, secrétaire général par intérim du think tank, plus connu pour son expertise que pour ses coups d’éclat militants. «Le secrétariat de Finance Watch est composé essentiellement d’anciens professionnels de la finance. Notre ex-secrétaire général avait, lui-même, un profil atypique d’ancien banquier et d’ancien cadre d’Amnesty International. Et ce n’est pas innocent: pour lutter à armes égales contre les pratiques des lobbys, nous sommes obligés de nous entourer de gens issus du même terroir, assure Benoît Lallemand. Sinon, comment voulez-vous influencer les décideurs si vous ne maîtrisez pas leurs codes? Il en va de notre ‘street credibility’! ».

Pour faire passer ses idées et défendre l’intérêt des citoyens, Finance Watch rencontre très régulièrement les professionnels de la finance, les régulateurs nationaux et les députés. Cette «tension» ferait toute la particularité de l’ONG. Et Benoît Lallemand d’insister : «Dans l’industrie financière, tous ne sont pas traders ou uniquement mus par des intérêts privés. Au contraire, l’écrasante majorité des financiers veut changer les choses et retrouver la fierté du métier.»

Pour l’heure, Finance Watch dispose d’un effectif de 12 personnes basées à Bruxelles. Depuis la démission de Thierry Philipponnat, elle cherche toujours une figure «senior» pour reprendre la fonction. « Ce sera un décideur de 45 à 52 ans, avec 20 à 30 ans d’expérience dans le secteur financier, capable de mettre la pression de l’intérieur», détaille Benoît Lallemand, sans vouloir préciser de nom. «Cette discrétion s’impose : à un tel niveau d’expertise, nous ne souhaitons pas que les candidats se grillent dans le milieu», assure le secrétaire général par intérim. Malgré les risques, l’offre d’emploi rencontre un large succès: depuis juin, l’ONG affirme avoir reçu 100 candidatures. «Dix ont été retenues et 5 sont actuellement passées au crible de notre Comité de transparence et d’indépendance», confie Benoît Lallemand. Le nom du successeur devrait être connu dans les prochains jours. «La fameuse taupe, on l’attend toujours ! Vous verrez, ce ne sera pas quelqu’un d’accommodant.»

Rafal Naczyk

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