On l’a connu sous le nom de « Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme ». Il s’appelle aujourd’hui Unia, par souci de communication. Sa mission reste cependant la même : lutter contre les discriminations et promouvoir l’égalité des chances. Même si, depuis quelque temps, les enjeux pour la structure se sont multipliés. Petit tour du propriétaire en compagnie de quelques travailleurs.
Extraits du Focales n°25, à télécharger gratuitement
« Unia, bonjour. » Accrochée à son téléphone, Florence Pondeville est au taquet depuis 9 heures du matin. En face d’elle, une stagiaire en provenance de Gand s’est elle aussi emparée de son telefoon. Comme tous les jours du lundi au vendredi, Unia a ouvert sa permanence téléphonique. Son objectif est simple : permettre aux citoyens de signaler une discrimination potentielle. Une démarche qui est aussi possible via Internet.
En ce jeudi matin, Florence Pondeville est déjà en train de faire chauffer son stylo. À chaque appel, elle prend quelques notes, tente de clarifier la situation. « Je ne sais pas combien de coups de téléphone on va avoir, cela peut dépendre d’un jour à l’autre», nous avait-elle prévenus en arrivant. Aujourd’hui, il s’agit manifestement d’une journée bien chargée. À peine le cornet est-il déposé que le téléphone sonne à nouveau. Les cas s’enchaînent : homophobie et racisme au travail, problème de logement pour une personne handicapée, papa affirmant que son enfant est discriminé à l’école et… personne se plaignant d’avoir trouvé des morceaux de rat dans une boîte de tomates en conserves.
«Tous ces cas sont vraiment exemplatifs de ce à quoi nous sommes confrontés», se félicite presque Florence. Il faut dire que la jeune femme peut se permettre de donner un avis prospectif sur la question : elle est responsable-adjointe du chef du « service soutien individuel », le plus gros au sein d’Unia. Il est chargé de collecter et d’examiner les cas de discrimination éventuels. Une des missions principales d’Unia. Alors des situations, elle en a vu défiler. Des plus sérieuses aux plus farfelues, comme cette histoire de rat. «Tous les signalements qui nous sont rapportés ne sont pas des discriminations. Il y en a même beaucoup qui ne le sont pas, explique-t-elle. Nous travaillons sur une base juridique claire la plupart du temps, au sens de la loi.»
Notons que des zones plus «grises » existent, comme celle liée au voile, notamment. En Belgique, ce sujet n’a jamais été vraiment été tranché d’un point de vue légal. Unia a cependant son opinion sur le sujet en ce qui concerne l’enseignement supérieur, où le voile doit être accepté, selon la structure. Pour ce qui est du secondaire et des adminis- trations, la position d’Unia est plus nuancée.
En 2014, Unia a reçu 4.627 signalements, dont 1.670 ont donné lieu à l’ouverture d’un dossier. Des chiffres importants qui demandent désormais la collaboration de toute l’équipe du service individuel. Depuis peu, tous les collaborateurs du service sont ainsi censés décrocher le téléphone des permanences à certains moments. Ce qui n’était pas le cas auparavant. Une manière de garder le contact avec le terrain. Mais aussi une source de stress, parfois. «Tout le monde n’est pas à l’aise avec cela. Il est vrai qu’être confronté à certains cas vraiment lourds est parfois difcile à porter», admet Florence. Un constat que confirme François. Assis à son bureau derrière un écran, François est le spécialiste « cyber-haine » d’Unia. Autant dire qu’il en voit passer des vertes et des pas mûres dans ce grand déversoir qu’est l’Internet. «Il est clair qu’on est en première ligne de l’intolérance, explique-t-il. Tu as deux possibilités face à cela: soit tu te fais une carapace, soit tu sombres dans la panique. » Malgré cela, tous l’affirment: ils sont présents à Unia par conviction. Même si certains évoquent aussi parfois un sentiment d’impuissance. «Quand il n’y a pas de solutions à un cas, nous ne pouvons rien faire. C’est parfois décourageant », regrette Florence.