Bruxelles et Wallonie entendent améliorer l’état énergétique des logements sociaux. Pour y parvenir, elles ont mis en place des plans différents.
Article publié le 25 novembre 2015.
Avec un parc immobilier âgé, ne répondant plus aux standards énergétiques actuels, l’efficacité énergétique des logements est devenue une priorité dans le sud du pays. Cela dit, en 2015, les performances énergétiques du parc locatif social sont pourtant, en moyenne, meilleures que celles du locatif privé. Le parc public, pour la moitié, témoigne de hautes performances énergétiques. C’est le cas des logements sociaux construits depuis 2008, notamment.
Voilà plus de dix ans que la Wallonie a lancé un vaste plan pour la rénovation énergétique du parc de logements sociaux, au travers du Programme exceptionnel d’investissements (PEI), et des logements rénovés au travers des programmes PIVERT1 et 2, un programme de travaux visant la performance énergétique du parc de logements sociaux locatifs, d’une ampleur de 400 millions d’euros. Ce dernier cible les logements les plus énergivores du parc et les amène à un haut niveau de performances énergétiques, en menant des travaux sur les déperditions au travers des parois, sur les besoins et pertes en chauffage et eau chaude sanitaire, sur la ventilation et l’étanchéité des habitations. Objectif affiché: une performance de 90 kWh/an/m2, ce qui représente une diminution des consommations théoriques supérieure à 60%. «Cela revient à estimer à 850 euros le budget annuel pour chauffer un logement moyen et produire de l’eau chaude sanitaire pour quatre habitants», précise Ingrid Colicis, conseillère au cabinet du ministre wallon du Logement, Paul Furlan.
Quatre-vingts millions pour 2017
Aujourd’hui, près de 12.000 logements sont concernés par ce programme de rénovation énergétique. À la date du 31 octobre 2015, 4.504 logements ont été mis en chantier depuis 2010, dont 2.635 sont terminés. Des investissements à portée énergétique ont également été réalisés, via d’autres programmes de financement: en 2008, pour le remplacement du chauffage électrique, concernant 3.232 logements; en 2009, pour le renouvellement des équipements de chauffage collectifs vétustes, touchant 4.338 logements. C’est dans ce cadre que le programme exceptionnel de rénovation visant la sécurité et la salubrité des logements (soit 40.000 logements rénovés) a également été réorienté à mi-parcours. «La plupart des dossiers en cours ou qui restaient à réaliser ont alors été réorientés pour intégrer des travaux économiseurs d’énergie. Afin d’optimaliser les travaux effectués, les opérations les plus importantes – de plus de 30.000 euros par logement – ont fait l’objet d’audits énergétiques», poursuit Ingrid Colicis.
Un plan de rénovation du parc de logements publics en vue d’améliorer la performance énergétique est également inscrit dans le cadre du plan Marshall 4.0, avec un budget prévu de 80 millions d’euros à partir de 2017. «En outre, on peut réfléchir à la notion d’un loyer chaud, ajoute Ingrid Colicis. Les charges et le loyer seraient établis au forfait, selon un modèle financier établi sur la durée de vie du logement et incluant à moyen terme un retour sur investissement pour l’opérateur immobilier public ou un partenaire privé.»
Des progrès significatifs, certes, mais il reste une part importante du parc, près de la moitié, dont les performances ne sont pas satisfaisantes au regard des standards actuels. «On a donc un secteur inégal face à la précarité énergétique. Voici notre point faible, admet Ingrid Colicis. Pour des raisons d’équité sociale, il faut donc poursuivre et amener l’ensemble du parc locatif public aux mêmes niveaux de bonnes performances énergétiques. Car le poids des charges locatives supportées par les locataires est dépendant de la performance du logement qu’ils louent. Et contrairement au loyer, les charges ne sont pas limitées en fonction des revenus des ménages.»
Sous les pavés…
Côté bruxellois, le PLAGE (Plan local d’action pour la gestion énergétique) est une démarche d’efficacité énergétique qui permet à toute organisation gérant un parc de bâtiments de réaliser d’importantes économies d’énergie, sans devoir faire des investissements importants. Lancé depuis 2006 par Bruxelles Environnement, chaque PLAGE cible un type d’institution en particulier. La dernière édition, par exemple, concernait les écoles.
Depuis 2012, le PLAGE a été adopté par dix sociétés immobilières de service public (SISP), soit plus de 110 bâtiments de logements collectifs concernés par ce plan pour plus de 8.200 logements impliqués. Avec, en 2014, 13% de réduction de consommation d’énergie, soit un gain total de près de 550.000 euros, ce qui représente une économie de plus de 60 € par an par logement grâce à des actions simples et peu coûteuses, comme le suivi régulier des consommations permettant une adaptation rapide, la régulation des températures (en fonction de la température extérieure, de l’occupation des locaux, etc.), l’optimisation des paramètres et l’isolation des chaufferies ou encore l’insertion de clauses énergétiques dans les contrats de maintenance.
L’an dernier, les SISP ont économisé ensemble près de 15 millions de kilowattheures. Des résultats encourageants quand on sait qu’à Bruxelles, le chauffage des bâtiments (résidentiel et tertiaire) totalise à lui seul près de 70% des émissions directes de gaz à effet de serre. Cela dit, chaque SISP présente un bulletin différent: par exemple, le Logement molenbeekois a enregistré une baisse de la consommation de 3% avec gain de 9.285 euros par an, soit 16 euros annuels par locataire. Le Foyer bruxellois, le meilleur élève, a lui enregistré une baisse de consommation de 20% (151.697 euros). Soit une économie annuelle de 126 euros par locataire.
Mais si l’efficacité énergétique des installations est capitale, elle n’est pas suffisante. Dans le cadre du PLAGE, les locataires sont directement impliqués grâce à la présence d’animateurs sociaux chargés de la sensibilisation des occupants aux petits gestes économiseurs d’énergie. En outre, depuis 2012, six responsables énergie ont été affectés pour lancer une démarche de participation active à la gestion raisonnable de l’énergie au sein du secteur des logements sociaux. Par ailleurs, le Code bruxellois de l’air, du climat et de l’énergie (COBRACE) rendra bientôt obligatoire la mise en place d’un PLAGE pour tous les pouvoirs publics gérant un parc de bâtiments de plus de 50.000 m2 et pour tous les propriétaires privés gérant des parcs de bâtiments de plus de 100.000 m2 sur le territoire de la Région bruxelloise.
À Bruxelles, le nouveau régime Primes Énergie prévoit une révision des acquis visant à optimiser les moyens disponibles et à les rendre accessibles au plus grand nombre. «Cette concentration des efforts sur les investissements les plus efficaces permet d’augmenter la lisibilité du programme de primes d’une part et supprime les effets d’aubaine de l’autre», nous précise-t-on du côté du cabinet de la ministre Fremault. L’une des grandes nouveautés est l’ouverture du régime préférentiel à toute une série de collectivités, actives dans les secteurs de l’éducation et de l’aide aux personnes. «Les maisons de repos, milieux d’accueil ou d’hébergement et centres scolaires disposeront automatiquement de la prime la plus élevée. L’allégement de la facture énergétique des bâtiments concernés permettra aux secteurs visés de consacrer cet argent à leurs principales missions.» Par exemple, pour l’installation d’un thermostat dans une école, la Région intervenait à hauteur de 25 euros par appareil; désormais, cela passera à 100 euros.
Alter Echos n°371-372, dossier « précarité énergétique : réduire la f(r)facture ?« , décembre 2013