La limitation de l’accès au séjour en Europe pour contrôler les flux migratoires a parfois des effets néfastes sur l’avenir des jeunes et particulièrement desjeunes femmes. Pour obtenir un titre de séjour, certaines familles n’hésitent pas à conclure des mariages forcés.
Défini par le Conseil de l’Europe comme « l’union de deux personnes, dont l’une au moins n’a pas donné son libre et plein consentement au mariage », le mariageforcé interpelle de plus en plus les pouvoirs publics soucieux de protéger les droits fondamentaux des jeunes et particulièrement des jeunes filles en proie à cespratiques contraires qualifiées de « culturelles » ou « traditionnelles ».
Ce thème a fait l’objet d’une matinée de réflexion le 10 novembre 2011 au Parlement européen, co-organisée par Véronique De Keyser1 (PES) et lecabinet du secrétaire d’Etat bruxellois Emir Kir (PS), en vue de soutenir une initiative visant à analyser et à combattre le phénomène des mariages forcés enEurope.
A Bruxelles, il existe déjà un plan régional d’actions de lutte contre les mariages forcés qui consiste essentiellement à subsidier un réseau localbaptisé « Mariage et Migration », à développer des outils de prévention et à organiser des formations pour les travailleurs sociaux depremière ligne. La volonté du cabinet Kir serait aussi de développer un dialogue avec les pays d’origine (principalement la Turquie et le Maroc) en vue d’une mise enréseau des acteurs luttant contre ces phénomènes.
Pour Katinka Ingves de l’association suédoise Roks, il convient d’agir conjointement sur différents aspects législatifs pour lutter efficacement contre les mariagesforcés, car ce sujet a des implications au niveau de la politique d’éducation ou de formation, de la politique d’intégration des migrants, du droit familial, du droit desétrangers et du droit des enfants. Soulignant le fait qu’une partie importante des mariages forcés découle en réalité du désir d’accès à untitre de séjour permanent en Europe, la militante a plaidé pour « une facilitation de l’accès au séjour pour les cas où la fin de la relation se justifiepar l’usage de violence ». D’autres pays comme le Danemark luttent contre les mariages forcés en rehaussant l’âge minimum du mariage à vingt-quatre ans.
Anu Sivaganesan de l’association suisse Zwangsheirat a rappelé que des voix dans le monde entier s’élèvent contre les mariages forcés en citant des exemples commel’Arabie saoudite qui a également rehaussé l’âge minimum du mariage à dix-sept ans ou encore la presse turque qui condamne fermement ces phénomènes.« Il ne faut ni banaliser, ni barbariser le problème », a déclaré Anu Sivaganesan qui a également présenté un modèle desensibilisation « progressif » impliquant les parents et les migrants de la deuxième génération.
En Allemagne, Kristina Schröder (ministre de la Famille) et Maria Böhmer (ministre de l’Intégration) viennent de présenter un rapport officiel concernant les femmesvictimes de mariages forcés. Ce rapport évalue à 3 443 le nombre de mariages forcés en 2008 affectant les femmes vivant en Allemagne. 83,4 % des cas serapportent à des familles musulmanes. Isabel Said, du ministère allemand des Affaires sociales, a présenté le plan de lutte de la Ville d’Hambourg qui adéveloppé un système d’assistance téléphonique d’urgence plurilingue pour aider les victimes.
Une initiative européenne
Riina Kionka, une fonctionnaire de la Commission européenne en charge des Affaires étrangères (EEAS), a présenté une nouvelle initiative européenne encoopération avec l’Unicef visant à sensibiliser les populations dans différents pays asiatiques particulièrement en proie à ces phénomènes(Afghanistan, Bangladesh, Indonésie, Népal, Pakistan, Inde et Cambodge).
En Belgique francophone, la sensibilisation est essentiellement menée par le réseau « Mariage et Migration » qui regroupe seize associations de terrain et quiutilise notamment l’expression théâtrale pour toucher le public. Sur un plan législatif, le Parlement belge a adopté dès 2007 de nouveaux textes inscrivant lemariage forcé comme une incrimination spécifique dans ses codes. En 2010, le nouveau plan d’action national contre les violences faites à l’égard des femmes mentionnespécifiquement les mariages forcés, les crimes d’honneur et les mutilations génitales comme des cibles à combattre.
L’ensemble des intervenants a souligné l’absence de données statistiques et de suivi systématique pour combattre efficacement le phénomène des mariagesforcés.
1. Véronique De Keyser :
– adresse : rue Wiertz, 60 à 1047 Bruxelles
– tél. : 02 284 21 11.