Deux signes lourds viennent en tout cas d’être envoyés du côté flamand. La gestion du centre de défense sociale de Gand sera confiée à un consortium privé. Et l’Open VLD veut que les détenus psychiatriques interviennent dans leurs frais d’internement.
C’est un consortium regroupant le français Sodexo, le groupe privé hollandais Parnassia, plus quelques autres acteurs, dont Securitas, qui a décroché la timbale. Drôle de timbale en l’occurrence puisqu’il s’agit d’exploiter les 272 places du nouveau centre de psychiatrie légale de Gand. Si le groupe Parnassia est bel et bien spécialisé en soins psychiatriques, Sodexo a fait l’objet de nombreuses critiques en Grande-Bretagne où elle gère plusieurs prisons : la société a notamment été accusée de faire passer le profit avant la qualité des soins. Sans faire de procès d’intention, on notera tout de même que le nouveau centre appliquera la norme minimale en termes d’encadrement des détenus psychiatriques : sept soignants pour dix patients. Et ce alors que le projet concurrent – proposé par une plateforme, baptisée FPC, regroupant des acteurs du secteur de la psychiatrie et des instances locales dont la Ville de Gand, le CPAS et l’Université – prônait un minimum d’un soignant par pensionnaire. Au total, le projet de FPC coûtait 3,5 millions de plus par an que les 29,75 millions de celui de Sodexo-Parnassia, ce qui a joué pour 40% dans la décision finale.
Mais bien entendu, c’est surtout le côté symbolique du choix effectué qui fait débat. Jusqu’ici, les seules institutions de soins qui étaient gérées par des entreprises privées étaient des maisons de repos.
Loi Anciaux
Cette privatisation a été approuvée collégialement par le conseil des ministres fédéral, mais il s’agit clairement d’un projet qui était poussé par l’Open VLD en la personne de la ministre de la Justice, Annemie Turtelboom. Ce sont également les libéraux flamands que l’on retrouve derrière un amendement controversé à la proposition de loi sur l’internement psychiatrique. Il s’agit d’une proposition de loi du sénateur Bert Anciaux (SP.A) qui a déjà franchi le cap du Sénat en séance plénière et est actuellement étudiée en commission à la Chambre. L’amendement des libéraux stipule que les détenus psychiatriques devront désormais intervenir en partie dans leurs frais d’internement. Une initiative déplorable selon Henri Helmans, juge à la cour d’appel de Gand : « Cela va créer des inégalités. Les détenus ordinaires ne devront rien payer, mais les détenus psychiatriques bien. De plus, il y a des détenus psychiatriques qui se trouvent dans des cliniques psychiatriques et d’autres non. Je suis sûr que ceci ne passera pas le cap de la Cour constitutionnelle. N’importe quel ayant droit va pouvoir introduire un recours. »
« Les sommes en jeu sont importantes. Un détenu psychiatrique peut coûter jusqu’à 6 000 euros par mois si on prend en compte le coût du traitement. Le texte de loi ne dit pas clairement s’il s’agit uniquement des frais de repas et de choses de ce genre ou au contraire de la totalité. On parle de dispenser les personnes insolvables mais cela non plus n’est pas explicité. Va-t-on leur confisquer leur maison s’ils en ont une ? Celle-ci constitue souvent leur seule chance d’arriver à se réinsérer dans la société. » Il ajoute que c’est dommage parce que le reste de la loi représente un pas en avant.
Même son de cloche à la Ligue des droits de l’Homme où on se dit prêt à combattre l’amendement sur les coûts. En fait, ce passage figure également dans la loi actuelle, mais n’a jamais été appliqué. Mais maintenant que le centre de Gand va être dans des mains privées, la Ligue estime que le risque est grand que des arrêtés d’application soient votés en ce sens.
La sénatrice CD&V Els Van Hoof, qui a voté la loi, n’est pas non plus ravie de l’amendement, mais selon elle, c’était la seule manière de faire passer cette nouvelle législation dont les dispositions devraient coûter quelque 15 millions supplémentaires. « La loi entrera seulement en application au 1er janvier 2016 », précise-t-elle. « D’ici là, il faudra préciser par arrêté royal ce que l’on entend par frais d’entretien et comment on place la limite pour déterminer si quelqu’un est solvable ou non ».
Revue de presse réalisée d’après De Morgen et De Standaard
Aller plus loin
Alter Échos n°366 du 27.07.2013 : Internés sous les verrous, punis ou soignés ?