La ministre fédérale de l’Intérieur a lancé un appel aux écoles, aux clubs de sport et aux associations de jeunesse pour que ces structures tentent derepérer les jeunes susceptibles de se radicaliser. Mais l’accueil du secteur et aussi de quelques ministres flamands est plutôt froid.
Tout est parti d’une interview de fin d’année dans le Standaard. Dans celle-ci, la ministre libérale (Open VLD) explique qu’aujourd’hui, lorsque des jeunes se radicalisent,cela peut être au contact de tel ou tel groupuscule mais bien plus souvent par le biais d’Internet. Pour permettre à la police de proximité d’identifier les premiers, elle vientde publier une brochure à l’intention des agents de quartier, expliquant notamment les symboles utilisés par différentes mouvances radicales. Mais les seconds sont nettement plusdifficiles à repérer. Elle lance dès lors un appel aux enseignants, aux moniteurs de sport et aux animateurs en contact avec des jeunes pour qu’ils soient attentifs àcertains changements de comportement des jeunes dont ils s’occupent (jeunes s’isolant, tenant soudain des propos très radicaux…) et qu’ils aillent parler aux jeunes en question. Dans le casoù cet entretien ne donnerait rien, elle recommande de faire intervenir la police.
Deux facteurs l’ont poussée à prendre cette initiative : une étude récente des criminologues Paul Ponsaers et Brice De Ruyver qui constatait « unepolarisation croissante et une radicalisation » de la société dans notre pays et qui conseillait d’intervenir en s’appuyant sur la vie associative. Et puis un incidentimpliquant un Belge d’origine tchétchène en septembre dernier. Ce dernier avait commis une tentative d’attentat ratée à Copenhague et après coup, sonentraîneur de boxe à Liège avait déclaré avoir vu le jeune homme changer radicalement de comportement au cours des derniers mois. L’idée d’Annemie Turtelboom,c’est que, dans ce cas précis, l’intervention de ce coach aurait peut-être pu empêcher le jeune homme de passer à l’acte. Mais voilà, le secteur sollicitén’est pas réellement ravi de l’initiative de la ministre, c’est le moins que l’on puisse dire.
Les filets de sécurité existent déjà
Pour Mieke Van Hecke, la directrice de l’enseignement catholique flamand, en cas de dérapage d’un élève, les structures nécessaires pour intervenir existentdéjà : il y a les professeurs eux-mêmes, mais aussi les conseillers d’orientation et les centres de guidance. De plus, le fonctionnement du système repose en grande partiesur les liens de confiance qui se tissent entre le corps enseignant et les élèves. Pour elle, « dénoncer quelqu’un à la police ne peut se faire qu’en cas degrand danger. Ce n’est pas une décision qui peut se prendre à la légère. » Et la limite est difficile à placer. « Aux Etats-Unis, on aprouvé que la plupart des jeunes auteurs d’actes violents dans leurs écoles étaient fans de sites « gothiques ». Que faut-il faire dans ce cas ? Considérer tous lesvisiteurs de ce type de sites comme potentiellement dangereux ? »
Le ministre de l’Enseignement et de l’Egalité des chances, Pascal Smet (SP.A), pense que « Turtelboom ignore la réalité. Les écoles sont déjàvigilantes à toutes les situations d’isolement et de malaise et il y a tout un filet de sécurité qui est prévu pour cela. Il n’est pas souhaitable de prévenirimmédiatement la police. Le risque de voir un jeune devenir terroriste est bien plus faible que celui de voir ce même jeune faire une tentative de suicide. »
Réaction négative également de la part de Formaat, la coupole des maisons de jeunes. Tom Willox, le directeur, considère également comme centrale la relation deconfiance entre jeunes et moniteurs. De plus, « les chances que ces « jeunes en voie de radicalisation » soient actifs dans des mouvements de jeunesse sont très minces. On parle bienlà de jeunes qui passent des nuits entières derrière leur ordinateur, non ? »
L’asbl « Uit De Marge » qui soutient des organisations d’aide aux jeunes en difficultés est aussi sur la même longueur d’onde. Son coordinateur Robert Crivitajoute que « la radicalisation islamique est un phénomène marginal dans notre univers de travail. Lorsque nous le rencontrons, cela a toujours un rapport soit avecl’exclusion, soit avec le comportement de jeunes qui font des expériences dans le cadre de leur recherche d’identité ». Selon lui, c’est donc plutôt à ces deuxcauses sous-jacentes qu’il convient de s’attaquer.
D’après De Morgen et De Standaard