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Regard critique · Justice sociale

Enquête

Violences sexuelles, l’injuste prix

Agression ou harcèlement sexuel, viol, inceste: 64,1 % de la population belge âgée de 16 à 69 ans indiquent avoir déjà subi une forme ou une autre de violence sexuelle, selon une étude de l’UGent. Ces traumatismes laissent des cicatrices, tant au niveau du corps qu’au niveau de l’esprit. Pour espérer les apaiser, traitements médicamenteux, suivi psychologique ou encore poursuites judiciaires sont souvent de mise. Un chemin vers la justice et une résilience potentielle qui engendrent des frais immenses. Tant pour les victimes que pour la société.

Marion Bordier 03-12-2024 Alter Échos n° 520
(c) Camille Jacquelot pour Alter Echos

«Si pendant cinq mois mes colocs n’avaient pas payé mon loyer, j’aurais pu finir à la rue», souffle Laura*, 29 ans. Dans son tee-shirt blanc orné d’un tigre combatif, l’avocate raconte des bribes de souvenirs du viol qu’elle a subi. C’était en 2019, dans un bar à Ixelles. «J’ai peut-être bu quelque chose de piégé. Un homme m’a dit que mes copines me cherchaient. Je lui ai fait confiance et l’ai suivi.» Il lui impose une fellation. Pour la faire taire et cesser de se débattre, il éteint des cigarettes dans sa bouche.

Comme Laura*, 64,1% de la population belge âgée de 16 à 69 ans indiquent avoir déjà subi une forme ou une autre de violence sexuelle, révèle une étude sur les violences sexuelles en Belgique menée par l’UGent et publiée en 2021. Selon la méthodologie de la «valeur de la vie statistique» ou VVS, fondée sur les travaux de l’Organisation de coopération et de développement éco­nomiques (OCDE), le prix d’un viol correspond à 2% d’une vie perdue, soit 65.000 euros. Un coût pour les victimes, mais aussi pour la société et l’État. Mais combien? Si des études peuvent donner une idée de son ampleur, aucun rapport global et précis sur la question n’existe pour la Belgique. Pas de rapport, pas de chiffres, pas de réalité, pas d’actions spécifiques.

Un préjudice physique, moral et social

Pourtant, l’impact financier des violences sexuelles existe bel et bien, notamment lorsque les faits broient ou figent. Les 18 mois qui ont suivi son viol, Laura* les considère comme «la pire période de sa vie». «Je ne pouvais pas sortir de mon lit avant midi, se souvient-elle. Devoir aller faire les courses me mettait dans un état d’angoisse infini. Le seul moment où je n’avais pas envie de chialer tout le temps, c’était quand l’heure du coucher approchait. Cela signifiait que pendant huit heures je n’allais pas y penser.»

Dans la pyramide du trauma, le viol et la guerre constituent le sommet. «Vivre un traumatisme de cette ampleur crée des lésions cérébrales visibles en IRM et va exacerber toutes les difficultés déjà vécues par le passé», décrypte Eleonora Viance, psychologue clinicienne spécialisée en psycho-traumatologie, victimologie et prise en charge des violences sexuelles au centre de prise en charge des violences sexuelles (CPVS) de Bruxelles, avant d’ajouter: «D’un point de vue physique, on peut retrouver des troubles alimentaires, du sommeil avec des cauchemars, des maux de tête, des tremblements ou encore des crises de panique.»

«Si pendant cinq mois mes colocs n’avaient pas payé mon loyer, j’aurais pu finir à la rue.»

Laura, victime de violences sexuelles

Laura* n’y échappe pas. Lorsqu’elle décide de porter plainte, un peu plus d’un an après les faits, les crises d’angoisse deviennent sa routine. Poursuivre son stage d’avocate est chaque jour un combat. Elle décide d’évoquer sa situation avec son patron. Quelques jours plus tard, c’est le coup de massue: «Je venais de déposer un arrêt de travail d’une semaine. Il est venu me voir en m’expliquant qu’une amie à lui avait vécu la même chose que moi et qu’il fallait des années pour se reconstruire. Puis il a mis fin à mon contrat.»

Selon une enquête réalisée par l’Association française pour la formation, l’information et la recherche sur les conséquences psychotraumatiques des violences, «Mémoire traumatique et victimologie», conduite par la psychiatre Muriel Salmona, sur 1.214 victimes de violences sexuelles, près de la moitié ont vu les faits engendrer une interruption de leurs études ou de leur travail. Une situation qui va de pair avec une période de chômage, au CPAS, en arrêt maladie, voire en invalidité. Lorsque les violences sexuelles se sont produites sur le lieu de travail, les risques d’arrêt maladie ou d’inaptitude professionnelle augmentent. Selon une enquête de l’Institut français d’opinion publique (Ifop) publiée en 2014, au total, une femme sur cinq a été confrontée à du harcèlement sexuel au travail. Lorsqu’elles osent signaler les faits, 95% sont congédiées, rapporte l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail.

La main au porte-monnaie pour soigner l’esprit

Son stage perdu, la galère pécuniaire commence pour Laura*: «Je n’avais plus de job, plus de thunes et beaucoup de cotisations à payer.» À ces problématiques s’ajoutent 1.000 euros mensuels dépensés en frais de psychiatre au cours de quatre à cinq mois suivant son dépôt de plainte. «Quand on souffre d’un syndrome anxieux, dépressif très lourd, avec des idées suicidaires, aller chez le psy est une question de survie», rappelle Virginie Cresci. Dans son essai «Le prix des larmes» (Éditions Grasset – 2024), la journaliste indépendante tente de chiffrer le coût des violences sexuelles en France.

Mis en place en 2017, les CPVS, eux, peuvent offrir 24 h/24, 7 j/7, des soins multidisciplinaires et gratuits aux victimes de violences sexuelles. «Médicaments, dépistages ou séances avec un psychologue: les victimes ne paient rien», indique Sophie Desbenoit, coordinatrice du CPVS de Charleroi. Comme les neuf autres centres de prise en charge des violences sexuelles du pays, il est financé par l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes et par le SPF Santé. Une condition toutefois: que les faits se soient déroulés sous moins de trente jours. Pour les victimes qui ne cochent pas ce critère, une réorientation est possible.

«Vivre un traumatisme de cette ampleur crée des lésions cérébrales visibles en IRM et va exacerber toutes les difficultés déjà vécues par le passé.»

Eleonora Viance, centre de prise en charge des violences sexuelles de Bruxelles

Pour Lily Bruyère, de l’asbl SOS Inceste – qui propose un service d’accueil, d’écoute, d’information, d’accompagnement et de soutien aux victimes d’abus sexuels – cette prise en charge est «nettement insuffisante», mais aussi inadaptée, notamment dans les cas de violences sexuelles survenues pendant l’enfance et d’amnésie traumatique. «Comprendre et rassembler les pièces du puzzle, trouver les mots, notamment lorsque les faits sont anciens et qu’il y avait emprise, puis traiter le trauma complexe, prend du temps», décortique la coordinatrice de l’asbl. Or, au sein des CPVS, le suivi psychologique dure six mois au maximum. «Nous sommes une unité d’urgence, nous devons donc assurer un suivi de court-moyen terme. Pour le long terme, nous redirigeons vers les institutions et spécialistes qui peuvent l’assurer», explique Eleonora Viance.

Le dispositif de l’INAMI (Institut national d’assurance maladie-invalidité) PsyBru peut également constituer une solution pour atténuer les coûts. Il permet une gratuité des soins psychologiques de première ligne pour les enfants et adolescents jusqu’à 23 ans compris et un reste à charge de 11 euros pour les autres lorsqu’il s’agit de séances individuelles, voire quatre euros si le patient est bénéficiaire de l’intervention majorée (BIM). Cependant, le nombre de consultations est limité à huit séances individuelles en moyenne, pour un maximum de 20. Des mutuelles peuvent aussi prendre en charge des soins, notamment psychologiques. Mais ce n’est pas toujours suffisant. «Avec une dizaine ou une vingtaine de séances, vous tenez combien de mois? Pas longtemps. Résultat? Les personnes que j’accompagne me disent souvent ‘Avec tous les soins que j’ai dû faire pour tenter de me rétablir, j’aurais pu me payer un appartement à Bruxelles’», relate Lily Bruyère. C’est sans doute le cas de Sabrina. De ses 9 à 18 ans, la docteure en droit de 58 ans a régulièrement été abusée par son père. Du bruit des pas de ce dernier dans l’escalier, de l’odeur de son vin, de son sperme, la quinquagénaire se souvient de tout. «Je vois régulièrement un psychiatre à 100 euros la séance et un psychologue à 70 euros. Plus de 40 ans après les faits, cela représente 340 euros de dépenses en docteurs sur le mois.» Projets, loisirs, vacances, vie sociale, et même les besoins primaires sont en effet impactés par le coût des violences sexuelles.

Un corps en lambeaux

Outre la santé mentale, les violences sexuelles peuvent dégrader la santé physique. Parfois directement. «Si les faits ont été particulièrement violents, répétitifs et/ou se sont produits durant l’enfance, on peut retrouver des fissures anales ou encore une stérilité», décrit Lily Bruyère. Parfois indirectement. «Les voies digestives sont souvent impactées, avec notamment des ulcères, car le système gastro-intestinal est notre deuxième cerveau, le siège des émotions. Un stress important ou prolongé le marque», ajoute la coordinatrice de SOS Inceste.

Pour apaiser ces stigmates physiques, mais aussi psychiques, des consultations et des traitements médicamenteux sont nécessaires. «Je souffre d’anxiété et de dépression. Depuis presque toujours, je suis sous somnifères et antidépresseurs pour pouvoir dormir la nuit», reconnaît Sabrina. Selon l’étude du Conseil de l’Europe intitulée «Violences, subies ou produites, et usage de substances psychoactives chez les femmes en Europe et dans la région méditerranéenne», «les femmes déclarant des abus psychologiques et sexuels au cours de la vie utilisaient 5,12 fois plus d’antidépresseurs que les femmes n’ayant jamais été abusées».

Financer ces traitements ou encore des consultations médicales pour endiguer les stigmates d’un préjudice subi constitue une double peine, morale et financière, pour les victimes, car ces soins ne sont qu’en partie remboursés par l’INAMI. «Nos données de remboursement sont structurées sur la base des traitements et soins dispensés, et non sur la base de l’événement/la pathologie à l’origine de ces soins. Par ailleurs, un même traitement ou soin peut très souvent être prescrit pour des causes différentes», détaille le service communication de l’Institut national d’assurance maladie-invalidité lorsqu’on l’interroge sur la possibilité de rembourser davantage les victimes de violences sexuelles. «Comment faire le lien entre une agression sexuelle et les symptômes évoqués, surtout quand il n’y a pas suffisamment de connaissances précises, spécifiques, accessibles et de formation des médecins sur les conséquences des violences sexuelles?», ose Lily Bruyère.

Davantage de risques d’addictions et de maladies

Après les violences sexuelles, certaines victimes, comme Eddy Kaganek, basculent dans l’addiction. Abusé par un oncle en situation de handicap accueilli au domicile par sa mère, il refuse l’anonymat. «Ce n’est pas à moi de me cacher, d’avoir honte», insiste l’homme de 56 ans qui dépense en moyenne 500 euros par mois en alcool, sans compter les examens et diverses interventions que son penchant pour la boisson entraîne. En France, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE) a chiffré ce qu’elle appelle «le coût du déni», soit ce que «coûtent les agresseurs chaque année» à 9,7 milliards d’euros. Le montant des conséquences à long terme des violences sexuelles sur la santé des victimes (surconsommation d’alcool, de tabac, de drogues, etc.), leur vie intime, sociale et professionnelle représente près de 70% de ce montant total.

«Je vois régulièrement un psychiatre à 100 euros la séance et un psychologue à 70 euros. Plus de 40 ans après les faits, cela représente 340 euros de dépenses en docteurs sur le mois.»

Sabrina, victime de violences sexuelles 

Si consommer de l’alcool augmente notamment les risques de cancer colorectal, Eddy Kaganek est incapable de faire des analyses: «Une coloscopie? Je refuse qu’on repasse encore une fois par là. Mon médecin m’a donné un kit de prélèvement. Même ça, je n’y arrive pas. La gastroscopie? La première fois où l’on m’a mis le tuyau dans la gorge, j’ai hurlé comme un diable.» Désormais, pour ce type d’examens, il demande à être endormi. Des coûts supplémentaires, pour lui et pour la société, d’autant plus qu’il n’est pas le seul. Pour les victimes de violences sexuelles, ouvrir la bouche chez le dentiste ou baisser son pantalon devant le médecin peut constituer une véritable épreuve qui ravive leur(s) traumatisme(s). Le risque? Que des examens de prévention ou de contrôle ne soient pas réalisés, impliquant à terme une prise en charge plus lourde et donc plus coûteuse.

Une justice qui a un prix

Frais médicaux et juridiques confondus, Virginie Cresci estime avoir déboursé plus de 20.000 euros pour les viols subis. «L’addition des coûts fait mal», concède la journaliste. Noyées, certaines victimes ou leurs proches créent des cagnottes en ligne. C’est le cas de Sandra Cerveaux dont la fille Milly a été violée collectivement en 2020. Face aux frais d’hébergement et de transports pour le procès ou encore aux jours de congé nécessaires pour y assister son enfant, la mère de famille a décidé de faire appel à la générosité et à l’empathie des citoyens via Gofundme. Vingt-cinq mille euros ont été récoltés.

En Belgique, une aide juridique est possible. Pour qu’elle soit totalement gratuite, les revenus d’une personne isolée ne doivent pas dépasser 1.526 euros. Et 1.817 euros net afin qu’elle soit remboursée partiellement. Pour le préjudice subi, la victime peut obtenir une indemnisation de la part de la partie adverse à condition que cette dernière soit identifiée, solvable et condamnée. «Les frais de suivi psychologique et les frais médicaux non pris en charge par la mutuelle peuvent alors faire l’objet d’une indemnisation au titre du dommage matériel de la victime. Elle peut aussi prétendre à un dommage moral, évalué ex aequo et bono [selon ce qui est équitable et bon]», expose Mona Giacometti, professeur de droit pénal à l’ULB.

Toutefois, certains avocats recommandent à leur client(e) de ne pas demander de dommages et intérêts: les préjugés prêtant des motivations pécuniaires aux victimes ont la peau dure. «Il est important de rappeler que, dans ce processus, les victimes perdent de l’argent et ne peuvent certainement pas en gagner», insiste Oona Le Meur, docteure en sciences juridiques (ULB-SciencesPo), auteure de travaux de recherche portant sur les violences de genre en Belgique et en France.

«Une coloscopie? Je refuse qu’on repasse encore une fois par là. Mon médecin m’a donné un kit de prélèvement. Même ça, je n’y arrive pas. La gastroscopie? La première fois où l’on m’a mis le tuyau dans la gorge, j’ai hurlé comme un diable.»

Eddy Kaganek, victime de violences sexuelles

Outre une aide juridique, «toute victime d’un acte intentionnel de violence qui n’obtient pas concrètement réparation de son dommage de la part de l’auteur des faits, du civilement responsable, ou par les biais des mutualités ou des assurances peut s’adresser à la Commission pour l’aide financière aux victimes d’actes intentionnels de violence», indique le Service public fédéral Justice. Pour déposer un dossier, il faut donc que la victime ait porté plainte et que l’affaire ait été classée sans suite par le parquet, ou qu’une décision de non-lieu soit intervenue, dans les deux cas pour «auteur inconnu». Mais pour Lily Bruyère, dresser tout un dossier, et qui plus est solide, n’est pas facile dans les cas de violences sexuelles: «Il y a tant à faire pour essayer d’apporter les preuves du dommage, mais dans les cas d’inceste notamment, où sont-elles?»

Plafonné à 125.000 euros au maximum par victime ou par proche de victime, l’aide principale possible de la Commission est toutefois essentielle lorsqu’on sait qu’entre 2010 et 2017, 53% des affaires de viol ont été classées sans suite. En moyenne, entre 2004 et 2023, 73,82% des aides sollicitées auprès de la Commission ont été octroyées. En raison des délais de traitement, l’attribution peut prendre du temps. Mais «lorsque tout retard dans l’octroi de l’aide pourrait causer au requérant un préjudice important, vu sa situation financière», une aide pécuniaire d’urgence peut être demandée à la Commission dès la constitution de partie civile ou l’introduction d’une plainte, précise le SPF Justice.

L’État qui raque

En France, les violences sexuelles coûteraient entre 40 et 70 milliards d’euros par an à la société, estime dans «Le Prix des larmes» Virginie Cresci, en se basant notamment sur une étude de l’économiste Jacques Bichot intitulée «Le fardeau des crimes et délits qui provoquent les blessures de l’intimité» et publiée par l’Institut pour la Justice.

En Belgique, aucune étude ou enquête anglée précisément sur le sujet n’existe. «L’estimation du coût des violences est assez complexe méthodologiquement […] et dépasse largement les moyens des associations, que ce soit au niveau des coûts ou de l’expertise économique nécessaire», explique Irene Zeilinger, sociologue et fondatrice de Garance asbl, qui lutte contre les violences de genre au moyen de la prévention primaire, avant que les violences ne surviennent.

Quelques travaux peuvent toutefois donner une idée de l’ampleur de la problématique. L’hebdomadaire Le Vif/L’Express a estimé le coût de la virilité en Belgique, soit l’«écart entre les dépenses imputables aux conduites des hommes et celles attribuables aux conduites des femmes», à au moins 16,40 milliards d’euros annuels. Et ce, en prenant en compte les coûts directs, soit «les dépenses pesant sur le budget de l’État (frais de justice, de police, de services de santé, etc.)», mais également indirects «endossés par la société et liés aux souffrances physiques et psychiques ou à la perte de productivité des victimes, mais aussi des responsables des faits, ou encore à la destruction et au remplacement de biens». Les hommes sont en effet surreprésentés dans les auteurs d’infractions au Code de la route, de trafics, d’homicides ou encore de violences, notamment sexuelles.

L’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE), lui, s’est penché sur la question du coût sociétal des violences de genre, dont les violences sexuelles font partie. Pour la Belgique, elle estime qu’il atteint les 9,4 milliards et qu’il est souvent généré par des actions imputables aux hommes. Les données du Collège des procureurs généraux qui réunit les cinq procureurs généraux d’Anvers, Gand, Bruxelles, Liège et Mons mandatés pour cinq ans par le Conseil supérieur de la justice, indiquent qu’au cours des années 2018 à 2021, le nombre de prévenus impliqués dans un viol est de 17.423 personnes et dans un délit sexuel à 14.973, parmi lesquelles on retrouve respectivement 95% et 94% d’hommes.

En France, les violences sexuelles coûteraient entre 40 et 70 milliards d’euros par an à la société. En Belgique, aucune étude ou enquête anglée précisément sur le sujet n’existe.

La prise en charge d’urgence des victimes aussi coûte cher. En 2025, le budget des CPVS «devrait passer à 32 millions d’euros, vu l’ouverture annoncée de trois nouveaux centres (Mons, Brabant wallon, Hal-Vilvorde, NDLR)», prévoit le cabinet de la secrétaire d’État à l’Égalité des genres, à l’Égalité des chances et à la Diversité, Marie-Colline Leroy (Écolo). Au total, les fonds consacrés à la lutte contre les violences basées sur le genre dans le cadre du Plan d’action national de lutte contre la violence basée sur le genre 2021-2025 «s’élèvent à plus de 181 millions d’euros pour la période 2021 à 2023», fait état le rapport intermédiaire sur la mise en œuvre de celui-ci finalisé en décembre 2023 par l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes.

Lors de cette évaluation intermédiaire, la question de la possibilité de réaliser des rapports sur le coût des violences sexuelles en Belgique a été soulevée par la Plateforme nationale de la société civile chargée du suivi du plan d’action national (PAN), confie le cabinet de Marie-Colline Leroy. «Mener une telle étude devrait dès lors se trouver inscrite dans le prochain PAN. C’est en tout cas ce que la secrétaire d’État transmettra à son successeur ou sa successeuse qui fera partie du prochain gouvernement fédéral», assure le cabinet qui estime que «l’accès à des chiffres globaux serait une avancée bénéfique».

Etienne Noël, le sexologue clinicien et psychothérapeute orienté psycho-traumatologie à Ath, Lens et Soignies, pourrait peut-être y contribuer. Le médecin-conseil en mutuelle retraité et co-auteur d’un rapport sur les effets à long terme des violences sexuelles dans l’enfance présenté au Congrès européen de médecine d’assurance en 2023 a entamé des démarches pour une étude sur l’impact des violences sexuelles sur la santé. Conduite en collaboration avec l’association d’aide aux victimes de violences sexuelles, physiques et psychologiques «Briser le Silence», elle débutera en 2025. La question du coût des violences sexuelles pour les victimes devrait y être abordée.

Un espoir pour ces dernières, pour une prise de conscience collective de cette problématique économique et de santé publique. Pour aller dans le sens de mesures pour une meilleure prise en charge des soins et démarches nécessaires à leur résilience, voire parfois survie. Mais aussi pour limiter les risques de reproduire ou de revivre ces violences et pouvoir sortir d’une spirale de précarisation. En effet, «les femmes en situation de précarité monétaire sont aussi davantage victimes de violence sexuelle», stipule l’Enquête européenne sur la violence à l’égard des femmes et d’autres formes de violence interpersonnelle de l’EIGE.

LE RÉSUMÉ

• 64,1% de la population belge indiquent avoir déjà subi une forme ou une autre de violence sexuelle.• Encore peu pris en compte, l’impact financier (frais médicaux, juridiques…) des violences sexuelles est bien réel.• Divers dispositifs existent, mais ils sont loin d’être suffisants. En outre, il n’y a aucune étude ou enquête sur le sujet en Belgique.• Le coût sociétal des violences de genre, dont les violences sexuelles font partie, atteint pourtant 9,4 milliards d’euros en Belgique.
  • Le prénom a été modifié.

Une enquête réalisée avec le soutien du Fonds pour le journalisme de la Fédération Wallonie-Bruxelles

 

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