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Regard critique · Justice sociale

Edito

Visas humanitaires: un avis qui fait du bien!

L’avocat général de la Cour européenne de justice n’y est pas allé de main morte. Dans le litige qui oppose l’Etat belge à une famille syrienne coincée à Alep, il tranche sans réserve en faveur de cette dernière. Selon lui, la Belgique est dans l’obligation de leur délivrer un visa dit « humanitaire ». « Il est à mes yeux crucial que, à l’heure où les frontières se ferment et où les murs s’érigent, les Etats membres ne fuient pas leurs responsabilités », écrit-il. Une bouffée d’oxygène.

L’avocat général de la Cour européenne de justice n’y est pas allé de main morte. Dans le litige qui oppose l’État belge à une famille syrienne coincée à Alep, il tranche sans réserve en faveur de cette dernière. Selon lui, la Belgique est dans l’obligation de leur délivrer un visa dit «humanitaire». «Il est à mes yeux crucial que, à l’heure où les frontières se ferment et où les murs s’érigent, les États membres ne fuient pas leurs responsabilités», écrit-il. Une bouffée d’oxygène.

À la lecture des 25 pages de conclusions de l’avocat général, Theo Francken a dû voir rouge. Encore des magistrats qui lui jouent des tours! Depuis des mois, le secrétaire d’État à l’Asile et aux Migrations refuse que l’on octroie des visas humanitaires à des familles syriennes. Le gouvernement craint qu’une telle mansuétude ouvre une brèche dans laquelle s’engouffreraient des centaines de milliers de réfugiés.

La délivrance de visas est une compétence discrétionnaire des États membres, assure le gouvernement. Pour l’État belge, les obligations qui découlent de la charte européenne des droits fondamentaux – comme la prohibition de la torture – ne s’appliquent que sur le territoire belge, et certainement pas à tout étranger qui voudrait fuir une «situation catastrophique» en s’adressant aux représentations consulaires de la Belgique.

Un État est donc dans l’obligation de délivrer ce fameux sésame si cette décision leur évite d’être confrontés à des traitements inhumains, dégradants, à de la torture… voire à la mort. Scénario plus que probable en Syrie.

Au sein du Conseil du contentieux – instance qui avait annulé plusieurs refus de visas humanitaires -, une question restait sans réponse: est-il possible de contraindre un État à délivrer un visa, lorsqu’il s’agit de protéger les droits fondamentaux du demandeur?

Le régime des visas courte durée est régi par le code européen des visas – le code Schengen. Les juges belges ont donc renvoyé la patate chaude à la Cour de Luxembourg.

Une audience s’est tenue le 30 janvier dernier. La Belgique a appelé à la rescousse 14 États venus la soutenir. La République tchèque a carrément mis en garde les juges contre les «conséquences fatales» que pourrait avoir leur arrêt sur toute l’Europe.

C’est ce jour-là que Paolo Mengozzi, avocat général, a remis tout le monde à sa place. Selon lui, les droits fondamentaux prévus dans les conventions européennes s’appliquent aux demandeurs de visa. Un État est donc dans l’obligation de délivrer ce fameux sésame si cette décision leur évite d’être confrontés à des traitements inhumains, dégradants, à de la torture… voire à la mort. Scénario plus que probable en Syrie.

L’avocat général souligne en creux la schizophrénie ambiante des responsables politiques. D’un côté, ils disent lutter avec acharnement contre le «trafic d’êtres humains» et autres «passeurs». De l’autre, ils les poussent dans les bras de ces mêmes passeurs en refusant d’ouvrir la moindre voie d’accès légale aux exilés sur leur territoire. Paolo Mengozzi rappelle que l’Europe s’était indignée à la mort du petit Aylan. «La Cour a cependant l’occasion d’aller plus loin en consacrant la voie légale d’accès à la protection internationale (…) qui résulte du code des visas. Ce n’est pas parce que l’émotion le dicte, mais parce que le droit de l’Union le commande.» Un avis à peine croyable dans le contexte actuel de surenchère anti-migrants et de remises en cause de l’État de droit.

Des conclusions que les 15 juges de la grande chambre de la Cour de justice seraient bien inspirés de suivre. Verdict dans quelques semaines.

En savoir plus

«Visas humanitaires: la bataille est européenne», Alter Échos n° 437, 25 janvier 2017 Cédric Vallet

Cédric Vallet

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