Par Céline Teret – Illustrations de Théodora Jacobs
Pour définir sa pratique d’enseignante à l’hôpital, Béatrice Grégoire aime emprunter l’expression «pédagogie du détour»: «On est profs mais on prend des chemins détournés. Il faut toujours qu’on garde en tête qu’on est une école. Donc, même quand je sors un jeu de société pour l’enfant, je sais ce que je vise d’un point de vue pédagogique. On fait petit à petit, on ne force pas. On va aussi voir ce qui ferait plaisir à l’enfant. La particularité de l’enfant hospitalisé, c’est qu’il présente une problématique médicale. L’enseignant à l’hôpital est obligé de faire attention à ça. Un enfant qui ne va pas bien, ici, on va avancer avec lui, à son rythme. Pour nous, c’est tout à fait naturel et normal. C’est très différent dans l’enseignement ordinaire, où certains enfants souffrent de leurs différences. Ici, on réconcilie parfois les enfants avec le terme ‘école’. Ici, certains jeunes parviennent à être eux-mêmes, parce qu’il n’y a pas le regard qu’il peut y avoir dans une classe ordinaire. Parfois, des interactions s’opèrent entre grands et petits, des dons se révèlent… Ici, on a le meilleur de l’enfant. Ce qu’ils aiment dans cette classe, c’est le calme, ils sont entendus, écoutés, ils ont l’impression d’avoir une place. J’aime beaucoup ce contact avec les enfants dans un moment précis, un temps arrêté, l’attention qu’on peut vraiment leur porter.» Ce que l’enseignante déplore néanmoins, c’est le manque de reconnaissance et de valorisation du type 5, notamment dans la formation initiale et continue des enseignants.
Collaborer avec l’équipe hospitalière
Béatrice et Stella évoquent aussi cette position particulière au sein de la structure hospitalière. Faire partie de l’équipe sans vraiment en faire partie, en quelque sorte. Ce qui n’empêche pas une collaboration étroite avec le personnel soignant. «On est dans le service, on est dans nos murs, même si on est des électrons libres, souligne Béatrice Grégoire. Et on fait partie du traitement global de l’enfant. Comme il y a la logopède, le kiné, la psychologue…, il y a l’enseignante. Chaque matin, les infirmières nous remettent une liste des enfants hospitalisés et nous signalent si leur état leur permet ou non de venir en classe. C’est l’occasion d’échanger avec elles sur l’état des enfants. Et, une fois par semaine, on participe au ‘tour psycho-médico-social’, avec une infirmière, un médecin, une assistante sociale, une psychologue, et au cours duquel chaque patient est passé en revue.» Autant d’espaces d’échange qui permettent aux enseignantes d’interroger, interpeller, de partager.
Et après l’hôpital?
C’est une tendance générale dans le monde hospitalier: économies obligent, les durées d’hospitalisation rétrécissent et les hospitalisations de jour prennent du galon. Et c’est là que ça se corse pour les jeunes malades… Si certaines écoles de type 5 détachent des enseignants à domicile (comme à Liège, où l’école Léopold Mottet dispose de son propre service de suivi à domicile), c’est rarement le cas. Bien souvent, dès la sortie de l’hôpital ou de l’institution, les «services» du type 5 s’arrêtent. Il est trop coûteux pour ces écoles de dépêcher des enseignants à domicile.
Les parents doivent alors trouver des solutions de repli: assurer eux-mêmes le suivi scolaire, parfois avec un coup de pouce du titulaire de classe ou en s’appuyant sur les supports numériques en plein boom depuis la période Covid. Dans ce domaine, l’association ClassContact, par exemple, connecte gratuitement les enfants malades ou hospitalisés à leur classe. Mais parfois, ce n’est pas suffisant, voire c’est une charge supplémentaire pour des parents déjà éreintés par l’angoisse et la gestion quotidienne de la maladie de leur enfant.