Tout est affaire de décor. Ici, en l’occurrence: on est à Namur, au parlement wallon. C’est entre les travées de l’assemblée qu’une voix s’élève pour évoquer son enfance, sa jeunesse, sa vie en somme. Cette vie, c’est celle de Jade, une jeune femme de 24 ans. Elle est venue raconter son histoire lors d’une journée consacrée à la situation des jeunes aidants proches. Dès son plus jeune âge jusqu’à ses 20 ans, Jade a été au chevet de sa mère. Devant un public d’élus, d’experts et de professionnels, elle raconte cette expérience qui ne l’a pas «juste touchée émotionnellement», comme elle le dit, mais qui a bouleversé sa vie.
Du jour au lendemain, et pas seulement dans l’accompagnement d’un parent malade, cette expérience a des répercussions sociales, financières comme administratives. Au fil des mots, Jade les évoque une après une. «Pas un jour sans que tu te poses la question de savoir comment tu vas manger, où tu vas dormir, comment tu vas payer les factures, tout ça… Faire des études? Je ne pouvais pas. Je devais aider ma mère, et pas seulement pour lui donner des soins. J’ai arrêté l’école. J’ai commencé à avoir plusieurs petits boulots. Cette situation est venue tout remettre en question.»
Une «remise en question» qui peut aussi amener à se retrouver du jour au lendemain SDF comme ce fut le cas de Jade. «C’est un peu comme si ma mère m’avait emportée dans sa chute.» «Aujourd’hui, ça va, poursuit-elle. J’ai trouvé un travail. Je suis en train de tout reconstruire.»
«Pas un jour sans que tu te poses la question de savoir comment tu vas manger, où tu vas dormir, comment tu vas payer les factures, tout ça… Faire des études? Je ne pouvais pas. Je devais aider ma mère, et pas seulement pour lui donner des soins. J’ai arrêté l’école. J’ai commencé à avoir plusieurs petits boulots. Cette situation est venue tout remettre en question.» Jade, jeune aidante
Comme d’autres jeunes dans sa situation, c’est grâce à l’intervention d’un tiers – ici, en l’occurrence, une assistante sociale – que Jade a pu mettre des mots sur sa situation d’aidante. «Quand ma mère a été hospitalisée, cette assistante sociale s’est intéressée à notre situation. Je lui ai tout raconté, sans rien cacher. Cela devait être la première fois que je dévoilais tout, je crois.»
C’est lors de cet échange que Jade entend parler de l’asbl Jeunes et Aidants proches de Bruxelles. «Je n’avais jamais entendu parler de cette asbl, et encore moins de ce terme.» Jade n’avait pas forcément conscience de sa situation. «Mais je me doutais bien que je n’étais pas la seule dans ce cas, celui d’une enfant qui devient le parent de son parent.» Elle contacte alors l’association, à un moment où cela n’allait plus pour la jeune fille, «un moment où j’étais vraiment toute seule, tant je ne voyais pas d’issue». Jusque-là, Jade avait envoyé des mails un peu partout afin de trouver de l’aide. Sans succès. Quand l’asbl lui donne rendez-vous, Jade n’attendait rien, à vrai dire, «parce que partout où j’avais été, on ne m’apportait pas forcément les réponses que j’espérais ni on ne répondait forcément à mes besoins.» Là pour le coup, quand la jeune aidante a évoqué sa situation, l’asbl l’a directement prise en main…