De retour dans le cœur de la Cité ardente, Sylvie Rimbaut termine sa tournée place Saint-Jacques, au CPAS de Liège. Particularité non sans importance, parmi les neuf concierges sociaux impliqués jusqu’à présent, deux sont engagés sous contrat article 60: Anthony et Hakim. «On doit parfois tenir compte des aides à l’emploi auxquelles les concierges peuvent prétendre, mais l’article 60 n’est qu’un contrat de transition, détaille la coordinatrice. Dans quelques semaines, lorsqu’ils auront terminé leur article 60, ils seront assimilés au projet via un CDI standard, comme les autres concierges.»
Si Anthony, concierge social à l’atelier vélos, vient de finir son contrat article 60, Hakim, quant à lui, en a encore pour quelques semaines. Mais là n’est pas la seule singularité de leur situation. Sans domicile fixe (SDF), les deux travailleurs ont été engagés grâce à une voie alternative mise en place par la régie de quartier. «En plus des trois zones de Droixhe, Sainte-Marguerite et Saint-Léonard qui quadrillent notre public cible, nous avons doté la conciergerie sociale d’une zone dite ‘inclusive’, décrit Élodie Gerckens. Une zone qui permet notamment aux personnes SDF d’être intégrées dans l’action.» Leur adresse administrative est alors référencée au CPAS de Liège.
En ce milieu d’après-midi, Hakim motive ses troupes à donner quelques derniers coups de pinceau aux murs de futurs bureaux du CPAS. «Je viens de Bruxelles et je suis arrivé à Liège parce que ma situation commençait à devenir compliquée dans la capitale. J’ai tout fait dans ma vie: de la manutention, des petits travaux, du black, mais je n’ai jamais eu de travail fixe. Je dois dire que mon contrat à la conciergerie m’aide à retrouver la discipline que j’ai perdue avec mon statut de SDF, même si je n’ai jamais dormi sous un pont. Le fait de se réunir chaque vendredi entre concierges, d’aller aux cours de français langue étrangère, ça nous permet de nous structurer autour d’un travail à temps plein, avec les contraintes que ça exige, mais on le fait tous de bon cœur, car on est très intégrés dans les quartiers dans lesquels on est actifs.»
Le territoire zéro chômeur de longue durée
La conciergerie sociale de Liège n’est pas la seule initiative en Wallonie à vouloir résorber le chômage de longue durée. Elle s’inscrit en réalité dans un projet de plus grande envergure sur lequel Alter Échos a déjà écrit: les territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD). Des expérimentations tout droit importées – ou plutôt inspirées – de nos voisins français. En 2016, la France votait en effet une loi ouvrant la voie à la première expérience de TZCLD. De 10 territoires zéro chômeur, le gouvernement français a décidé d’élargir le dispositif à 60, au vu des premières retombées positives.
Cette initiative française a attisé la curiosité de plusieurs acteurs en Belgique. Lors des élections régionales précédentes, PS et Écolo ont intégré une proposition de TZCLD dans leurs programmes. En 2019, la volonté de mettre en place un dispositif similaire a été exprimée dans les accords des gouvernements wallons, bruxellois, et même au fédéral en 2020. Mais dans le même temps, des voix critiques se sont constituées et ont nourri un climat politique défavorable, faisant revenir les gouvernements sur leurs propositions. Des semblants de territoires zéro chômeur ont toutefois germé: en Flandre, via l’association Saamo, à Bruxelles, via les contrats de quartier durable, mais surtout en Wallonie.
À travers le cofinancement de la Wallonie et de l’Union européenne dont nous parlions précédemment, 17 expériences pilotes de TZCLD ont été sélectionnées et réparties en Wallonie dans des zones socioéconomiques où le taux de chômage est plus élevé selon les indicateurs de l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique (IWEPS). Les TZCLD projettent de créer 750 emplois sur le territoire wallon, dont plus de 300 en région liégeoise. Notamment via la conciergerie sociale.