Pas près de fermer boutique

Quand Joseph n’est pas sur chantier, il est donc au magasin où il y a toujours bien une ampoule à changer, un objet à rafistoler, des meubles à monter ou à démonter. En déambulant entre les rayons, il remet de l’ordre ici et là. Et quand il se fait harponner par un client visiblement habitué, les blagues fusent : « T’as vu ? On a même réussi à faire venir Capitaine Marleau, lance Joseph, en désignant un mannequin portant une chapka mais dont il manque la main gauche. Tu sais, le feuilleton avec Corinne Masiero. Elle est sympa. Mais on lui a volé ses doigts… Elle va mener l’enquête ! [ils rient] »

 

Depuis 2005, l’ASBL fait partie du Rassemblement pour le droit à l’habitat (RBDH). En améliorant les conditions de vie des personnes défavorisées, les Compagnons Dépanneurs participent à la réalisation du droit fondamental à un logement décent. Celui qui permet une vie sociale « normale ». Celui qui fait qu’on ne meurt pas de honte ou de peur à l’idée de recevoir quelqu’un chez soi. Bref, celui qui offre la possibilité de vivre dignement. « C’est le constat que faisait, dès 1970, la fondatrice et présidente des Compagnons Dépanneurs, Claudine Poncelet », relate Cécile Nyssen, l’actuelle directrice générale.

(c) Pierre Vanneste pour Alter Echos

À Bruxelles comme ailleurs, ce droit a pourtant tendance à reculer. Il devient en effet de plus en plus compliqué de se loger correctement à un prix raisonnable. « Les gens ont parfois du mal à joindre les deux bouts, même quand ils ont un emploi, parce que le loyer prend déjà la moitié des revenus. » L’association intervient chez toute personne en difficulté, qu’importe son âge, sa religion, sa nationalité, son appartenance politique, sa situation familiale ou sociale. Tout ce qui compte, c’est sa situation économique : il faut être bénéficiaire du revenu d’intégration social du CPAS ou d’un autre revenu équivalent (pension, mutuelle, etc.).

 

Aux Compagnons, la main-d’œuvre est gratuite, les bénéficiaires ne paient que le matériel. « Un homme de métier indépendant ne va pas se déplacer pour un petit dépannage du genre robinet qui coule, tuyau bouché, chasse de WC qui fuit, etc. Ça lui coûte trop cher. Si un électricien vient, il te dira qu’il faut refaire l’installation électrique complète et que ça coûtera 8.000 euros. Les gens n’en ont pas les moyens », témoigne Joseph.

 

Face à une précarité grandissante, l’association fait le constat d’un flot ininterrompu de demandes d’intervention qu’elle ne peut toutes honorer. « Ce qui est terrible, c’est que certaines personnes sont déjà contentes d’avoir un toit, pointe Cécile Nyssen. Elles ne réclament donc pas davantage, alors qu’elles vivent dans des habitations trop petites, humides, vétustes, insalubres… Malheureusement, nous ne sommes pas près de fermer boutique. »