De ses 18 à 19 ans, Noémie a fait le tour des abris de nuit, des logements de transit et des maisons d’accueil de la région de Charleroi. Cette période correspondait à la fin de l’encadrement prévu par les services de l’aide à la jeunesse (SAJ). Livrée à elle-même, elle avait une série de plans différents pour être logée et enchaînait toutes ces petites solutions. L’équipe de Housing First Jeunes est alors intervenue – six mois d’errance suffisent à commencer le suivi d’une jeune comme Noémie, contre deux ans de sans-abrisme ou d’errance pour les individus de plus de 25 ans[5]. Le service l’a accompagnée dans la recherche d’un logement, qu’elle a obtenu, vers 19 ans: un logement social, pour elle seule et en banlieue carolo. Un petit appartement au rez-de-chaussée d’une maison d’un étage, mal isolée et sans chauffage. Loyer: 355 €. Puis Noémie a disparu.
Le temps passe; l’équipe Housing First reste disponible. Au cas où Noémie appelle. Si Housing First Jeunes aide les 18-25 ans en situation d’errance à devenir locataires pour éviter la rue, le suivi psychosocial est tout aussi important que l’obtention du logement. Il s’agit de veiller et prendre soin de l’état de santé physique, mentale, financière des profils Housing First, à raison d’environ un rendez-vous par semaine. Si le ou la jeune quitte le radar pendant un temps, OK. Le service passe simplement en veille. Et dès que la personne revient, Amélie, Tamara, leurs collègues… reprennent le fil. Le suivi ne s’arrête que si les deux parties actent, d’un commun accord, qu’il n’est plus nécessaire.
De ses 18 à 19 ans, Noémie a fait le tour des abris de nuit, des logements de transit et des maisons d’accueil de la région de Charleroi. Cette période correspondait à la fin de l’encadrement prévu par les services de l’aide à la jeunesse (SAJ). Livrée à elle-même, elle avait une série de plans différents pour être logée et enchaînait toutes ces petites solutions.
Noémie a rappelé Amélie hier soir. Elle est de retour en région carolo. Elle a 21 ans, désormais. Elle est maman. Son bébé de trois semaines se trouve avec son papa (désormais ex-compagnon de Noémie) et la famille de ce dernier, ailleurs en Wallonie. Noémie ne veut pas retourner dans ce foyer – trop de conflits. Elle loge chez un ami, également suivi par Housing First Charleroi. Amélie passe la chercher. Elles font le point dans la voiture: «Comment vas–tu? De quoi as-tu besoin?» Elles vont au logement de Noémie.
Le duo franchit la porte du petit appartement, au rez-de-chaussée de la petite maison peu isolée. Il y fait forcément froid et humide, après plusieurs semaines d’absence. Amélie trie le courrier et trouve des enveloppes venant du CPAS, de la police, de la Région wallonne qui informe sur la prime MéBaR (une subvention pour aider les ménages à revenus modestes à placer un chauffage dans une habitation qui en est dépourvue). «Ça, c’est une bonne nouvelle», souligne-t-elle. Elle peut introduire la demande pour Noémie, histoire d’essayer d’améliorer considérablement ce logement social actuellement sans chauffage central. En parallèle, Noémie fait le tour des lieux et, d’un coup, veut urgemment tout ranger, tout laver. À trois semaines post-partum, avec des points de suture en cours de cicatrisation et un corps essoré, elle s’active. «Je vais péter un câble si ce n’est pas un peu rangé.» Une minute plus tard: «Ah, ça m’énerve le bordel comme ça, les choses sales.» Ensemble, on lave à l’eau, on fait les poubelles, on trie. Amélie: «Tu m’autorises à contacter ton avocate?» Oui.
L’enjeu est d’aider Noémie à revenir vivre sur Charleroi avec l’enfant (qui est resté avec son père et sa famille) et, dans l’idéal, lui permettre d’intégrer temporairement une maison maternelle[6]. Puisque Noémie est sous administration de biens (d’où l’avocate) et suivie par Housing First Jeunes, Amélie passe une série d’appels pour faire le tour de la question, qui s’avère complexe: puisque Noémie est «en logement», les maisons maternelles ne sont (a priori) pas une option pour elle et son enfant. Ces lieux d’accueil sont réservés aux femmes sans logement. Noémie en a un – peu meublé, pas chauffé ces derniers mois, inadapté à un nouveau-né, mais disponible, payé et aménageable. Dès lors, que faire?
Dans l’immédiat, du repos. C’est vendredi, 17 h, les services sociaux et autres interlocuteurs pertinents (type ONE, SAJ) sont fermés jusqu’à lundi. «Tu dors où ce soir? Que je sache où te trouver», demande Amélie. Quelques heures plus tôt, elle posait la même question à Alba. «Où? Comment te joindre?» Garder le lien – l’enjeu avec ce public jeune, très volatil. Noémie répond qu’elle sera chez son ami, le même que tout à l’heure, également locataire social. C’est trop bordélique à son goût, mais elle s’y sent bien. «OK. Je t’y ramène et on se fixe rendez-vous la semaine prochaine.»
5] Pour entamer un suivi avec Housing First, les profils de plus de 25 ans présentent généralement les «critères» suivants: assuétudes, difficultés au niveau de la consommation d’alcool ou de stupéfiants, fragilités en santé mentale. Du côté des jeunes (18-25 ans), la dépendance à l’alcool ou à d’autres drogues dures entre moins en ligne de compte: un·e jeune est suivi s’il présente des soucis de consommation, sans forcément arriver à un état d’assuétude.
6] Une maison d’accueil pour femmes en difficultés psychosociales, avec ou sans enfant(s).