Les scènes rapportées ci-dessus, en compagnie d’Alba, Florian et Noémie (trois prénoms d’emprunt), appartiennent à la même journée: un vendredi plutôt basique pour le secteur du sans-abrisme et du mal-logement en Wallonie. Ces trois récits attestent du volume et de l’intensité de travail inhérents au programme Housing First (à Charleroi comme ailleurs). Au départ du bureau d’équipe, situé route de Beaumont à Marchienne-au-Pont, Amélie Loisse et Tamara Roels circulent toute la journée, réalisent environ trois suivis chacune entre 8 h 30 et 17 h. Nos voitures sont nos bureaux, disent-elles.
«Et Housing First fonctionne», poursuivent-elles. Elles y croient; elles voient les résultats. «Les pays scandinaves, la Norvège notamment, placent quasiment tout l’argent public dédié à la problématique du sans-abrisme dans des projets Housing First, avec l’intention de faire disparaître le sans-abrisme par l’accès rapide au logement, détaille Jeremy Wilmot, et je suis plutôt d’accord avec cette idée.»
Depuis le début de ses activités en 2012, Housing First Charleroi (qui dépend du Relais social de Charleroi) a aidé 110 personnes, qui ont connu la rue ou l’errance, à chercher, obtenir et garder un logement stable. À ce jour, 51 personnes majeures[7] sont suivies par l’équipe Housing First. Parmi ces bénéficiaires: 11 jeunes de 18 à 25 ans, soit le public aux critères les plus souples pour rejoindre le programme, parmi lesquels six femmes et cinq hommes.
Depuis le début de ses activités en 2012, Housing First Charleroi (qui dépend du Relais social de Charleroi) a aidé 110 personnes, qui ont connu la rue ou l’errance, à chercher, obtenir et garder un logement stable.
Si une partie du groupe est désormais «en logement» grâce à Housing First (parmi lesquels Noémie et, depuis peu, Florian), une autre partie de ces jeunes recherche encore, attend des réponses, s’impatiente (Alba, notamment).
Le staff de Housing First Charleroi, composé de 10 équivalents temps pleins, est pour le moment financé à 50% par des subventions de la Wallonie (soit par décret, donc un financement structurel; soit via le plan de relance wallon, une option moins pérenne).
Alors que le gouvernement Di Rupo III (PS, MR, Écolo) avait soutenu en 2021 le financement des postes spécifiquement dédiés à Housing First Jeunes partout en Wallonie, le nouveau gouvernement MR-Engagés opère de son côté une coupe budgétaire magistrale de 850.000 € dans les budgets des relais sociaux urbains et intercommunaux. «Ma volonté, en accord avec la Déclaration de politique régionale, est bien de poursuivre le soutien aux dispositifs de solidarité – comme le programme Housing First – qui sont cruciaux pour promouvoir une société plus inclusive, tente de rassurer Yves Coppieters (Les Engagés). Par ailleurs, d’autres mesures, comme le renforcement des équipes des relais sociaux, devraient être également conservées.»
Sans davantage de précisions à ce stade, le Relais social de Charleroi s’interroge sur la suite. «On ne sait pas où seront faites les coupes budgétaires. À ce stade, ce n’est pas clair», déclare Laurent Ciaccia, coordinateur général du Relais social.
En parallèle, le Housing First Belgium Lab, intégré au SPP Intégration sociale, clôture justement un appel à projets adressé à certains CPAS de Belgique. Cette initiative fédérale va permettre l’achat de 31 biens immobiliers, à attribuer spécifiquement à des jeunes Housing First. En Wallonie, si le gouvernement régional coupe drastiquement dans les budgets des services sociaux, qui se chargera alors de loger les jeunes dans ces nouveaux logements?
[7] Toutes tranches d’âge confondues et sans compter leurs enfants.