Un des points forts du groupe de parole est l’organisation d’activités. Les membres du groupe peuvent proposer une activité, et puis l’organiser
«L’idée, c’est que cela vienne de vous», rappelle Daniel.
Kira a justement un projet qui lui tient à cœur. Après hésitation, elle se lève et se dirige près de Daniel pour le lui présenter. «C’est ton projet, il faut l’expliquer !», plaisante l’animateur.
Elle évoque alors les grandes lignes de son projet. Une formation sur le leadership. «Il faudrait que nous, en tant que personnes LGBTQUIA+, nous soyons capables d’orienter d’autres jeunes afin de les aider à se défendre… ou encore à partager leurs expériences avec les personnes vivant une situation similaire», résume-t-elle. Ce travail sur le leadership s’accompagnerait d’une formation autour de l’orientation sexuelle et l’identité de genre. «Qui sommes-nous ? Que faisons-nous ? Une telle formation permettrait de renforcer les capacités de chacun», poursuit Kira.
Activiste au Bénin et Miss Trans Afrique
On ne pourrait pas le croire, mais c’est la première fois que Kira se rend au groupe de parole.
Au Bénin, elle était activiste trans et féministe. La jeune femme n’avait pas du tout prévu de venir en Belgique. Mais alors qu’elle était en déplacement en Europe il y a quelques mois, elle a reçu plusieurs menaces de mort. «Des menaces qui me faisaient comprendre clairement que si je remettais un pied au Bénin, je risquais ma vie. Retourner, c’était choisir le camp de la mort», explique-t-elle.
Son activisme, Kira ne compte pas l’arrêter. «Je suis pas près de prendre ma retraite», plaisante-t-elle. Elle veut profiter de son titre de Miss Trans Afrique pour soutenir, depuis la Belgique, une communauté discriminée et marginalisée au Bénin comme dans d’autres pays africains. «Ce concours de miss ne se réduit pas à un concours de beauté. C’est surtout un concours ouvert à toute personne trans qui veut défendre, représenter sa communauté pour apporter sa pierre à l’édifice pour la liberté de genre, la liberté d’orientation sexuelle. C’est un concours pour tous les pays d’Afrique, un concours qui met en avant la femme trans», explique-t-elle.
Le traumatisme de centre
Si Kira a eu la chance de tomber sur de belles personnes depuis son arrivée en Belgique, elle est sortie «traumatisée» de son passage en centre d’accueil. «Même si le personnel était compréhensif, on m’avait placée dans la catégorie «homme», ce qui était assez compliqué à vivre au quotidien, ne serait-ce que pour l’accès aux douches. Face à ma situation, on m’a proposé de me laver dans les douches médicales.» Mais même en ayant accès à ces douches, Kira a subi plusieurs fois des intimidations de résidents dans cet endroit qui lui était dédié. «J’ai eu beau signaler ce problème, rien n’a été fait. Cela m’a tellement mise en colère.»
Dans le centre, Kira a été confrontée à tout : transphobie, racisme, harcèlement sexuel… «Certains hommes me harcelaient sexuellement, en tentant de m’approcher le soir, tandis que les femmes se montraient extrêmement transphobes, notamment des résidentes d’origine arabo-musulmane. Je n’ai pas réussi à m’attacher à quelqu’un dans le centre. J’avais une seule envie : sortir, la tête haute, sans devoir me sentir jugée par quelqu’un.»
Malgré cette expérience, Kira se sent tout de même plus en sécurité en Belgique. «Je peux être qui je suis, faire ce que je veux.» Par contre, la jeune femme ne se sent pas encore intégrée. «Que ce soit au centre d’accueil ou dans le bus, par exemple, il m’arrive de me sentir stigmatisée. Mais est-ce parce que je suis noire ? Parce que je suis trans ? Quand je ressens une discrimination à mon égard, je ne sais pas où elle s’oriente. C’est très perturbant…»
Un projet pour mieux accompagner le personnel des centres d’accueil
Constance Marée est formatrice chez Prisme, la fédération wallonne LGBTQIA+ qui regroupe notamment l’ensemble des Maisons Arc-en-Ciel de Wallonie. Elle travaille actuellement à un projet financé par l’Europe en vue de fournir aux centres d’accueil une expertise et des outils pour être inclusifs envers les personnes LGBTQIA+, de façon à créer des espaces « safe » pour ces personnes qui résident dans les centres d’accueil. Le projet, débuté en 2023, a donné lieu à une phase de recherche approfondie, sur base de laquelle des formations sur mesure seront dispensées dès 2025 aux professionnels. «L’objectif de ces formations est de leur fournir les connaissances nécessaires pour travailler de manière adéquate et inclusive avec les personnes LGBTQIA+, explique Constance Marée. Les professionnels sont souvent démunis sur ces questions parce que peu formés et informés sur ces questions. Ils manquent souvent de ressources pour pouvoir proposer aux résidents LGBTQIA + des solutions ou des services qui leur sont dédiés.»
Mais une des difficultés rencontrées par la formatrice, c’est le turn-over. «Tant parmi les résidents des centres que les travailleurs. Dans le projet que nous menons, on se rend compte que même si on forme le personnel sur cette question, ces personnes vont à terme changer d’emploi ou de centre. Et les résidents aussi. Notre volonté est qu’il y ait au sein des cadres de Fedasil ou de la Croix-Rouge du personnel qui soit formé à former d’autres membres du personnel sur ces questions. Il est difficile d’implémenter des bonnes pratiques dans un contexte où employés comme résidents changent tout le temps.»
Un contexte fragile qui signifie aussi, pour les résidents, de la violence. «C’est un constat qui revient dans de nombreux centres. Violence, agressions, rejet, c’est hélas le quotidien de nombreux résidents LGBTQIA+».
Raison pour laquelle dans ce contexte de crise de l’accueil, Prisme plaide pour la création d’une structure dédiée à ce public avec un public formé. «Il y actuellement 14 places disponibles à Bruxelles, mais elles sont saturées vu la demande.»