Un espace safe et bienveillant

«Il y a des chips, des boissons, les gars, n’hésitez pas…», lance Céline Billion, coordinatrice du service de la Maison Arc-en-Ciel, aux premiers arrivés. 

Derrière son ordinateur, Daniel Shyirambere, animateur à la Maison, règle les derniers détails de la journée. Le programme sera bien chargé. 

De minute en minute, la salle se remplit. On se salue, se fait la bise, tout en cherchant une chaise libre. Bientôt, il n’y aura plus de place. Il est temps de commencer. 

«Vous connaissez le principe : on se réunit en groupe pour des échanges d’infos autour de la procédure d’asile ou autour des questions sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre», rappelle Daniel. 

«C’est toujours l’occasion de venir parler de ces sujets ici, poursuit l’animateur. Mais s’il y a des personnes qui préfèrent le faire individuellement, c’est possible aussi lors de nos permanences.»

Depuis sa création en 2014, le service Maison Arc-en-Ciel du Centre d’action laïque de la province de Luxembourg offre un accueil, un soutien et un accompagnement aux demandeurs et demandeuses de protection internationale LGBTQIA+ qui résident dans les centres d’accueil de la province. Mais pas seulement : beaucoup de participants viennent également du reste de la Wallonie et de Bruxelles. 

Une fois par mois, le samedi après-midi, la Maison organise à Libramont un groupe de parole ouvert à ce public, majoritairement originaire de pays africains qui répriment et condamnent l’homosexualité.

 

Partager son expérience

 

«C’est une opportunité  pour  se rencontrer,  partager son expérience, évoquer des blessures communes, aborder le parcours d’asile, les leviers d’intégration ou encore la vie dans les centres dans un espace safe et bienveillant», explique Céline. 

« La situation est particulièrement compliquée pour les personnes migrantes LGBTQIA+, ajoute Daniel. Ce sont des personnes rejetées dans leur pays d’origine en raison de leur orientation sexuelle qui y est souvent criminalisée. Beaucoup de personnes ont été marquées par la rupture familiale. Une fois en Belgique, elles se retrouvent dans des centres où elles peuvent croiser des personnes issues de leur pays, la plupart homophobes… Elles ont donc peur d’être elles-mêmes, de vivre leur vie parce que ces personnes sont exposées à de potentiels risques et dangers, y compris dans un lieu censé les protéger.»

De samedi en samedi, une trentaine de personnes LGBTQIA+ en demande de protection internationale se retrouvent au sein de l’organisation locale pour y trouver pendant quelques heures solidarité et sécurité. «Au début, le groupe se limitait à deux, trois personnes et de fil en aiguille, on a vu la participation croître pour accueillir une trentaine de personnes. Depuis un an, la salle ne suffit plus du tout»,  raconte Céline

Dans ce groupe de parole, Daniel et Céline leur offrent une oreille attentive. Une telle après-midi permet aussi de se sortir du centre d’accueil, de ses procédures, en socialisant avec des personnes qui partagent souvent la même histoire. 

«Cet accompagnement a pour but de reconnaître la personne dans son humanité, en misant sur ses compétences et en favorisant la réappropriation de son histoire en vue de se sentir mieux», poursuit Daniel.

Un tour de table

Chaque séance commence par un tour de table. Nom, prénom, lieu de résidence, emploi, pays d’origine, loisirs, couleurs préférées… Tout y passe, et c’est l’occasion pour chacun de faire connaissance. Edwige est camerounaise et habite à Molenbeek. Elle n’a pas d’emploi, mais suit une formation en néerlandais. Sa couleur préférée est le vert citron et elle aime le foot. Ethan vient lui aussi du Cameroun. Il travaille à la Plateforme Prévention Sida en tant que chargé de projet HSH (Homme ayant des rapports sexuels avec un ou d’autres hommes). Il aime voyager, et sa couleur préférée est le bleu turquoise. Franck est animateur social à la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne). Il aime le bleu ciel et le mauve. Comme Ethan et Edwige, il est originaire du Cameroun. Kira, elle, vient du Bénin. Elle est activiste féministe et a été élue Miss Trans Afrique. Elle aime la musique, les voyages et la cuisine…  Le rouge, le bleu et le blanc sont ses couleurs préférées. 

Après la présentation, Daniel reprend la parole pour évoquer la dernière Pride d’Anvers où certains participants étaient présents. 

«C’était un beau moment de solidarité, de représentation, surtout dans une ville où l’extrême-droite est très présente. C’est important d’y être et de se faire entendre», évoque Franck. 

«Oui, c’était un chouette événement, renchérit Daniel. C’est chouette car on se réunit, on se retrouve, on rencontre d’autres associations. L’objectif n’est pas tant de représenter la Maison Arc-en-Ciel, mais plutôt de mettre en avant les réalités des personnes LGBTQIA+ en demande d’asile. C’est donc vous qui êtes mis en avant…»