Au cours du processus, les auteurs et autrices peuvent revenir vers le groupe à tout moment. Derrière un ouvrage, il peut y avoir deux, trois, cinq rencontres. C’est selon. Et, bien souvent, la magie opère. «Ces rencontres donnent lieu à des discussions très vraies et très riches entre les deux parties, remarque Nathalie Husquin. Un attachement se met en place, un rapport fort se construit entre les apprenants et l’auteur. Ce travail de coconstruction autour des manuscrits est vecteur de transformation pour les deux parties.»
Cette relation particulière qui se construit, l’autrice Catherine Barreau l’a vécue. Son ouvrage, La grande profondeur, publié l’année passée, est le trentième de la collection La Traversée. L’autrice se replonge dans les prémices de l’aventure: «Je me souviens de cette première rencontre avec un groupe d’apprenants à Arlon. J’avais envie de baigner dans le groupe, pour me sentir au plus proche d’eux. Ils m’ont parlé de leur rapport à l’écrit. Parce que je les ai interrogés à ce sujet, ils m’ont expliqué qu’ils avaient envie d’une histoire sans violence, avec de l’humour et qui finisse bien. Même si cette histoire restait la mienne, j’ai été très sensible à ce qui était important pour eux, la famille, le travail, notamment… et cette envie d’espoir, aussi.»
Au fil de l’écriture de ses chapitres, l’autrice a fait des allers-retours vers les apprenants. «J’avais très envie de vivre ce processus partagé proposé par La Traversée, poursuit-elle. Et à chaque séance, écouter les apprenants parler de cette histoire qui progressait, ça me nourrissait, ça me donnait du carburant pour écrire la suite.»
Quant à l’autrice Ariane Le Fort, qui vient de soumettre pour relecture critique son manuscrit au groupe rassemblé à Tamines, elle a choisi de tout écrire en une fois, après une première rencontre avec quelques apprenants. Elle explique: «Généralement, j’ai un public acquis. Là, je dois écrire pour des gens qui n’aiment pas lire, pour qui l’écrit, c’est un peu leur ennemi. Alors j’espère que mon personnage sera suffisamment accrocheur pour qu’ils s’y identifient. Essayer de trouver le ton juste et la voix juste, c’est un sacré exercice et une belle leçon d’humilité.»
«Écrire pour les plus courageux»
Contrairement aux idées reçues, écrire des romans accessibles n’est pas une mince affaire, comme le rappelle la directrice de Lire et Écrire Luxembourg, Rita Stilmant: «Les auteurs et les autrices qui ont collaboré avec La Traversée sont unanimes pour dire que c’est complexe d’écrire de manière simple mais pas simpliste tout en créant un véritable ouvrage littéraire de qualité.»
Cette simplicité complexe en écriture, l’écrivaine Catherine Barreau en parle, elle aussi: «C’est difficile d’écrire simplement sans s’éloigner de l’idée que ce soit beau, poétique, esthétique… Et tout en veillant à ce que les personnages restent complexes. Mais c’est aussi un plaisir d’écrire différemment et de voir comment des contraintes peuvent aussi amener de la créativité et une autre forme de liberté. C’est un plaisir de trouver des mots simples, débarrassés de toute pression. C’est aussi écrire pour les plus courageux, pour qui la lecture est un exercice difficile. Et je me dis que peut-être je participe à donner du plaisir à leur courage. Écrire pour La Traversée m’a apporté une grande joie et a donné beaucoup de sens à mon écriture.»