C’est beau, mais c’est loin. On se rappelle la petite phrase de Jacques Chirac, l’ancien président français, lancée à tout va en pleine campagne à chaque poignée de main qu’il rencontrait. En arrivant à Gedinne, c’est le sentiment qui domine, malgré les trains bondés de scouts flamands qui descendent dans la petite commune ardennaise. Au volant du véhicule ASD (Aide & Soins à domicile), reconnaissable entre mille, Julien fait rapidement la visite pour un journaliste en vadrouille. Avec l’été, il évoque le suivi de patients flamands en villégiature dans la région. «Ce n’est pas qu’on soit devenu bilingue, mais on se débrouille…»
Depuis quelques années, Gedinne est prise d’assaut par des Flamands en quête de nature et d’une seconde résidence. «C’est devenu compliqué pour les jeunes de vivre ici, tant le prix des habitations est devenu élevé, raconte-t-il. Mais c’est un autre sujet…», reprend-il. Julien est infirmier depuis dix-neuf ans, dont «cinq années et sept mois passés à Gedinne», précise-t-il. Au sein du centre ASD, Julien, c’est un peu la mascotte. Il a plusieurs casquettes au sein de l’équipe. Engagé dans l’équipe mobile, il connaît tout le monde, va partout dans la région. C’est une personne-ressource, à tel point qu’il est aussi devenu tuteur pour superviser les nouvelles recrues en leur expliquant les ficelles du métier, les choses qu’on n’apprend pas forcément à l’école, mais sur le terrain au contact des patients. «Il s’agit de leur mettre le pied à l’étrier pendant un an afin de limiter la rotation au sein du personnel. C’est un pis-aller, on le sait bien… Mais, grâce à ce soutien, les jeunes ne se sentent pas seuls.»
Au sein du centre ASD, Julien, c’est un peu la mascotte. Il a plusieurs casquettes au sein de l’équipe. Engagé dans l’équipe mobile, il connaît tout le monde, va partout dans la région. C’est une personne-ressource, à tel point qu’il est aussi devenu tuteur pour superviser les nouvelles recrues en leur expliquant les ficelles du métier, les choses qu’on n’apprend pas forcément à l’école, mais sur le terrain au contact des patients.
Malgré son enthousiasme, sa passion pour ce métier, il y a quelques mois encore, l’homme allait pourtant claquer la porte. «Je voulais arrêter le métier. J’étais en pleine remise en question.» Puis Séverine Vermersch, l’infirmière-cheffe du centre ASD de Gedinne, est venue avec une idée, celle de réinventer le modèle de soins à domicile, en donnant plus d’autonomie à ses équipes, tout en renforçant le contact avec les patients. «Ce projet est venu comme une bouffée d’air. Je me suis dit ‘pourquoi pas, et, s’il y a des changements, tant mieux’. En quelques mois, on a commencé à changer les mentalités, même s’il y a encore un gros travail à faire…»
La voiture arrive au centre ASD. Séverine est justement là pour accueillir l’équipe qui revient de sa tournée autour d’une tasse de café et de galettes. Infirmière sur le terrain pendant longtemps, elle est devenue infirmière-cheffe il y a six ans et, depuis, elle coordonne toute une équipe, soit une trentaine de personnes. Mais après 22 ans passés sur le terrain, et, voyant l’évolution de ce métier, elle a voulu prendre le taureau par les cornes pour répondre à l’épuisement du personnel, au «turn-over», aux difficultés de recrutement ou à des prises en charge de patients de plus en plus lourdes. Avec une dizaine de volontaires au sein de l’équipe, elle décide alors de changer radicalement de mode d’organisation, en créant «Nôtre soin».
Mais après 22 ans passés sur le terrain, et, voyant l’évolution de ce métier, Séverine a voulu prendre le taureau par les cornes pour répondre à l’épuisement du personnel, au «turn-over», aux difficultés de recrutement ou à des prises en charge de patients de plus en plus lourdes.
Dans cette petite révolution, elle reçoit le soutien de Patricia Beaufays, directrice du département «soins infirmiers» de l’ASD en province de Namur. «Le constat est simple: le modèle des soins à domicile n’a pas beaucoup changé depuis 50 ans. Il est temps d’innover», explique-t-elle. Une innovation d’autant plus attendue par le personnel que les patients veulent désormais être considérés comme de véritables partenaires.
Une innovation qui vient aussi remettre en question le mode de financement «archaïque», selon Patricia Beaufays, du secteur. Le centre est en effet tributaire des faibles remboursements de l’INAMI pour la plupart des actes infirmiers posés. «Le paiement à l’acte entraîne en outre une course au rendement», ajoute Séverine Vermersch. Une course aux actes qui réduit le temps passé auprès des patients et, indirectement, la qualité de soins. Et, en bout de course, ce mode de fonctionnement fragilise le bien-être des professionnels.