Au-delà du soin médical stricto sensu, ce que les patients réclament, c’est le contact humain. «En prenant davantage le temps de parler avec eux, on peut déceler d’autres besoins. On a le temps de planifier la manière dont on va travailler chez eux… Plein de choses qu’on faisait avant, mais pas de la même façon, explique Joëlle qui mesure à quel point l’organisation des tournées a évolué au sein du projet «Nôtre soin». Les patients vous proposent un café, un jus d’orange, n’importe quoi, et, bien souvent, on accepte et on discute avec eux, tandis qu’avant, je partais avec ma gourde. Les patients voient la différence entre des infirmières qui courent à gauche, à droite, sont pressées, et celles qui ont plus de temps pour eux.»
Julien constate qu’il a plus de temps à consacrer aux patients, même pour de petites choses, parce que l’équipe s’organise mieux avec cette nouvelle organisation. «Avant, on coupait les ongles d’un patient vite fait comme cela, maintenant, on va s’asseoir, prendre le temps, donner un petit coup de lime. On peut prendre une petite tasse de café, cela fait plaisir aux gens et la confiance s’établit. Avant, on n’aurait même pas enlevé notre veste, tellement on était pressé. On sait que le temps où on est chez les gens, c’est pour eux, et si cela déborde de 5, 10 minutes, on sait qu’on peut toujours avoir un petit coup de main sur sa tournée la journée. Bref, c’est moins de stress pour tout le monde.»
Julien constate qu’il a plus de temps à consacrer aux patients, même pour de petites choses, parce que l’équipe s’organise mieux avec cette nouvelle organisation.
Séverine Vermersch abonde dans ce sens, en prenant un exemple récent: «Joëlle est allée sur une tournée que ne couvre pas l’équipe pilote. En revenant, elle m’a dit avec une langue jusque par terre: ‘Séverine, je n’ai plus jamais fait une tournée comme cela depuis longtemps!’ En fait, avant, on n’osait pas le dire. Il y avait du travail, et chacun assumait sa part, quitte à ne rien dire des difficultés rencontrées aux autres. Vous savez, pouvoir demander de l’aide reste difficile pour un infirmier. Comme s’il y avait la peur du jugement, de ne pas être à la hauteur. Pourtant, c’est un métier où la solidarité doit primer…»
Ces difficultés sont d’ailleurs rapportées lors des réunions d’équipe, une fois par mois. «Justement, par rapport à cette tournée problématique, on a regardé ensemble ce qui ne fonctionnait pas afin de trouver une solution pour le personnel, explique Séverine. L’objectif de ces réunions est de travailler la relation, la cohésion, l’esprit d’équipe, mais aussi, bien entendu, le bien-être au travail.»
Ces difficultés sont d’ailleurs rapportées lors des réunions d’équipe, une fois par mois.
«On ressort à chaque fois avec des idées, des propositions qu’on va mettre en place, poursuit Catherine, prenant la situation problématique d’une patiente lors d’une de ses tournées. Chacun est arrivé avec des idées et tout le monde s’est mis d’accord pour l’encadrement. C’est plus confortable, plus efficace d’en parler ensemble que de trancher derrière un bureau, en disant ‘il faut faire comme ci, comme ça’. C’est vraiment le groupe qui a décidé et tranché pour offrir le meilleur accompagnement à cette patiente, sans sacrifier pour autant le bien-être au travail.»
Cela n’empêche pas néanmoins d’aborder la «rentabilité» du projet. «On déteste ce sujet, car on travaille avec l’humain, mais c’est le cadre dans lequel on fonctionne. On est bien obligé de le respecter, se justifie Séverine, avant de se féliciter des premiers résultats. On reste rentable, tout en prenant du temps chez les gens. On aurait pu penser qu’un tel projet allait coûter plus cher, ce n’est pas le cas.» Pareil pour le taux d’absentéisme. «Le but était aussi de lutter contre ce phénomène. Il est quasiment à zéro depuis quelques mois…»